L’internement à vie n’est pas forcément ce qu’il dit

Le Tribunal fédéral vient d’annuler l’internement à vie prononcé à l’endroit de Claude D. L’occasion de rappeler la distinction entre une internement «ordinaire» et un internement à vie.

Un internement qui n’est pas «à vie» peut parfaitement conduire l’auteur à rester enfermé toute sa vie, alors que, à l’inverse, un condamné interné «à vie» peut, dans des cas très exceptionnels, être libéré. Explications.

L’internement (ordinaire ou à vie) est une mesure qui, à la différence d’une peine, n’a pas de vocation punitive, mais une double vocation thérapeutique et sécuritaire. C’est ainsi principalement la question de persistance (ou non) la dangerosité de l’auteur qui déterminera la durée de son enfermement.

Conditions à remplir

D’après le code pénal, le juge ordonne l’internement à vie si l’auteur a commis un assassinat, un meurtre, une lésion corporelle grave, un viol, un brigandage, une contrainte sexuelle, une séquestration, un enlèvement, une prise d’otage ou un crime de disparition forcée, s’il s’est livré à la traite d’êtres humains, a participé à un génocide ou a commis un crime contre l’humanité ou un crime de guerre et que les conditions suivantes sont remplies: (a) en commettant le crime, l’auteur a porté ou voulu porter une atteinte particulièrement grave à l’intégrité physique, psychique ou sexuelle d’autrui; (b) il est hautement probable que l’auteur commette à nouveau un de ces crimes et (c) l’auteur est qualifié de durablement non amendable, dans la mesure où la thérapie semble, à longue échéance, vouée à l’échec.

Par «durablement non amendable», il est fait référence à un état lié à la personne de l’auteur, qui n’est pas susceptible de se modifier au cours de sa vie. Si l’internement à vie est envisagé, le juge doit statuer en se fondant sur les expertises réalisées par au moins deux experts indépendants l’un de l’autre et expérimentés, et qui n’ont pas traité l’auteur ni ne s’en sont occupés d’une quelconque manière.

Durée indéterminée

Avant l’entrée en vigueur de l’internement à vie, il existait déjà (et il existe toujours) l’internement ordinaire, qui permet de priver une personne de sa liberté pour une durée indéterminée. Dans les faits, cet internement «simple» peut lui aussi durer toute la vie du condamné, si celui-ci reste jugé dangereux.

Quelle différence alors entre ces deux mesures?

En présence d’un internement «simple», la situation du condamné est réexaminée régulièrement. Une libération conditionnelle est par principe possible. Tandis qu’en présence d’un internement à vie, ce n’est que si de nouvelles connaissances scientifiques pourraient permettre de traiter l’auteur de manière qu’il ne représente plus de danger pour la collectivité qu’une libération conditionnelle peut être envisagée. Le texte légal prévoit également la possibilité pour le juge de libérer conditionnellement une personne de l’internement à vie lorsque, à cause de son âge, d’une maladie grave ou pour une autre raison, elle ne représente plus de danger pour la collectivité.

Ainsi une personne condamnée à un internement «à vie» peut en théorie être un jour libérée. Et un auteur condamné à un internement ordinaire peut parfaitement rester enfermé toute sa vie.

Miriam Mazou

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Etude St-François, Lausanne

Miriam Mazou

Miriam Mazou est avocate à Lausanne et fondatrice de l'Etude Mazou Avocats SA. Elle est membre de la Fédération Suisse des Avocats (FSA), de la Société suisse de droit pénal (SSDP), de l'Ordre des Avocats Vaudois (OAV) et a été membre du Conseil de l'Ordre des Avocats Vaudois. Avocate spécialiste FSA en droit pénal, elle est l'auteure de nombreuses publications et donne régulièrement des conférences dans ce domaine, plus particulièrement en matière de criminalité économique. Elle est également Chargée de cours à l’Université de Lausanne.