Se soucier du climat, c’est prévenir l’accroissement des inégalités

Il y a plusieurs semaines, à l’annonce de l’état des comptes de la Confédération, c’est un sentiment de colère qui m’envahit. Depuis plusieurs années, la rengaine est inchangée : on coupe, on réduit, on restructure pour satisfaire de nouvelles mesures d’économie… et on obtient au final des comptes bénéficiaires de l’ordre du milliard ! Voire de plusieurs milliards !

 

Au travers de cet exercice comptable, la Confédération a démontré, une fois de plus, que des moyens existent et peuvent être mobilisés. Des moyens indispensables pour faire notamment face aux urgences. Oui, aux urgences, et elles ne manquent pas. Des personnes continuent à souffrir dans notre pays et notre rôle, celui de l’État, est de les soutenir. Il en va de même pour notre environnement, pour le climat et les changements qui ont débuté. Portée par les jeunes de notre pays, l’opinion publique a évolué, les citoyennes et citoyens se sentent de plus en plus concernés, l’urgence climatique est exigée.

 

Notre responsabilité est de rappeler que les conséquences des changements climatiques toucheront encore une fois les plus faibles. À l’étranger mais aussi chez nous. Santé, emploi, pouvoir d’achat, égalité, alimentation, logement, transports sont autant de secteurs pour lesquels le fossé entre riches et pauvres va s’accroître. À nous d’agir pour apporter des réponses.

 

Pour y parvenir, la Suisse doit investir pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. En Suisse, mais aussi au niveau international, dans un souci de solidarité, les émissions de l’étranger étant les nôtres si elles participent à notre consommation. Les conséquences du réchauffement touchent et toucheront des populations entières pour qui la migration devient le seul refuge. Plusieurs dizaines de millions de personnes devront abandonner leur foyer, leur vie pour migrer ces prochaines années en raison des effets des températures annoncées. A qui la faute ? Nous ! Assumons notre part. Ce n’est toutefois pas en culpabilisant sur notre canapé que nous avancerons mais bel et bien avec la volonté de changer les choses. Et cette volonté ne doit pas s’éclipser au soir du 20 octobre.

 

Aujourd’hui, malgré l’urgence, si incroyable que cela puisse sembler, seule une partie de la taxe sur les combustibles contribue à amorcer le tournant attendu. Quasiment rien au niveau du budget de la Confédération alors qu’il faudrait un plan sérieux. Les mesures individuelles doivent laisser la place aux mesures collectives. Fini le temps du chacun pour soi ! Le mouvement de la grève pour le climat a démontré que le collectif et surtout la solidarité doivent primer.

 

Dépassons ce qui a été fait jusqu’ici. Arrêtons d’exempter les entreprises pour ce qui concerne l’énergie et le climat, à l’échelon fédéral ou cantonal. Pourquoi uniquement « récompenser » l’économie pour les efforts fournis ? La tonne de COn’a-t-elle pas le même impact si elle est issue d’une entreprise ou d’un foyer ? Pas sûr ! La transition ne doit pas accentuer le risque de précarisation. Le locataire doit pouvoir être acteur de cette transition et non simplement la subir.

 

Qui dit économie dit également réfléchir aux formations qui permettront d’accompagner la transition. Nous avons un potentiel en matière d’innovation des technologies durables, un secteur qu’il faut continuer de soutenir. Nous devons aussi réfléchir aux moyens d’accompagner les personnes subissant la transition technologique par une approche orientée environnement et social. Avec des conséquences concrètes sur la vie des personnes.

 

L’adaptation que nous devons accomplir est l’occasion de repenser notre façon de vivre, de consommer, de nous alimenter et de nous déplacer. Il faudra donc être vigilants afin que les mesures soient bien réfléchies pour faire face au réchauffement annoncé sans créer plus d’inégalités.

 

Martine Docourt

Députée au Grand Conseil neuchâtelois depuis 2009, Martine Docourt a présidé le groupe socialiste de 2013 à 2017. Depuis 2017, elle copréside les Femmes socialistes suisses. En tant que géologue de l’environnement, elle a eu plusieurs expériences dans l’administration publique cantonale et fédérale. Depuis 2020, elle est responsable nationale du Département politique du syndicat Unia. Elle vit à Neuchâtel avec ses deux jeunes enfants et son mari.

2 réponses à “Se soucier du climat, c’est prévenir l’accroissement des inégalités

  1. Je vous comprends, mais je reste dubitatif sur l’avenir immédiat. Le côté D de l’échiquier politique, actuellement légèrement dominant, pense que l’effort revient à l’individu seul. Ce n’est pas le rôle de l’etat qui de toute façon dépense trop d’argent, il est donc normal de faire des économies afin de diminuer la charge fiscale des privés. Pour y avoir vécu, de l’autre côté de la Sarine cette « vertu » est culturellement omniprésente.
    Avec votre formation de géologue vous êtes très au clair sur le « temps long » qui s’oppose au temps humain, alors que le temps politique est entre deux. On sait ce qu’il convient de faire mais les temps de réaction et les logiciels sont encore à actualiser, en Suisse comme partout dans le monde, sinon aucun effet ne peut être raisonnablement envisager. Je reste pourtant optimiste.

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