T’as tout faux (ou presque) !

Beijing: paradis du faux…vrai faux, faux vrai, faux faux et vrai tombé du camion… Comment diable s’y retrouver ? Petite leçon de shopping pour touristes, car même si cela semble incongru, il y a des différences…

Prenons en exemple une paire de chaussures. Le vrai faux, c’est l’honnêteté dans la malhonnêteté. Une imitation de grande marque, «à la manière de », un modèle que la marque ne fabrique pas, mais avec logo comme si c’était du vrai, marqué « Adidas » ou « Timberland », et admis (parfois) par le vendeur comme étant de fabrication artisanale. Cela peut se voir dans les finitions, à condition de bien regarder.

Le faux vrai, c’est une copie conforme d’un produit de marque, vendu comme si c’était un vrai, alors que c’est un faux. Et donc trop cher pour ce que c’est. 

Le faux faux, c’est une parfaite imitation d’un modèle de la marque, mais avec un logo « Adidos » ou « Timberlande ». Et donc un produit bidon vendu comme tel – pour peu que le touriste peu attentif le remarque…Quant au vrai tombé du camion, c’est un original, produit en Chine dans la fabrique officielle de la marque et dont un certain nombre de paires ont été discrètement fabriquées en surnombre pour se retrouver sur certains marchés de la capitale. Ainsi, pour la même paire de chaussure de sport, le prix peut aller de 10 francs pour un faux faux à 50 ou 60 francs pour un vrai tombé du camion. Evidemment, la quasi-totalité des marchands jure ne vendre que du vrai. Que ce soit des sacs Dior ou Hermès, des chaussures Nike ou des chemises Lanvin. Il convient donc de marchander, en commencant par diviser le prix demandé par six ou huit…

En Chine, le faux est partout : dans les médicaments, les habits, la nourriture, les alcools et…l’argent. Depuis de nombreuses années, le billet de 100 yuan, soit environ 15 francs est le plus gros billet en circulation. Il y a 20 ans, c’était encore une sacrée somme pour nombre de Chinois. Aujourd’hui ? presque des clopinettes. Et donc, les faux billets sont légion (tout comme ceux de 50 yuan d’ailleurs) et les détecter n’est pas de la tarte. Si les faux grossiers (photocopies) se détèctent facilement, certains faux sont de vrais chefs d’oeuvre. Raison pour laquelle chauffeurs de taxi et nombreux commerces préfèrent être payés en petites coupures. 

Et ne croyez pas qu’en changeant votre argent dans une banque, vous n’aurez que des vrais billets ! Comment faire pour éviter de se faire arnaquer ? Les banques disposent de machines permettant de déceler les faux. Donc, avant de prendre votre argent, demandez à ce que les billets passent à la machine. S’il n’y a pas de machine, le seul moyen consiste à noter le numéro de chaque billet et de faire signer la liste par l’employé du guichet. Ce qui vous fera perdre pas mal de temps – surtout pour convaincre un employé de guichet de se mouiller !

Certes, depuis des années, des billets de 500 yuan dorment dans les souterrains de la Banque Centrale, mais le gouvernement craint que ces billets ne facilitent les activités illégales et la corruption et donc, ne les mettent pas en circulation. Ce qui évidemment n’empêche ni activités illégales, ni corruption, dollars et euros circulant assez librement..

« On peut donc assister à des scènes amusantes », me dit Urs Morf, correspondant de la radio suisse alémanique, qui a vu un client acheter

Une Range Rover cash pour 529.000 yuan (environ 82.000 francs), le tout en billets de 100. Compter et vérifier les 5.290 billets – deux fois à la machine et une fois manuellement – a pris plus d’une heure !

Hyper actives et efficaces lorsqu’il s’agit de censurer l’accès à internet (nombre de sites, incluant par exemple Facebook, ne sont pas accessibles en Chine, au grand dam de 650 millions d’internautes), les autorités sont d’une impressionnante passivité lorsqu’il s’agit de combattre ce fléau qu’est l’industrie florissante du faux. Antibiotiques bidons vendus en emballages « originaux », alcools frelatés mis en bouteilles « originales », poulets gonflés à l’eau insalubre, sont autant de risques pour la santé. 

Mais bon, pour des gens qu respirent un des airs les plus pollués de la planète et dont les rivières sont tellement pleines de déchets toxiques que même les poissons les plus résistants n’en veulent plus, c’est peut-être une solution darwinienne : seuls survivront les plus résistants…

Photo: le vrai est en haut – à moins que je ne me trompe. Ou que je remette la photo à l'endroit…

Michael Wyler

Heureux retraité, Michael Wyler est un ex. Ex avocat, ex directeur de feu le Groupe Swissair en Chine et ex dircom. Au passé comme au présent, journaliste, chroniqueur, père de Jonathan et Julie, dont il est fier, tout autant qu'il l'est de son épouse Cécile, hypnothérapeute, enseignante en hypnose et PNL, auteur et conférencière.