Le changement climatique implique de revoir aussi notre rapport au travail

Changer sa façon de se nourrir, de se déplacer, de se chauffer, de consommer sont les défis pour faire face au réchauffement climatique. Des défis gigantesques qui devront être relevés par l’ensemble de la société. Dans cette équation, ne devrions-nous pas également ouvrir un autre débat ? Celui qui concerne l’évolution du travail, en lien avec la transition écologique ?

 

Une quadragénaire et un jeune homme. Habillés de leur tenue orange, ils sont les deux perdus là au milieu des clients qui s’agitent d’une caisse à l’autre. Une dame scanne les prix de ses courses de la semaine, ici un vieux monsieur scanne sa carte du magasin, là encore une bande d’étudiants scannent les sandwichs et boissons de midi. Tout ce petit monde scanne et scanne encore, de quoi alimenter les serveurs informatiques du grand distributeur. Le jeune homme et sa collègue eux attendent. Attendent de pratiquer un contrôle sporadique ou plus fréquemment de vérifier l’âge d’une cliente qui s’est offert une bouteille de Pinot noir de la région. Pendant ce temps, les habituelles caisses restent désertes ou presque, le client fait désormais le travail des employés du magasin, sans même réclamer de salaire.

Aujourd’hui comme hier, le monde du travail subit en première ligne les évolutions de notre société. Il subit plus exactement les dérives de ces évolutions mal encadrées. D’un côté, les milieux économiques appellent à toujours plus de flexibilisation, ce qui met bien souvent l’employé-e sous pression et d’un autre côté, ces mêmes milieux prennent peu de décisions pour accompagner les travailleurs et travailleuses touché-e-s par la digitalisation. Une évolution technologique qui, tout comme transition écologique, iront pourtant de pair afin de ne laisser personne sur le bas-côté et permettre une répartition juste des richesses.

 

L’OCDE estime que près de 25% des emplois seront directement concernés par la robotisation et, en partie, menacés. Malgré cet état de fait, le Conseil national n’a pas adopté une proposition qui aurait permis d’évaluer l’introduction d’une taxe sur les robots. Une taxe qui permettrait de financer la reconversion des personnes impactées par la transition : Nos deux employés de supermarché par exemple, mais aussi le personnel de guichets à la banque ou à La Poste, enfin là où il existe encore des offices. Toutes les personnes dont le travail risque bien d’être effectué bientôt par une machine ou un algorithme. Ne rien faire en attendant les effets d’un tel changement n’est pas défendable. Et peut-être rappeler que toutes avancées technologiques sont souvent aussi issues d’investissements publics dans l’innovation. C’est pourquoi il ne serait pas cohérent que l’évolution technologique ne profite qu’à une part infime de notre société.

 

Dans le domaine de l’écologie, c’est un peu plus nuancé. Il est vrai que, d’un côté, des emplois vont être créés par l’investissement dans les énergies renouvelables et les économies d’énergie, mais, d’un autre côté, le sujet des emplois fossiles est rarement abordé. En effet, se passer de pétrole, c’est aussi se passer des emplois qui vont avec. Bien que nous ne soyons pas le pays le plus pétrolier au monde, nous devons nous préparer à ce qu’à terme, des emplois disparaissent dans les raffineries, les cimenteries ou autres industries grandes consommatrice de combustibles. Nous devons nous soucier de toutes ces personnes. De leur côté, les lobbys des actionnaires sont déjà à l’œuvre pour préserver leurs intérêts. Pourtant, il serait plus juste de protéger les intérêts collectifs des travailleurs et travailleuses, non ?

 

Nous savons que le tissu économique devra se diversifier et que nous devrons nous questionner pour quitter la logique productiviste (ce qui fera l’objet d’un prochain article), mais pour que nous puissions tendre à une société véritablement écologique sans causer de dégâts sociaux, il faudra également rassurer et assurer les personnes travaillant dans les secteurs dépendant des énergies fossiles que la transition se fera avec eux. Mais pour cela, il est nécessaire de mettre en place des mesures strictes. Non sans consultation et participation des différentes actrices et acteurs, mais dans l’intérêt de toutes et tous. Augmenter les droits sociaux, lutter contre les licenciements et un droit à la formation continue sont ainsi parmi les défis pour garantir un avenir professionnel à toutes et tous. Mais à moyen terme, même si je ne me fais d’illusion dans l’immédiat, nous aurons besoin de réduire notre temps de travail. Ceci dans un souci de répartition des richesses, certes, mais aussi pour nous laisser plus de temps pour vivre autrement, pour préserver notre environnement.

 

A Berne, je m’engage à lutter pour obtenir ces droits et protéger les personnes qui en auront besoin.

Martine Docourt

Députée au Grand Conseil neuchâtelois depuis 2009, Martine Docourt a présidé le groupe socialiste de 2013 à 2017. Depuis 2017, elle copréside les Femmes socialistes suisses. En tant que géologue de l’environnement, elle a eu plusieurs expériences dans l’administration publique cantonale et fédérale. Depuis 2020, elle est responsable nationale du Département politique du syndicat Unia. Elle vit à Neuchâtel avec ses deux jeunes enfants et son mari.