Pourquoi Donald Trump est-il en passe de réussir son pari

Après plus d’un an et demi de pouvoir et à quelques mois des élections de mi-mandat prévues en novembre prochain, Donald Trump semble plus solidement que jamais installé au poste de « commander in chief» des Etats-Unis. Tentative d’explications sur la base de mon vécu américain.

On le dit détesté, acculé et mis sous pression par ses nombreuses affaires. Mais cette vision d’un Donald Trump proche de la destitution, c’est-à-dire de « l’impeachment » à l’américaine est loin d’être une réalité. Le fait qu’il soit critiqué, inaudible, insupportable et fortement remis en cause par la plupart des observateurs et politiques internationaux est un fait. De là à ce que ceci représente une réelle menace pour le président américain, il y a un fossé (ou une frontière lui qui aime tant ce terme) que l’on ne franchira pas.
Ainsi l’espoir de voir l’homme de la maison blanche éjecté du pouvoir au vu de son impopularité et mensonges semble plus tenir du doux rêve des Européens et des élus démocrates que d’une véritable réalité. Ce qui est vrai d’un côté de l’Atlantique, n’est pas forcément vrai de l’autre côté de celui-ci. Et quoi qu’une bonne partie de l’élite mondiale se dise qu’au vu de ses nombreux tweets insensés l’imperturbable septuagénaire va finir par être lâché par ses électeurs, rien n’y fait.

Une cote de popularité au sommet
Oui, vous l’aurez compris, Donald Trump n’est pas seulement au sommet de son art, il est également au sommet de sa popularité aux Etats-Unis. En effet, avec près de 45% d’opinions favorables, l’homme le plus puissant du pays a encore augmenté sa cote au retour de son voyage d’Europe en juillet dernier. Aussi improbable que cela puisse paraître, ses violentes piques contre Angela Merkel, l’immigration européenne ou l’OTAN ont été plus que bien accueillies au sein de l’électorat républicain et dans une moindre mesure dans par les Américains.

Un des nombreux Tweet de Donald Trump lors de son voyage en Europe

Si un tweet comme celui-ci horrifie les politiques et nombre de personnes en Europe, le but et l’objectif de Donald Trump est à chaque fois parfaitement atteint. Non seulement, il met au défi les Européens en les questionnant sur leur rôle, mais il s’attire également toute la sympathie de nombre ses des électeurs.  Et pas seulement de ses électeurs, mais de bon nombre de personnes qui pensent que les Etats-Unis payent beaucoup trop pour le confort et la sécurité de l’Europe. Au final, non seulement sa base dure mais aussi une partie élargie de son électorat lui pardonne ses sorties un peu trop « osées » ou « ses frasques et tweets trop poussifs ». Il faut le savoir, en Amérique c’est « business first» comme me l’expliquait une famille américaine lors du dernier memorial day.

Tous les moyens sont bons pour rendre l’Amérique great again
Si nous ne pardonnons pas ces excès et cette politique dangereuse pour la stabilité et l’économie mondiale, certains républicains applaudissent. Comme ils l’ont fait lorsque Trump va rendre visite à des sinistrés avec un drapeau étoilé ou du Texas. L’essentiel pour eux est là, lorsque chez nous il est ailleurs. Sortie de l’accord du nucléaire iranien, taxes et tarifs sur l’acier et l’aluminium européen et chinois, menaces ou sorties de l’accord de Paris et de l’UNESCO, tout passe et tout est justifiable. Au nom de la grandeur et de la santé de l’économie américaine. Certains Américains m’avouaient d’ailleurs que si c’est les conditions à payer pour que la croissance et l’emploi soient au rendez-vous, c’est une solution comme une autre.

Comme le dit si justement Romain Huret, spécialiste de l’histoire des Etats-Unis dans une interview à la TV belge RTBF,  Trump a promis de redonner du travail aux Américains, par tous les moyens possibles. Que ce soit par du protectionnisme, les menaces ou les industries polluantes telles que le charbonne et le pétrole :
« Romain Huret : Ce qui est intéressant, c’est la solidité de la base Trump. Son électorat ne regrette pas son vote et lui pardonne ses excès de langage. Les bons résultats du chômage l’aideront à démontrer que cette stratégie fonctionne, bien qu’elle puisse heurter certaines élites. »

L’économie et le dollar au plus haut
Lorsque j’ai entendu cette interview de cet historien respecté, j’ai immédiatement su et reconnu qu’il avait totalement raison. Ayant eu la chance de pouvoir cohabiter avec des électeurs « Trumpistes », leur discours était à tout point similaire. Et si finalement ils avaient raison ? La croissance est à un chiffre record de 4.1%, alors qu’elle stagne autour des 0.5% au mieux en Europe. Le dollar est au plus haut depuis longtemps. Et le taux de chômage est inférieur à 4%, ce dont seuls les pays comme la Suisse peuvent encore péniblement rêver.

Toutefois, il faut aussi se rendre compte que l’homme de la maison blanche a pris beaucoup de risques. Une éventuelle guerre commerciale avec la Chine, une crise boursière ou plusieurs événements d’insécurité tels que des attentats pourraient mettre à mal cette réussite insolente. C’est ce que me disait une de mes professeures ouvertement démocrate :”les Américains ne se rendent pas encore compte qu’il joue avec eux. En cas de grosse catastrophe, je doute que le pays qui est maintenant plus divisé que jamais ne se relève aussi facilement. Trump n’aura plus d’alliés et les gens seront montés les uns contre les autres.”

Des élections de mi-mandat décisives
Alors Trump est-il parti pour rester ? Son « make America great again » va-t-il se transformer en « keep America great again»? Et si c’était la meilleure solution pour le pays ?
Il est beaucoup trop tôt pour répondre à toutes ces questions, mais une partie des réponses dépendra de la capacité du parti républicain à maintenir ou non sa suprématie sur les trois pouvoirs que sont la chambre des représentants, le Sénat et la Présidence. Sans oublier la Cour Suprême qui valide les décrets parfois plus que contestables comme celui sur les familles immigrées séparées de leurs enfants.

Mais pour cela, Donald Trump a son arme secrète: son vice-président. Le plus que conservateur et très religieux Mike Pence. Proche de la base conservatrice, il permet de gommer les lacunes et excès du président comme lorsque celui-ci se prend à vouloir limiter le port d’armes après une fusillade dans une école. Impensable pour le parti du lobby des armes, mais parce que c’est Donald Trump il peut se permettre presque tout.
Un premier combat a d’ailleurs été remporté par le parti de Paul Ryan et Mike Pence, une courte victoire dans une élection anticipée dans le fief de l’Ohio. Sera-ce suffisant en novembre ? On en doute, avec plusieurs sondages qui prédisent une marée bleue démocrate. Mais les sondages sont les sondages, Hillary Clinton peut en témoigner. D’autant plus que le président saura à nouveau jouer sur le rejet des élites et des médias qui ne cessent de mentir selon lui.

Un des tweets dont l’homme de la maison blanche raffole.

Et il ressortira à coup sûr toutes les promesses tenues pendant la première partie de son mandat. Sur ce point de vue, il a parfaitement raison et sera difficilement attaquable. Il n’y a guère que le mur au Mexique qui ne soit encore officiellement prêt à être construit. Mais ce n’est pas un argument dont les démocrates useront.

La victoire ou le grand déballage
Quoi qu’il en soit, le camp opposé au président tentera d’utiliser les supports de l’ancien homme fort Barack Obama ou autres LeBron James avec parcimonie cette fois-ci. En cas de victoire démocrate, il se pourrait certes que toutes les conditions soient réunies pour un lancement de procédure d’impeachment ou pour un début du grand déballage avec les histoires d’ingérences russes et de démissions au FBI.
Mais dans le cas contraire, et au grand désarroi des Européens pourrait-on presque dire, la machine Trump ne sera pas qu’un événement éphémère et aura de très grands risques de se prolonger. Au grand bonheur du mari de Melania Trump qui ne manquera pas de s’attribuer cette victoire sur Twitter et dans les médias. Alors, vous en reprendrez bien pour quatre ou six ans ou doit-on appeler Madame Obama ?

Pourquoi les fusillades au Texas et au Nevada ne changeront en rien la situation sur les armes à feu aux États-Unis

Comme souvent, la population est choquée, assommée et les messages de prières et de courage affluent de toutes parts du pays et du monde. Après la fusillade la plus meurtrière des États-Unis en octobre dernier (58 morts et 550 blessés dans l’hôtel Mandala Bay), c’est au tour du paisible hameau de Sutherland Springs au Texas de connaître l’effroi avec une nouvelle tuerie (26 morts) en ce début de mois de novembre. Pourtant, ni le président américain Donald Trump, ni une large majorité des citoyens ne semblent prêts pour un grand changement.

Des gestes, des larmes et de prières
A chaque fusillade, et ce fut encore le cas en octobre et ce dimanche au Texas, des voix s’élèvent afin de mieux légiférer et durcir ce qui est devenu un véritable fléau aux États-Unis. En effet, chaque année, plus de 12’000 personnes meurent dans une fusillade dans le pays et on ne compte que 109 jours sur 365 sans une tuerie de ce genre par année. Trop, beaucoup trop, comme le scandent les anti-armes et milieux proches des démocrates. Et sur les seuls cinq premiers jours de novembre, trois exemples criants et révoltants sont à prendre en compte : Chicago (restaurant 2 morts), Colorado (supermarché 3 morts) ou Texas (église 26 morts). Néanmoins, nous aurions tort d’accabler toute la population et les instances politiques américaines.
La population fait à chaque fois preuve de courage et de solidarité envers les victimes et des messages de prières sont envoyés de toute part, en passant par les républicains de Donald Trump aux démocrates de Barack Obama. Et ce dimanche au Texas, les habitants étaient justement en train de prier dans l’église avant d’être abattu, d’où le choc et la révolte des militants anti-armes. Réaction toutefois sans action majeure à suivre comme nous avons pu le constater par le passé et aujour’dhui encore.

Le puissant lobby pro-armes NRA et le deuxième amendement
Deux principales raisons et piliers de la société et de l’histoire américaine expliquent cette inaction et situation inchangée. La puissante National Rifle Association (lobby pro-armes) fondée en 1871 et dont de nombreux acteurs et politiques sont connus pour en être proches est le premier garant des armes à feu et au maintien de la situation actuelle. Crée dans le but de protéger les détenteurs de fusils, les sports de tirs et l’entraînement des citoyens, elle ne manque jamais de rappeler que son principal objectif est la mise sur pied de programmes de sûreté par l’usage et l’éducation des armes à feu. Double hypocrisie, un peu banale au pays de la bannière étoilée devrait-on presque avouer. De plus, en citant entre autres les pourtant pacifistes Clint Eastwood ou Bruce Willis, nombre d’acteurs de Hollywood se déclarent en faveur des armes si elle garantit leur sécurité. Son de cloche similaire du côté républicain avec Donald Trump et Paul Ryan (homme fort du sénat) qui se posent en fervents partisans et dont les campagnes ont été en partie financées par la NRA.

La deuxième raison de cet attachement aux armes, est-elle bien plus historique encore. Il s’agit bien sûr du deuxième amendement de la constitution américaine. Il est dit que nul ne pourra attenter au droit des citoyens de porter une arme. Cet amendement profondément ancré dans l’histoire et les lois américaines a de plus été renforcé par le passé, la Cour Suprême déclarant l’autodéfense comme un élément central de ce droit. Si ni les républicains, ni les démocrates d’aileurs  ne contestent ce texte, ils sont cependant en désaccord sur leur interprétation. Le parti de Barack Obama et Hillary Clinton arguant par exemple depuis fort longtemps que le port d’armes ne devrait être autorisé qu’en cas de milice organisée et n’est pas un droit illimité. On comprend toutefois ainsi mieux pourquoi près de 40% des foyers américains possèdent une arme à feu et que 47% des citoyens estiment que c’est une liberté et un droit essentiel.
Barack Obama avec ses discours pourtant remplis de larmes s’était ainsi « cassé les dents » et resté bien malgré lui impuissant sur ce dossier.

« Si plus de personnes avaient été armées …»

Dernier argument et non des moindres qui me fait penser que le temps du changement n’est pas venu aux États-Unis, c’est bien la pensée assez répandue que l’on est jamais mieux protégé contre « les fous et les méchants » que par son arme. Au lendemain de la tuerie de Sutherland Springs, le procureur républicain de l’état demandait ainsi plus d’armes afin de contrer les « méchants ».
S’appuyant comme bon nombre d’américains sur ces héros qui auraient permis d’éviter un plus grand massacre, en se précipitants dans l’église avec leur armes et pourchassant Devin Patrick Kelley l’homme qui avait déjà abattu 25 personnes. A tort ou à raison, ils ont en effet réussi à mettre fin à cette tuerie au prix d’une course poursuite digne d’un film de farwest. Difficile de contrer ses arguments appuyés par le président Donald Trump en personne pour qui « le problème ce ne sont pas les armes mais la santé mentale des tireurs ». Compliqué pour les démocrates et les groupes anti-armes de faire passer un message de changement face au président et à tant d’émotions.

Cette Amérique à deux visages et deux pensées me rappelle un peu la discussion que j’ai eue avec ma famille d’accueil Californienne, dans un état pourtant pas autant réputé pour son lobby d’armes que le Texas. La famille m’avait alors expliqué qu’ils possédaient une arme afin de nous protéger en cas d’intrusion ou d’attaque dans la maison tout en comprenant mes craintes et que cela suscite le débat. Face à mes réticences, ils avaient alors sorti la constitution américaine avec le deuxième amendement en me prouvant que l’arme à feu n’était pas le problème et une arme en soi mais bien la personne qui pouvait la posséder.

Malgré toutes les interventions et paroles de courage et prières, cet énième fusillade qui plus est dans une église me laisse à penser qu’elle n’est malheureusement qu’une parmi tant d’autres. Et la petite lueur d’espoir sur l’encadrement des armes ouverte par la Maison-Blanche sur une éventuelle interdiction des mécanismes de transformation des fusils semi-automatiques est pour l’instant restée sans suite. Pour l’instant…
En finalité, nul ne sait combien d’autres tueries faudra-t-il encore pour qu’un réel changement ait lieu. Preuve en est, en habitant aux États-Unis, je m’étais d’ailleurs surpris en acceptant presque cette situation comme un risque parmi tant d’autres.