Les hôpitaux comme source de pollution par les médicaments ?

Des traces de médicaments sont détectables dans la plupart des eaux de surface, et même des eaux souterraines. La source principale de pollution est notre consommation de produits pharmaceutiques comme déjà discuté dans le post « Des médicaments et des hommes ».

On peut donc se demander si les espaces de soins, comme les hôpitaux, représentent une source ponctuelle importante, et donc s’il serait nécessaire d’envisager un traitement spécifique pour ces structures.

Entre 2010 et 2013, nous nous sommes donc intéressés au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV) afin d’estimer quelle était sa participation, par rapport à la ville, dans les rejets en médicaments à Lausanne. Cet établissement d’environ 700 lits représente le plus grand hôpital de la région lausannoise.

Première constatation, dans les grands hôpitaux, il est difficile de mesurer des concentrations « à la sortie du tuyau ». En effet, chaque bâtiment a sa propre sortie d’eaux usées et elles ne rejoignent pas forcément le même collecteur. Difficile donc d’avoir une idée de la pollution globale du CHUV.

Deuxième constatation, l’estimation des substances pharmaceutiques consommées est extrêmement fastidieuse à effectuer. En effet, les données fournies par la pharmacie de l’hôpital sont les quantités de produits médicamenteux distribués. Il faut donc les transformer en substance active afin d’estimer ce qui va être rejeté.

De plus, les médicaments non consommés, et parfois jetés, ne sont pas comptabilisés. Il y a donc un biais dans les calculs.

Malgré ces soucis de mesures et de calculs, on constate rapidement que pour la majorité des médicaments, l’hôpital n’est pas la source principale de pollution. La part d’un centre de soin comme le CHUV représente moins de 10% de la pollution médicamenteuse à l’entrée de la station d’épuration de Vidy à Lausanne.

Ce résultat nous a surpris. Pourquoi une structure avec autant de patients traités ne représente-t-elle pas une plus grande part ?

Parce que les traitements actuels se font de plus en plus souvent en ambulatoire. Le patient prend le médicament au CHUV, mais l’excrétion de celui-ci se fait dans ses toilettes, à la maison.

Ceci explique aussi pourquoi on détecte des concentrations de médicaments assez importantes  dans les effluents de stations d’épurations de petits villages.

Cependant, pour certains médicaments particuliers, l’hôpital représente quand même 50% de la pollution à la station d’épuration. C’est le cas de certains antibiotiques utilisés pour traiter des bactéries multirésistantes par exemple.

Notons que les résultats trouvés pour le CHUV sont confirmés par d’autres études, comme celle menée sur l’hôpital de Baden par le centre de recherche eawag, ou encore aux HUG de Genève.

Faut-il donc s’occuper des effluents hospitaliers?

A mon sens oui, ceci du fait que pour certaines substances, souvent assez actives comme des antibiotiques ou anticancéreux, les hôpitaux représentent une part non négligeable de la pollution.

De plus, ces effluent véhiculent des virus et des bactéries multirésistantes que nous préférerions ne pas retrouver dans l’environnement. Ils contiennent enfin également des désinfectants et des biocides utilisés pour le ménage, mais aussi pour les bacs de désinfection des instruments. Or on sait que les biocides peuvent engendrer des résistances dans l’environnement.

Mais actuellement, légalement, rien de contraint les hôpitaux à traiter les eaux usées, sauf dans le cas de substances radioactives.

Traiter ne serait d’ailleurs pas évident. Comme mentionné plus haut, les bâtiments ont des réseaux d’eaux usées complexes qui ne se rejoignent pas forcément au même endroit.

L’idée serait donc plutôt de proposer un catalogue de solutions qui pourraient être appliquées au cas par cas.

Par exemple à Lausanne, les effluents hospitaliers vont être traités par la nouvelle station d’épuration qui retiendra les micropolluants. Il n’y aura donc pas vraiment de problèmes par temps sec.

Par contre, en cas de pluie, une partie des eaux usées se déverse directement dans le lac. L’idée serait donc de construire un bassin qui retiendrait les eaux de l’hôpital lors des pluies, et les renverrait dans le réseau après, afin d’être traitées.

Cependant, à côté du traitement, différentes solutions pourraient aussi être appliquées directement à l’hôpital pour éviter les rejets. Ainsi les restes de perfusions sont le plus souvent jetés à l’évier. Certains hôpitaux réfléchissent ainsi à brûler tous leurs déchets, inclus les liquides.

D’autres études proposent de récupérer les urines après traitements radiographiques dans des poches que le patient pourraient ramener à l’hôpital.

Dans ces deux cas, une sensibilisation, voire une formation du personnel soignant à cette problématique semble indispensable! Malheureusement, les questions liées à la pollution environnementale par les médicaments sont encore trop peu évoquées dans les études en soins infirmiers ou en médecine.

En résumé, même si les hôpitaux ne sont pas les sources principales de pollution par les médicaments, des mesures prises à la source et/ou sur le réseau, pourraient permettre de réduire encore la part qu’ils représentent. Mais ceci reste pour l’instant dépendant de la volonté des directions des centres hospitaliers.

Notons encore que nous avons parlé ici des grandes structures hospitalières. Mais à côté, il existe également de multiples petites à moyennes unités de soins (centres de radiographies, cabinets médicaux ou dentaires, centre pour personnes âgées, etc…). Ces derniers représentent également des sources ponctuelles de pollution par les médicaments. Certes petites, ces contributions pourraient également être réduites avec des solutions adéquates.

Références:

Daouk S, Chèvre N, Vernaz N, Widmer C, Daali Y, Fleury-Souverain S. 2016. Dynamics of active pharmaceutical ingredients loads in a Swiss university hospital wastewaters and prediction of the related environmental risk for the aquatic ecosystems. Science of the Total Environment 547: 244-253.

Chèvre N, Coutu S, Margot J, Wynn HK, Bader HP, Scheidegger R, Rossi L. 2013. Substance flow analysis as a tool for mitigating the impact of pharmaceuticals on the aquatic system. Water Research 47: 2995-3005.

 

Nathalie Chèvre

Nathalie Chèvre est maître d'enseignement et de recherche à l'Université de Lausanne. Ecotoxicologue, elle travaille depuis plus de 15 ans sur le risque que présentent les substances chimiques (pesticides, médicaments,...) pour l'environnement.

3 réponses à “Les hôpitaux comme source de pollution par les médicaments ?

  1. La solution est simple, favoriser Exit.
    Tous les vieux cons comme moi, du balai et plus de pollution de nos eaux au prix d’une survie coûteuse!

    Soit l’individu résiste tout seul, soit il laisse sa place, loi de la nature selon Buffon 1er
    Place aux jeunes 🙂

    1. Cher Olivier,
      Vous m’avez bien fait rire mais il faut dire qu’à 74 ans j’ai la chance de ne pas consommer de médicament et de pouvoir encore gravir des montagnes. Si j’étais malade j’aurais probablement réagi bien différemment. La loi de la nature c’est une vie pour une mort mais l’homme l’a depuis longtemps transgressée. Allez-vous vraiment vous appliquer votre solution ? J’ai quelques doutes d’ici là vous aller encore comme moi polluer la planète avec cette mauvaise habitude, l’habitude de respirer.
      Et bravo à Nathalie Chèvre pour son blog.

      1. Pardon, cher Zigormatique de ne pas vous avoir répondu, ne voyant votre message que maintenant.
        (je ne coche pas la tit case:)
        Mais vous m’avez mal compris. Crapahutez dans les montagnes comme une chèvre (;) tant que vous voulez.
        Mais, vous comme moi, j’en ai 65, n’encombrons pas les lits d’hôpitaux à vouloir à tout prix exorbitant nous maintenir sous perfusion et pour une vie de légumineuse.
        bonnes Alpes

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