Les émotions : signes extérieurs de faiblesse?

Au début de ma carrière, on m’a dit qu’il n’y avait pas de place pour les émotions dans le « business » et encore moins pour une femme dans un milieu d’hommes. Peut-on vraiment travailler dans les ressources humaines en annihilant ses émotions ?  Permettez-moi d’en douter.

Je vis tout à 300%, ma vie, mes rencontres, mes joies et mes déceptions. J’ai beaucoup de peine avec l’injustice. Je me souviens d’une conversation, un après-midi en plein confinement, avec un client qui ne souhaitait pas « honorer » ses engagements et nous payer pour le travail que nous avions fourni. La conversation arrivait après de nombreux courriels et était notre dernière possibilité de trouver un accord. Il est resté sur son piédestal et a maintenu ses positions avec beaucoup d’arrogance et de mauvaise foi : « shit happens ». Ce jour-là, j’ai eu envie de prendre mon manteau et de partir de façon théâtrale en claquant la porte. Je suis finalement parvenue à conserver mon calme et terminer cet entretien en cachant le flot d’émotions qui me traversait. J’ai pris un peu de recul, analysé la situation et entrepris les actions nécessaires.

Colère, tristesse, déception, honte font partie de notre quotidien et sont des sentiments universellement ressentis. Pourtant le monde du travail les perçoit comme négatifs et comme étant l’expression d’un signe extérieur de faiblesse. Les seules émotions tolérées sont la joie, la compassion, l’empathie et l’enthousiasme.

Le mot “émotion” vient du latin “emovere” qui signifie mouvement. Une émotion est donc une énergie qui nous met en mouvement. Connaître l’étymologie du mot permet de comprendre le message que les émotions nous communiquent à travers le corps. L’idée de vouloir cultiver uniquement les émotions positives et de réprimer les négatives est séduisante, mais illusoire. Quelle que soit la nature de l’émotion, son intensité reste la même.  “Il peut arriver qu’une réaction émotionnelle soit inadaptée, mais il est tout à fait rationnel d’avoir peur lorsqu’il y a un danger ou de se mettre en colère quand on nous insulte. Les émotions sont un des éléments qui influencent notre prise de décision” David Sander https://www.letemps.ch/sciences/emotions-souvent-rationnelles.

 

Comment éviter le « pétage de plomb » ?

Une de mes sociétés accompagne des dirigeants d’entreprises dans des mandats de gestion de ressources humaines et également dans le développement de leur leadership. Le facteur émotions fait partie des défis à relever. Nous aimons penser que nous maitrisons tout, y compris nos émotions. Apprendre à les reconnaitre, nous permet de mieux canaliser leur énergie pour avancer et de construire des relations plus saines et honnête avec nous-mêmes et les autres. Car à trop vouloir brider nos émotions et les enfouir dans nos entrailles, elles finissent par ressortir. C’est l’explosion, “le pétage du plomb” ou l’usure émotionnelle, voire le burn out.

Alors comment gérer certaines situations à fort potentiel émotionnel, telles que la non-reconnaissance de votre travail, la mauvaise foi d’un collègue, l’incompétence de votre hiérarchie ou encore l’injustice de la part de votre direction ou les critiques injustifiées ?

Il faut tenter de prendre du recul. Plus facile à dire, qu’à faire, surtout lorsque la situation est déjà tendue! Chacun peut trouver une méthode qui fonctionne, que ce soit une marche à l’extérieur, l’écoute de son podcast préféré, la méditation, ou en encore une discussion avec un ami… tout est bon finalement pour s’arrêter et se poser les bonnes questions, en toute conscience, sur la suite des événements.

 

Les émotions sont universelles et nous les retrouvons partout.

Je ne pouvais pas parler d’émotions sans parler de sport. Je suis un “autre animal” lorsque je suis devant mon petit écran à regarder notre équipe nationale en coupe du monde  ou un match de tennis. Et qui dit tennis, dit évidemment le « one and only » Roger. Que de chemin parcouru depuis l’adolescent colérique qui “explosait” et cassait à répétition ses raquettes. En reconnaissant mieux ses émotions, il a su les apprivoiser pour en faire une force. En les transformant en alliées, il a pu tout naturellement vivre et partager avec son public et son meilleur adversaire (Rafa) les émotions puissantes qui accompagnent le changement lié à une fin de carrière. Et quelles émotions! https://www.24heures.ch/federer-des-visages-et-de-lemotion-dont-je-me-rappellerai-122337513786

Que ce soit dans votre vie de tous les jours ou dans le monde professionnel, je vous souhaite d’apprendre à reconnaitre et apprivoiser vos émotions qu’elles soient positives ou négatives. J’espère que vous prendrez du recul et que vous pourrez naviguer dans un monde professionnel en étant conscient de l’énergie contenues dans tout ce que vous ressentez : joie, colère, tristesse, etc. Ainsi vous arriverez à être vous-même. Les émotions ont à la fois le pouvoir de nous rapprocher des autres que de nous en éloigner. Elles contribuent dans tous les cas à rendre nos relations et notre vie uniques.

Nathalie Brodard

Nathalie Brodard a fondé deux sociétés actives dans les ressources humaines et une association à but non-lucratif (Hire Me I’m Fabulous). Serial entrepreneure, elle a la chance de rencontrer depuis plus de 12 ans des personnes qui font la différence. Elle vous invite dans son espace de partage de confidences des dirigeants, des entrepreneurs, de ces hommes et femmes qui font son quotidien.

4 réponses à “Les émotions : signes extérieurs de faiblesse?

  1. Ce qu’il faut redouter est moins l’expression individuelle des émotions que la dérive émotionnelle de nos sociétés (pour reprendre le titre de l’essai de Jean Romain https://www.babelio.com/livres/Romain-La-derive-emotionnelle/1114464 ).

    Les foules sentimentales sont d’autant plus manipulables qu’elle ont l’expression extravertie des émotions collectives.

    Il n’est qu’à voir les délires alimentés par les réseaux sociaux et les médias de toutes sortes qui jouent avec les masses émotives. Le but étant finalement qu’elles fassent où on leur dit de faire.

    C’est ainsi que l’on prépare les révolutions, les guerres et tous les « Black Friday » consuméristes du monde.

    Peut-être que le retour à une éducation qui réapprendrait à notre population à reprendre le « contrôle de son self » et à maîtriser ses émotions ne serait forcément une mauvaise idée.

  2. Il y a certainement une profession où montrer ses émotions peut être considéré comme étant inapproprié : le médecin, l’infirmière, le psychiatre encore plus… Bien sûr le médecin ne partage pas la douleur de son patient, il la diagnostique, et parvient ainsi à l’atténuer quand le moyen existe, mais comprendre la douleur ne tient-elle qu’à la connaissance de la physiologie ? J’ai eu un médecin qui restait impassible en m’écoutant, et je pensais : « Est-ce qu’il me comprend dans ce que je subis ?.. » Il me remettait une ordonnance assortie d’informations sur le remède, sans plus.

    Le jour est arrivé où j’ai rencontré une femme médecin qui le remplaçait pendant ses vacances. J’avais ma prescription renouvelée, et quelque chose en plus : un signe de sensibilité. Elle avait montré un peu de ses émotions, cela était-il négatif ? Je n’avais ni plus ni moins mal qu’en arrivant, mais pu échanger avec une personne ayant de l’empathie, qui ne s’imposait pas des règles de communication « appropriées » en rapport de sa fonction. Et puis si je peux apporter encore une illustration relative aux émotions, voici un dernier récit : j’emmenais la petite fille de mon amie chez le pédiatre pour une prise de sang. La veine roulait sous l’aiguille, la petite hurlait, et pendant que je la tenais j’étais au bord de m’évanouir… Après ces émotions partagées en osmose, puis l’accalmie, je m’étais tourné vers le pédiatre : « Excusez-moi, je ne m’attendais pas à me comporter ainsi, cela aurait été mieux que je ne sois pas là… » Sa réponse : « Mais non, nous sommes de vraies personnes, il m’est arrivé moi aussi de manifester mes émotions, et vous souvenez-vous de vos paroles après que je m’étais repris : Tout le monde n’est pas médecin, mais être médecin n’exclut pas de réagir parfois comme tout le monde, c’est pour moi positif, vous êtes authentique… »

  3. Madame Brodard,
    Excellente analyse. Et non de l’émotionnel mais du vécu ! Ne s’appliquerait-t-elle pas à la situation géopolitique actuelle commentée par nos media officiels et par ceux qui s’attendrissent, à juste titre, mais qui ignorent tout de la réalité ?

Les commentaires sont clos.