Dis maman, pourquoi il y a autant de bougies devant le Palais fédéral ?

La dernière session parlementaire a été riche en émotions, mais aussi en décisions qui impacteront chacune et chacun. D’abord avec l’acceptation de la notion que « seul un oui est un oui » par le Conseil national. Car même si le Conseil des États devra encore revenir sur ce point – et que cela n’est pas encore acquis- le message de la Chambre du peuple est que l’autodétermination sexuelle doit être au centre des discussions sur les violences faites aux femmes. Un signal important qui répond aux revendications des mouvements féministes, dont les femmes socialistes suisses, qui s’engagent depuis de nombreux mois sur ce point capital.

Autre motif de réjouissance – de par mes origines jurassiennes, mais surtout mes convictions de femme socialiste – l’élection d’Elisabeth Baume-Schneider. Une femme de conviction pour qui les valeurs de justice sociale ne sont pas un simple slogan, mais un réel engagement démontré à chaque étape de sa carrière politique et professionnelle.

Puis la même journée a vu l’élection d’Albert Rösti, lobbyiste des pétroliers, qui s’est ensuite vu attribuer le Département en charge des questions environnementales et énergétiques. La lueur d’espoir de voir le gouvernement prendre à bras-le-corps cette problématique s’estompe rapidement avec cette nomination.

A quoi s’ajoute la dernière semaine de session, durant laquelle la droite bourgeoise et conservatrice a démontré une fois de plus son égoïsme et son individualisme par rapport à la question de la pauvreté et du travail précaire en Suisse. En effet, la majorité du Conseil des État a soutenu une réforme du 2ème pilier qui ne profite qu’aux assurances et aux banques. Cette réforme ne profitera en rien aux bas revenus et n’a rien de féministe. Au contraire, elle fera que les cotisations prélevées sur les bas salaires ne profiteront même pas à ceux-ci. “Cotiser plus pour finalement avoir moins à la retraite”, voici une fois de plus l’adage de la majorité sévissant au Parlement. Le constat n’est malheureusement pas différent sur le traitement de l’initiative des syndicats « 13ème rente ». Là encore, la majorité du Conseil national ferme les yeux sur la précarité importante qui touche les personnes à la retraite. En refusant d’augmenter les rentes, la droite admet cyniquement que même en ayant travaillé toute sa vie, il ne soit pas garanti de joindre les deux bouts à la retraite. Ainsi, l’État doit, par le biais des prestations complémentaires, reprendre la main pour soutenir les nombreux retraités pauvres. Et c’est ainsi que l’AVS n’atteint pas son but figurant dans la Constitution qui est de couvrir les besoins vitaux, mais ça, visiblement, la droite s’en moque.

Et finalement, la dernière décision, la plus choquante durant cette session, fut l’acceptation par les deux Chambres, de la motion Ettlin. Une motion qui demande que les salaires minimaux voulus par certains cantons comme Genève et Neuchâtel ne prévallent plus sur les conventions collectives de travail (CCT) étendues. Cette décision est un affront envers la volonté populaire et les droits démocratiques de la population des cantons, qui a voté pour un salaire minimum. Une mesure qui relève de la politique sociale – et non de son pendant économique – de ces cantons, car le salaire minimum a été introduit pour couvrir les besoins vitaux. Avec cette décision, certain-e-s salarié-e-s pourront voir leur revenu diminuer mensuellement de plusieurs centaines de francs. Une réduction qui est d’autant plus inacceptable en pleine période d’inflation et, surtout, qui plongera des personnes dans la précarité. Ce qui aura pour conséquence que l’Etat devra leur octroyer des subsides et autres prestations sociales.

Alors que répondre à son fils de 7 ans qui, lors d’une visite sur la Place fédérale, remplie de bougies en soutien aux personnes précaires de notre pays, demande « Dis maman, pourquoi il y a autant de bougies devant le Palais fédéral ? » ? Ma réponse de politicienne est claire: les décisions récentes du Parlement fédéral ne tiennent tout simplement pas compte de la réalité de la pauvreté qui existe dans notre pays. Et que de telles actions de sensibilisation continueront à avoir lieu tant que les parlementaires de la majorité bourgeoise et conservatrice privilégieront l’individualisme et les possédants. Et au fond de moi, je sais que l’arrivée d’Albert Rösti n’est pas de bon augure pour les défis environnementaux et énergétiques, tout comme que ce sont les plus précaires qui feront les frais de l’inaction. Toutefois, ma réponse de maman s’est voulue un peu plus rassurante car j’espère que les choses puissent changer lors des élections 2023 pour donner un peu d’espoir pour les jeunes générations.

Appauvrir l’Etat c’est nous appauvrir toutes et tous

L’activation et la simplification des indemnités RHT, la possibilité de solliciter des cautionnements ou des aides financières ciblées sont autant d’exemples de mesures dont les entreprises de notre pays ont pu bénéficier pour faire face à la situation plus que particulière qui a suivi l’arrivée dans notre société et dans nos vies du virus COVID-19. Ces mesures ont démontré l’importance de l’État en de telles circonstances, au point qu’il serait de mauvaise foi de nier le rôle essentiel que l’État et les services publiques ont joué pour nous permettre de traverser cette crise.

Pour pouvoir jouer ce rôle, l’État a besoin de ressources, qui proviennent forcément de la fiscalité ou de la parafiscalité. Mais malgré cette évidence, la droite bourgeoise de notre pays ne cesse de diminuer les revenus de l’État et ceci depuis les années 1990 : abolition de l’impôt fédéral sur le capital, la RIE 2 qui fit baisser l’imposition des capitaux et RFFA qui a diminué les impôts pour les banques et les assurances par exemple.

Malgré ces baisses répétées, pudiquement appelées « réformes », la droite n’en reste pas là. Elle a le cynisme d’aller encore plus loin, alors même que les effets économiques de la pandémies se font toujours ressentir, en proposant la suppression du droit de timbre (droit d’émission). Cette suppression priverait ainsi l’État de 250 millions de francs chaque année.

Une fois de plus les partis bourgeois essaient de nous faire croire qu’ils se la jouent bon prince envers les PME de notre pays, alors que cette hypocrisie cache la volonté d’avantager une toute petite minorité d’entreprises, les plus grosses. En effet, 99,7% des entreprises ne sont pas concernées par cette suppression. Elle ne fera que permettre à des multinationales de ne rien payer quand elles émettront de nouvelles actions, alors que la finance n’est même pas soumise à la TVA. De plus, c’est faire le jeu de grandes entreprises qui, malgré la crise et en dépit d’avoir touché des aides étatiques, n’ont eu aucun scrupule à reverser des dividendes et de maintenir des écarts salariaux moyen allant jusqu’à 1 :137.

Et pendant que la droite accorde de nouveaux privilèges aux entreprises les plus puissantes de notre pays, qui affichent des bénéfices mirobolants, pour la population ce sont les loyers et les primes maladies qui augmentent et les salaires qui stagnent. Le pouvoir d’achat n’augmentant pas, la précarité continue à progresser dans notre pays.
En 2019, 735’000 personnes étaient touchées par la pauvreté dont 155’000 d’entre elles occupaient un emploi. Des inégalités sociales qui ne devraient pas exister dans un pays riche comme le nôtre.

Qui plus est, réduire davantage les impôts des personnes morales, c’est faire peser de plus en plus fortement le poids de la fiscalité sur les personnes physiques. La taxation des salaires, des rentes et de la consommation deviendront les seuls sources de revenu substantielles pour l’État. Et ne nous leurrons pas: même si la crise COVID-19 semble arriver à son terme, ce dont tout le monde se réjouira, une autre crise attend: le dérèglement climatique. Et pour y faire face, là aussi, des moyens seront nécessaires et c’est vers l’Etat qu’il faudra se tourner pour les engager.

Alors si nous voulons pouvoir investir pour les enjeux de demain, commençons par nous en garder les moyens en disant NON à cette inacceptable suppression.

Pollution des sols urbains : une surveillance nécessaire

Dioxines et furanes. Seveso, sinistre mémoire. Des mots qui font frissonner tant ils évoquent des catastrophes lourdes en pertes humaines. Pourtant, dioxines et furanes font l’actualité de la ville de Lausanne, qui en a retrouvé dans l’analyse récente de ses sols. Bien trop. Comment est-ce possible qu’une telle pollution n’ait pas été perçue avant cette année ? Est-ce un cas isolé ? Pour l’instant, les autorités peinent à répondre car, disons-le clairement, elles ne s’en sont que peu soucié jusqu’à maintenant, surtout dans les cantons romands. La qualité des sols est le parent pauvre de la politique environnementale et ceci malgré le fait que, dans ce cas précis, nous parlons avant tout de notre santé.

Des places de jeu contaminées ? Des légumes cultivés localement bons à jeter ? Ces exemples sont devenus réalité à Lausanne, mais pourraient bien l’être aussi dans d’autres cantons romands. Car si l’article 4 de l’Ordonnance sur les atteintes portées aux sols (OSol) demande en effet une surveillance des sols de la part des cantons, en Suisse romande, seul le canton de Fribourg a réellement initié la démarche.

Le Canton de Neuchâtel devra lui emboîter le pas pour donner suite à une motion acceptée récemment par le Grand Conseil. Le chef du Service de l’environnement et de l’énergie du canton de Neuchâtel semble peu inquiet des résultats des analyses lausannoises, ceci bien que le sol neuchâtelois n’ait pas encore été investigué. Son optimisme sera-t-il confirmé ? Entre un passé industriel et une usine d’incinération présente depuis de nombreuses années sur son territoire, la ville de la Chaux-de-Fonds pourrait bien ne pas être épargnée. D’autres communes pourraient également présenter des surfaces polluées. Les résultats du canton de Fribourg le confirment: l’âge des jardins joue un rôle quant à la qualité des sols. Alors dioxines et furanes à Neuchâtel ou uniquement métaux lourds et hydrocarbures ? On a hâte de le savoir.

Actuellement, les pollutions de sol sont gérées essentiellement par deux ordonnances : l’ordonnance sur les sites contaminés (OSites) qui traite des pollutions en lien avec une activité industrielle alors que l’ordonnance sur les atteintes portées au sol (OSol) traite des pollutions diffuses. Toutes deux découlent de la loi sur la protection de l’environnement (LPE). Dès son introduction, l’OSites avait des objectifs clairs et elle a vite été accompagnée de moyens financiers pour inciter les cantons à prendre la thématique en main. Ainsi l’OSites a réussi à faire avancer de manière générale la question de la gestion des sites pollués en Suisse, mais le constat n’est pas le même quand des sols sont touchés.

Jusqu’à maintenant, la problématique des sites pollués s’est concentrée principalement sur les eaux souterraines. Un choix délibéré ? Pas vraiment. C’est surtout par manque d’intérêt, de moyens, de ressources humaines, ou peut-être parfois par manque de connaissances, que la problématique peine à avancer. Même constat quand on se tourne vers le bilan de la mise en œuvre de l’OSol: un cadre légal existant, mais dont un grand nombre de cantons de Suisse romande fait tout simplement fi.

Une révision de la LPE est en cours de consultation, mais telle que proposée et même si elle va dans le bon sens, j’affirme qu’elle ne va pas assez loin. Certes, on compte assainir les places de jeux pour jeunes enfants grâce à des moyens tout spécialement débloqués pour l’occasion. Un premier pas. Pourtant, des inégalités de traitement persisteront, ou même s’accentueront, si cette révision devait entrer en vigueur. L’incitation à assainir serait plus grande sur les parcelles publiques. Les propriétaires privés pourraient bénéficier d’aides, mais vont-ils faire les démarches s’ils n’habitent pas sur les parcelles concernées ? Questions importantes quand le but de ces analyses est de connaître l’état de la pollution, pour ensuite prendre les mesures qui s’imposent.

Les mesures, de manière générale, diffèrent malgré tout d’une ordonnance à une autre. En effet, un dépassement des valeurs limite – pourtant les mêmes – n’a pas les mêmes conséquences si la pollution est considérée comme étant diffuse ou en lien avec un site pollué. La source de la pollution influe ainsi sur les mesures à prendre, alors que la pollution elle-même aura un impact identique sur la santé des enfants ou sur la qualité des aliments dans notre assiette. Actuellement, si une pollution dépasse les valeurs limites et qu’elle provient d’une pollution diffuse, elle ne nécessitera pas d’assainissement alors que si elle provient d’un site pollué, cela sera exigé. Une incohérence crasse qui n’encourage pas à détecter les pollutions diffuses.

Et dernier élément problématique, et non des moindres: les valeurs limites de certaines substances sont trop élevées. Sur la base de réflexions du Centre Suisse de Toxicologie Humaine Appliquée (CSTHA), une révision de l’OSites avait été initiée avec comme objectif d’abaisser les valeurs limites du plomb et des hydrocarbures aromatiques polycycliques pour les surfaces de sols où les enfants jouent régulièrement. Les valeurs limites proposées permettaient d’être au niveau des valeurs utilisées en comparaison internationale et d’ainsi de permettre une meilleure protection de la santé chez les jeunes enfants notamment. Mais actuellement la consultation de la révision LPE ne les mentionne pas et ne garantit pas une suite à ce dossier. Ceci malgré un engagement pris sur cette thématique par le Conseil fédéral à plusieurs reprises, lors d’interventions parlementaires.

Il est temps que les autorités prennent leurs responsabilités, que cela soit au niveau fédéral ou cantonal, et qu’elles examinent de manière approfondie l’état de la qualité des sols. La population est en droit de savoir sur quel sol grandissent les enfants et sont cultivés une partie des aliments qu’elle consomme.

Ce n’est pas bien de se défausser, Monsieur le Conseiller fédéral !

« Ce n’est pas moi, c’est lui ! » Je m’attendais à une autre réponse du Conseiller fédéral Parmelin au débat d’Infrarouge de la RTS du 12 mai quant à la question « comment fera-t-on pour assainir les sols pollués aux pesticides de synthèse ? ». On s’attendait à une réponse claire de la part du Président de la Confédération, mais au lieu de proposer des solutions à cette situation, il a préféré trouver un autre coupable, l’industrie. Une posture peu digne d’un Conseiller fédéral, même s’il n’est pas faux qu’une des sources de pollution des sols sont les anciennes activités industrielles. La réponse correcte aurait été « avant de définir les méthodes d’assainissement, nous devons connaître l’état de pollution des sols, et l’impact de l’ensemble des substances présentes dans celui-ci….».

 

La position fuyante du Conseiller fédéral démontre le manque d’intérêt pour la problématique des sols de la part du Chef de l’Agriculture et de l’Économie. Durant ce débat, les opposants aux initiatives pesticides déroulent leurs arguments pour tenter de nous convaincre de ce qui est bon pour l’agriculture et surtout pour notre assiette. Aucun n’est prêt à admettre que l’utilisation de pesticides de synthèse représente un souci de santé au travail, ceci alors que d’autres pays ont classé la maladie de Parkinson comme maladie professionnelle pour le milieu agricole. La Suisse est hélas assez forte dans ce domaine : fermer les yeux sur l’impact de substances nocives, produites par une industrie nationale agressivement lobbyiste. Souvenez-vous du combat acharné pour faire admettre que l’amiante peut être mortelle !

 

Ces substances nocives, si elles s’accumulent dans nos organismes, s’accumulent de façon évidente aussi dans nos sols, induisant des dégâts tout aussi graves. Rappelons que la fonction première d’un pesticide de synthèse est de lutter contre les organismes vivants. Nous ne connaissons pas grand-chose sur leur écotoxicité, sur leur biodégradabilité et donc leur persistance. C’est seulement récemment que nous avons eu une première indication sur la présence de ces substances dans les sols agricoles. Ces substances ne font même pas partie de la liste à analyser systématiquement dans le diagnostic de pollution des sols. Depuis les années 1990, nous nous concentrons principalement sur les métaux lourds et certains hydrocarbures, des reliquats de l’industrie et du trafic routier. Alors qu’on arrête de me dire que dans cette discussion, on se soucie de la ressource qu’est le sol. L’homologation de ces produits ne tient pas assez compte du principe de précaution. Ce que j’observe c’est que tout va lentement, trop lentement, et qu’on joue aux apprentis sorciers en répandant ces substances dans notre environnement sans aucun suivi.

 

Tout comme l’eau, le sol est indispensable à notre survie. C’est le cas pour notre alimentation, mais le sol est aussi l’interface entre le monde minéral et biologique, le support pour la faune et la flore. Il participe à la préservation de la biodiversité. Ne pas préserver le sol, c’est détruire la biodiversité, la vie. Ne pas protéger la vie du sol, c’est réduire le volume de matière organique qui participe à la fertilité du sol. Une matière organique dont le monde scientifique s’accorde à dire qu’il est plus que nécessaire de l’augmenter pour faire face au réchauffement climatique, puisqu’elle permet de capter le CO2 et in fine de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

 

Alors, Monsieur le Conseiller fédéral, il est trop facile de trouver d’autres coupables à l’état préoccupant de la santé des sols. En tant que pédologue, je ne peux pas me contenter de telles réponses à court terme ou passéistes quant à l’origine de la pollution des sols. Les pollutions liées directement à l’industrie font partie du passé, même si leur assainissement n’est pas du tout résolu. J’aimerais qu’on se concentre sur l’avenir. En tant que politicienne, j’attends que le Conseil fédéral ose prendre des décisions sans céder à la pression des lobbys agricoles et agro-chimiques. Travaillant dans un syndicat, j’attends que le Ministre de l’Économie prenne ses responsabilités pour garantir des conditions de travail sans risque, notamment dans le milieu agricole. Et en tant que maman, j’aimerais qu’un Conseiller fédéral ait une vision à long terme de la gestion des ressources naturelles, et s’engage pour les générations futures. J’espère toutefois que vous assumerez la responsabilité d’expliquer un jour à mes enfants que l’infertilité ou les problèmes neurologiques, en augmentation, sont dus à votre inaction politique !

 

Une chose est sûre, même si les initiatives du 13 juin ne sont pas parfaites, je voterai deux fois oui ! Il est temps qu’on ait une vision à long terme et qu’on dépasse la seule logique du profit économique. Ceci pour permettre un avenir plus durable, par un réel soutien à l’agriculture en menant à bien cette reconversion nécessaire !

Un accord trompeur

Les affirmations voulant que l’accord de libre-échange avec l’Indonésie « pose les bases d’une économie plus durable et équitable »[1] ou « l’accord de libre-échange renforce le développement durable »[2] ne manquent pas ces temps-ci. En effet, l’économie et certaines personnalités politiques soutenant cet accord se veulent depuis quelques semaines être de grandes promotrices de la durabilité. La droite et les milieux économiques auraient-ils enfin intégré que nous n’avons une seule planète ? J’ai bien peur que nous en soyons une fois de plus encore très loin…

Le 7 mars prochain, le peuple suisse devra se déterminer sur cet accord commercial avec l’Indonésie. Un nouvel accord de libre-échange car la Suisse n’en est pas à son premier. Mais pour la première fois, le peuple pourra donner son avis. Une disposition nouvelle qui permet un réel débat dans notre pays en actionnant le référendum.

Même s’il est vrai que cet accord a un chapitre dédié à la durabilité et qu’il a été renforcé par le Parlement, il reste insuffisant. Il n’y a aucune garantie de l’application de sanctions en cas d’infraction lors de la production d’huile de Palme. La certification RSPO n’a rien de convaincant et la formulation dans l’accord reste très vague[3]. Pas besoin de vous faire le dessin que sans contrainte, il n’y aura pas d’avancées avec cet accord.

De plus, alors que la Suisse développe son Agenda 2030 (agenda pour le développement durable), nous pouvons nous demander si un tel accord est compatible avec les objectifs fixés ? L’augmentation de la production l’huile de palme entrainera inévitablement des violations de normes dans le domaine social et environnemental pour garantir une maximisation des profits[4]. Des profits dont seule une minorité profitera. Encore une façon d’un peu plus creuser le fossé entre les pays du Nord et du Sud, au contraire de ce que vise l’Agenda 2030.

Une maximisation des profits qui détruit la planète mais qui a aussi des conséquences sociales : travail forcé ou avec des salaires indécents notamment. L’huile de palme est un triste exemple. Cette activité agricole est accélératrice de la déforestation de notre planète. Une déforestation de la forêt tropicale qui touche directement la biodiversité et le climat, en asséchant des zones comme des tourbières.

Il est temps que nous agissons pour une réelle prise de conscience de la nécessité de la préservation de la nature et de sa biodiversité, et ceci aussi de manière globale. A force de détruire la biodiversité, de diminuer nos ressources naturelles, nous impactons également négativement des populations et accentuons davantage les inégalités. Le vote sur cet accord est l’occasion de nous opposer à ces échanges économiques qui n’ont plus d’avenir si nous voulons réellement vivre dans un monde durable.

[1] https://www.swissinfo.ch/fre/votations-du-7-mars_simone-de-montmollin—cet-accord-de-libre-échange-pose-les-bases-d-une-économie-plus-durable-et-équitable-/46300222

 

[2] https://www.economiesuisse.ch/fr/articles/libre-echange-avec-lindonesie-des-opportunites-pour-les-deux-pays

 

[3] https://www.publiceye.ch/fr/thematiques/politique-commerciale/politique-commerciale-bilaterale/indonesie/votation-ale-indonesie

 

[4] https://www.pronatura.ch/fr/2018/pas-de-libre-echange-pour-lhuile-de-palme

 

QUI A PEUR DU GRAND MÉCHANT LOUP ?

Le retour du loup n’a pas laissé les politiciennes et politiciens indifférent∙e∙s. Interpellations, questions, motions… le Parlement fédéral s’est fait le lieu de nombreuses interventions ces dernières années. Doris Leuthard, ancienne ministre en charge de l’environnement, était contrainte d’aborder la question à presque toutes les sessions. En effet, le loup est réapparu sur le sol suisse au début des années 1990. Un loup qui fait peur, un loup pour lequel une révision du cadre réglementaire s’avérait nécessaire.

Alors que la révision de la loi sur la chasse devait être modérée et permettre de renforcer la coexistence entre l’humain et les animaux sauvages, le texte sorti des débats parlementaires en 2019 n’est pas acceptable. Disons-le clairement : la loi sur la chasse sur laquelle nous allons voter n’est en aucun cas un projet abouti. Au contraire, elle met en péril le dispositif existant de protection des espèces chez les mammifères et les oiseaux sauvages. Ces espèces seraient soumises à une pression plus forte encore.

Mais de quelles espèces, mis à part le loup, parle-t-on ? Des espèces protégées comme le lynx, le castor ou le cygne tuberculé, qui pourraient être ajoutés à la liste des animaux pouvant être régulés, aux côtés du bouquetin et du loup. « Régulés », cela veut dire : tirés et abattus lorsque leur présence dérange. Avec la nouvelle loi, ils pourraient être abattus avant même d’avoir causé des dommages ou d’être considérés comme un danger, sans même que des mesures de protection raisonnables aient été prises au préalable.

La peur du loup n’a rien de nouveau. Pour faire face aux problèmes que pourraient provoquer les loups, des solutions efficaces existent déjà, par exemple la protection des moutons et autres animaux d’élevage. Il est déjà possible de décimer sélectivement des meutes.

Cette peur n’est pourtant pas justifiée, car rappelons-le : le retour du loup n’a jamais été une menace pour les habitantes et les habitants de notre pays.

Au contraire, le retour d’espèces animales indigènes a de réels effets positifs sur notre nature, nos écosystèmes. Les aménagements des castors créent de nouveaux habitats pour la faune locale (poissons et oiseaux, par exemple). La présence de lynx et de loups permet de réduire la multiplication incontrôlée des ongulés tels que cerfs et sangliers, dont les dégâts dans les forêts ou les champs et pâturages sont bien connus. Ces espèces participent en fait à l’équilibre naturel. C’est pourquoi toutes les organisations environnementales et de protection des animaux, la société forestière suisse ainsi que de nombreux forestiers, chasseurs et professionnels de la faune sauvage disent clairement Non à cette loi.

De plus, par cette loi révisée, les cantons pourraient ordonner eux-mêmes de décimer des animaux protégés alors qu’actuellement il faut l’assentiment de la Confédération. Ainsi, l’existence de ces animaux dépendrait de leur localisation et des politiques cantonales : comme si les animaux connaissaient les frontières cantonales !

Le référendum a abouti très rapidement : plus de 70 000 signatures ont été recueillies au cours des sept premières semaines de collecte. Alors direz-vous non le 27 septembre prochain ? Si la majorité du peuple suisse va dans ce sens, cela permettra d’ouvrir la discussion pour une nouvelle loi qui devra être moderne et, surtout, qui respectera notre nature et nos animaux sauvages.

Une reprise pourra-t-elle être sociale, solidaire et écologique ? Elle le devra !

Vendredi 15 mai. En temps « normal », nous serions des dizaines de milliers à croiser les bras et / ou à descendre dans la rue pour sauver le climat. La Grève pour l’Avenir était annoncée de longue date, et les mobilisations amorcées en 2019, autant par la grève féministe que par les mouvements pour la défense de l’environnement, étaient plus que motivées pour remettre l’ouvrage sur le métier.

 

Las ! Au lieu de ça, depuis mars, nous sommes donc confiné-e-s, puis déconfiné-es, et ceci même dans un pays où le libéralisme économique a si bonne presse. Reste donc une question : comment va-t-on relancer notre pays ? Comment réussir à repartir sans foncer droit dans le mur en oubliant les questions sociales, migratoires et environnementales, sacrifiées sur l’autel de l’économie ?

 

Comment construire un avenir durable sur le plan écologique et social ?

 

Même si les émissions de CO2 ont tendance à baisser en période de crise, l’histoire a montré qu’elles remontent dès que l’économie reprend. Un fait qui persistera si nous ne revoyons pas notre modèle économique et notre façon de vivre, de consommer, de nous nous nourrir ou encore de nous déplacer. La crise sanitaire que nous vivons actuellement est le fruit de notre politique en matière environnementale. Alors certes, des mesures ont été prises, parfois avec retard, mais comment faire confiance aux scientifiques qui sont souvent annonciateurs de mauvaises nouvelles ? Devrons-nous attendre que les répercussions sur la santé soient réellement visibles et encore plus concrètes pour changer de cap ? Je ne l’espère pas.

 

Les projections sont claires : si nous ne le changeons pas de cap, dès 2030, ce seront 250’000 décès par an qui seront dûs à des causes environnementales : stress thermique, malnutrition, paludisme et dysenterie, sans compter tous les impacts économiques qui y seront liés. Bien sûr, l’Europe ne sera pas le continent le plus concerné, mais agir à tous les niveaux reste primordial sous peine de voir ces maux s’étendre à la planète entière. Après le colibri, le pangolin nous a montré comment un geste semblant anodin pouvait avoir un effet décuplé sur l’ensemble de la société.

 

La crise que nous traversons a démontré que nous pouvons réagir vite, voire très vite quand il y a urgence sanitaire. Qui aurait pensé qu’il était possible d’arrêter le trafic aérien ? Profitons donc de cette crise pour en tirer des opportunités : réfléchir à notre manière de consommer, de voyager, de vivre et d’évoluer. De construire ce fameux monde « d’après ». A ce prix, et seulement à ce prix, une transition écologique réussie serait possible… Cette crise sera-t-elle un détonateur suffisamment puissant ? Rien n’est moins sûr. Il faudrait des décisions politiques claires, des remises en question en profondeur de notre économie. Mais les croyances ont la peau dure : les dernières revendications de l’USAM en sont la preuve. Chiffres, profits, dividendes, aucune recherche d’équilibre, de notion de durabilité et surtout de solidarité. Avec si peu de considération pour les êtres humains, difficile de se mettre à se préoccuper des ressources naturelles, du climat et donc des générations futures.

 

Le temps est pourtant venu de bouter les visions mercantilistes et conservatrices hors de notre système de pensée. Place à «Grève pour l’Avenir – le Manifeste» ou encore au « Manifeste d’après », pour ne citer que ceux-ci. Place à une relance qui garantit une répartition des richesses, la justice sociale, la solidarité, une économie de proximité et les circuits courts ou la formation continue pour toutes celles et ceux subissant la transition technologique.

 

P.S. : Et non, mille fois non : l’aviation ne deviendra pas climato-compatible.

 

Le changement climatique implique de revoir aussi notre rapport au travail

Changer sa façon de se nourrir, de se déplacer, de se chauffer, de consommer sont les défis pour faire face au réchauffement climatique. Des défis gigantesques qui devront être relevés par l’ensemble de la société. Dans cette équation, ne devrions-nous pas également ouvrir un autre débat ? Celui qui concerne l’évolution du travail, en lien avec la transition écologique ?

 

Une quadragénaire et un jeune homme. Habillés de leur tenue orange, ils sont les deux perdus là au milieu des clients qui s’agitent d’une caisse à l’autre. Une dame scanne les prix de ses courses de la semaine, ici un vieux monsieur scanne sa carte du magasin, là encore une bande d’étudiants scannent les sandwichs et boissons de midi. Tout ce petit monde scanne et scanne encore, de quoi alimenter les serveurs informatiques du grand distributeur. Le jeune homme et sa collègue eux attendent. Attendent de pratiquer un contrôle sporadique ou plus fréquemment de vérifier l’âge d’une cliente qui s’est offert une bouteille de Pinot noir de la région. Pendant ce temps, les habituelles caisses restent désertes ou presque, le client fait désormais le travail des employés du magasin, sans même réclamer de salaire.

Aujourd’hui comme hier, le monde du travail subit en première ligne les évolutions de notre société. Il subit plus exactement les dérives de ces évolutions mal encadrées. D’un côté, les milieux économiques appellent à toujours plus de flexibilisation, ce qui met bien souvent l’employé-e sous pression et d’un autre côté, ces mêmes milieux prennent peu de décisions pour accompagner les travailleurs et travailleuses touché-e-s par la digitalisation. Une évolution technologique qui, tout comme transition écologique, iront pourtant de pair afin de ne laisser personne sur le bas-côté et permettre une répartition juste des richesses.

 

L’OCDE estime que près de 25% des emplois seront directement concernés par la robotisation et, en partie, menacés. Malgré cet état de fait, le Conseil national n’a pas adopté une proposition qui aurait permis d’évaluer l’introduction d’une taxe sur les robots. Une taxe qui permettrait de financer la reconversion des personnes impactées par la transition : Nos deux employés de supermarché par exemple, mais aussi le personnel de guichets à la banque ou à La Poste, enfin là où il existe encore des offices. Toutes les personnes dont le travail risque bien d’être effectué bientôt par une machine ou un algorithme. Ne rien faire en attendant les effets d’un tel changement n’est pas défendable. Et peut-être rappeler que toutes avancées technologiques sont souvent aussi issues d’investissements publics dans l’innovation. C’est pourquoi il ne serait pas cohérent que l’évolution technologique ne profite qu’à une part infime de notre société.

 

Dans le domaine de l’écologie, c’est un peu plus nuancé. Il est vrai que, d’un côté, des emplois vont être créés par l’investissement dans les énergies renouvelables et les économies d’énergie, mais, d’un autre côté, le sujet des emplois fossiles est rarement abordé. En effet, se passer de pétrole, c’est aussi se passer des emplois qui vont avec. Bien que nous ne soyons pas le pays le plus pétrolier au monde, nous devons nous préparer à ce qu’à terme, des emplois disparaissent dans les raffineries, les cimenteries ou autres industries grandes consommatrice de combustibles. Nous devons nous soucier de toutes ces personnes. De leur côté, les lobbys des actionnaires sont déjà à l’œuvre pour préserver leurs intérêts. Pourtant, il serait plus juste de protéger les intérêts collectifs des travailleurs et travailleuses, non ?

 

Nous savons que le tissu économique devra se diversifier et que nous devrons nous questionner pour quitter la logique productiviste (ce qui fera l’objet d’un prochain article), mais pour que nous puissions tendre à une société véritablement écologique sans causer de dégâts sociaux, il faudra également rassurer et assurer les personnes travaillant dans les secteurs dépendant des énergies fossiles que la transition se fera avec eux. Mais pour cela, il est nécessaire de mettre en place des mesures strictes. Non sans consultation et participation des différentes actrices et acteurs, mais dans l’intérêt de toutes et tous. Augmenter les droits sociaux, lutter contre les licenciements et un droit à la formation continue sont ainsi parmi les défis pour garantir un avenir professionnel à toutes et tous. Mais à moyen terme, même si je ne me fais d’illusion dans l’immédiat, nous aurons besoin de réduire notre temps de travail. Ceci dans un souci de répartition des richesses, certes, mais aussi pour nous laisser plus de temps pour vivre autrement, pour préserver notre environnement.

 

A Berne, je m’engage à lutter pour obtenir ces droits et protéger les personnes qui en auront besoin.

Politique climatique : l’impuissance des locataires

Louise et Jacques vivent au Val-de-Travers. Ils sont tous les deux à la retraite. En cette période automnale, ils reçoivent un courrier qui leur laisse un goût amer : leur propriétaire leur adresse le décompte annuel de charges. En prime, il leur annonce que, taxe sur le COoblige, un montant est encore à payer en plus des acomptes de charges réglés pour 2018 / 2019. Interpellés par cette annonce, Louise et Jacques demandent des précisions : après une courte conversation avec leur propriétaire, ils font, dépités, le constat de leur impuissance. Premièrement, leur propriétaire reste hermétique aux arguments plaidant pour la mise en place d’un système énergétique émettant peu de CO2. Deuxièmement, profitant des lacunes du système actuel, il n’hésite pas à reporter sur ses locataires le coût de la taxe sur les combustibles. Bien obligés de se chauffer et de se loger, ils paieront.

 

L’exemple n’a rien de caricatural, il est malheureusement encore courant de rencontrer des locataires dont le propriétaire rechigne à améliorer l’isolation de son bâtiment et/ou à opter pour un système de chauffage plus moderne. Cela explique que bon nombre de personnes qui louent un logement portent injustement le poids du tournant énergétique. Il faut savoir que la taxe sur le COest prélevée sur les combustibles. Elle augmente, par ailleurs, régulièrement si les objectifs fixés par la Confédération en termes d’émissions ne sont pas atteints. Dans cette situation, les moyens d’action du locataire sont hélas faibles. Il peut déménager, certes, mais en plus d’être extrême, cette solution n’a rien de réaliste pour une très large majorité des locataires. Des locataires captifs autant que leur porte-monnaie.

 

Ce n’est malheureusement pas la redistribution par le biais de la caisse maladie (un rabais de quelques francs qui figurent sur nos décomptes mensuels de primes maladie) qui changera la donne. Actuellement, cette redistribution a un caractère un tantinet social. En moyenne, le poids de la taxe est partiellement fonction du salaire et pour certaines exemptions (ménage de 4 personnes par exemple), la redistribution permet même de compenser ce qu’on peut avoir à payer comme locataire pour la taxe [1]. La redistribution est donc une bonne chose, mais il est indispensable de veiller à ce que les locataires ne soient pas à terme les seuls à payer le tournant énergétique. En l’état, l’augmentation de la taxe, bien qu’incitative, aura pour seul effet d’étouffer les personnes les plus en difficulté. Il est urgent que le système devienne plus solidaire. Si ce n’est pas le cas, il fera porter le coût du tournant énergétique aux seuls citoyennes et citoyens, qui n’ont pas leur mot à dire dans l’affaire. Toutes celles et tous ceux qui, n’ayant pas les outils pour agir afin de changer « leur » système de chauffage ou en diminuer leur utilisation, se font piéger par des propriétaires plus enclins à encaisser les loyers qu’à investir dans l’avenir. Dans ces conditions, les objectifs voulus par notre pays ne seront jamais atteints et, pire, on aura encore accru les inégalités.

 

Au milieu de ce tableau, finalement assez noir, des outils existent néanmoins, à l’instar du programme « Bâtiment ». Ce programme, très important dans la politique climatique suisse, permet de subventionner en partie les rénovations de constructions en vue d’une amélioration énergétique. Mais là encore, la rénovation dépend du bon vouloir du propriétaire, le locataire restant captif des décisions de son bailleur.

 

En conclusion, si en Suisse 60% des habitants et habitantes sont locataires, le système en œuvre n’en tient que très peu compte… Ou alors, s’il en tient compte, c’est uniquement dans le sens où le locataire est considéré comme financier principal de la transition.

 

Partant de ce constat, pour faire face à la crise climatique, en plus des nécessaires et massifs investissements de la Confédération, les propriétaires doivent impérativement être amenés avec davantage de fermeté à faire évoluer leurs installations énergétiques et isoler leurs bâtiments. Une obligation d’assainir donc[2], mais aussi la possibilité de bénéficier d’aide complémentaire à l’investissement[3], car, disons-le clairement, les propriétaires ne sont pas tous de riches financiers, et il n’est pas question ici de les pousser vers la faillite.

 

Enfin, autre outil ou solution à envisager : une révision du droit du bail pour éviter les reports inconsidérés sur les locataires – et donc des augmentations de loyers. Mais, pour ce cela, comme pour la mise en place d’autres mesures, il faut que de nouvelles majorités se dessinent au Parlement fédéral et que celles que nous connaissons actuellement soit remplacées. Encore une bonne raison, ce 20 octobre, de voter à gauche !

[1]https://www.sp-ps.ch/fr/publications/communiques-de-presse/en-finir-avec-le-petrole-le-plan-marshall-climatique-pour-la(Plan Marschall PS : étude comptabilité sociale (dia 35-37))

[2]https://www.sp-ps.ch/fr/publications/communiques-de-presse/en-finir-avec-le-petrole-le-plan-marshall-climatique-pour-la(Plan Marschall PS : 40 mesures (mesure C5))

[3]https://www.sp-ps.ch/fr/publications/communiques-de-presse/en-finir-avec-le-petrole-le-plan-marshall-climatique-pour-la(Plan Marschall PS: 40 mesures (mesure C3))

Manger sainement doit être un droit et non un luxe

Contre une alimentation à deux vitesses

 

« Je ne sais plus quoi manger »… La phrase m’est arrivée au vol, dans un café de La Chaux-de-Fonds. Une femme discutait avec une amie et le sujet m’a fait tendre l’oreille. J’apprends alors que non, ce n’est ni l’écoeurement, ni la lassitude qui a coupé l’appétit de cette quinquagénaire, mais ses questionnements sur la santé et l’environnement en lien avec l’alimentation. Sa perplexité est largement partagée : comment manger sainement, sans traces de pesticides, par exemple, en épargnant nos ressources naturelles ? Comment savoir si ce que nous ingérons est à la hauteur de nos attentes ? Le florilège des qualificatifs utilisés par l’agriculture moderne, « biologique », « biodynamique », « de proximité », « durable », « extensive », « en respect des animaux » ou « sans pesticide de synthèse », façonnent notre alimentation mais ne simplifie pas vraiment la situation. Comment savoir si on fait réellement le « bon choix », pour nous, pour les générations futures, pour la préservation des écosystèmes ?

 

Cette femme n’est pas aidée dans sa réflexion par les débats parlementaires. Alors que les scientifiques tirent la sonnette d’alarme en révélant notamment la présence de substances toxiques dans nos aliments et leur nocivité, les décisions politiques ne suivent pas ou si peu (la preuve encore lors de la session d’été, qui a vu la majorité du Conseil national s’opposer aux initiatives anti-pesticide). Pendant que les lobbys d’une certaine agriculture, de l’agroalimentaire et de la chimie hantent les couloirs du Palais fédéral, nous, consommatrices et consommateurs, sommes bien seul-e-s face à ces choix cornéliens. « Faut-il se tourner vers le bio, un choix en augmentation, mais est-ce vraiment accessible ?» se demandait ma voisine de table. Après une santé à deux vitesses, une alimentation à deux vitesses ? Malheureusement oui et depuis longtemps. Manger sainement devrait être pourtant un droit et non un luxe ! Se nourrir sainement à tous niveaux a un prix, et c’est peut-être ça le plus grand dilemme et la première injustice.

 

Le temps est venu d’une réelle politique d’incitation pour permettre au plus grand nombre d’avoir accès à une alimentation exempte de substances toxiques. Pourtant, les réticences sont légion : les discussions récentes au Grand Conseil neuchâtelois en sont la preuve. Que ça soit la volonté d’interdire les pesticides de synthèse ou demander la reconversion des exploitations agricoles sur terrain de l’État en culture biologique, une certaine retenue pour ne pas dire une réelle opposition des autorités est palpable. Des craintes quant à la faisabilité, mais surtout de chambouler une partie du milieu agricole qui a de la peine à se réinventer.

 

Or, se réinventer par rapport au mode de production concerne également les conditions de travail. Encore dernièrement, la Chambre d’agriculture de l’Union paysanne suisse s’est démarquée en ne voulant pas reconnaître la rétribution du travail fourni par les paysannes avec une couverture sociale. L’agriculture ne pourra être durable que lorsque l’ensemble des actrices et acteurs des exploitations seront traité-e-s décemment. Dans le système actuel, qui voit l’agriculteur bien mal payé pour son travail alors que les distributeurs et intermédiaires se frottent les mains, il n’est pas normal que le coût ne soit que pour nous, consommateurs et consommatrices.

 

L’enjeu est majeur : notre société doit se réinventer et ce ne sera pas une petite affaire !

 

Et des solutions existent pour faciliter une transition agricole durable et bio. Des mesures d’accompagnement pour soutenir les agricultrices et agriculteurs qui passent à des cultures biologiques ou qui souhaitent s’en rapprocher sont un moyen d’y parvenir, tout en tenant compte que la faisabilité de reconversion dépend du type de production. De la même manière, pourquoi les établissements publics, comme cantines et autres cafétérias de lieux de formation par exemple, ne passeraient-il pas au bio en s’approvisionnant par circuits courts ? Une mesure favorable à plus d’égalité des chances qui permettrait également de garantir aux agriculteurs locaux l’achat de leurs produits et à nos plus jeunes une alimentation saine.

 

Les pessimistes diront que pour passer au bio l’ensemble des cultures à l’échelle mondiale, il faudrait soit augmenter les surfaces des sols soit limiter le gaspillage. Et que la Suisse peine déjà à maintenir ses surfaces cultivables. C’est un fait. Mais pour ce qui est du gaspillage, nous savons combien notre marge de manœuvre est gigantesque. Saviez-vous que l’agriculture actuelle génère plus de 200 000 tonnes de déchets alimentaires alors que les 90% pourraient être évités ? Et que les ménages produisent un million de tonnes de déchets, dont la moitié pourrait être évitée ? Là aussi, il est temps que nous agissions pour trouver des solutions.

 

Car, finalement, d’un point de vue global, si tout le système change, il y aura surtout des bénéfices tant sur notre vie quotidienne que celle de nos enfants et sur les coûts de la santé, de même que pour les travailleurs agricoles.

 

Qu’avons-nous à perdre?