Sans ambitions ni marketing, la vaccination en passe de rater sa cible

Le gouvernement fédéral suisse l’a annoncé le vendredi 26 mars : la campagne de vaccination en Suisse est en passe de changer d’échelle et va devenir massive avec 8 millions de doses livrées d’ici fin juillet. Malheureusement, les objectifs de pourcentage de vaccination à atteindre, les ratés de certains cantons dans leur campagne de vaccination et l’absence de promotion vaccinale soulèvent de sérieux doutes.

 

Le 26 mars, les objectifs de couverture vaccinale sont révélés

Les objectifs fédéraux de taux de couverture ont été annoncés par Nathalie Vernaz la pharmacienne cantonale de Genève à l’émission Forum ce vendredi 26 mars : 75% de vaccination pour le groupe des personnes de 65 ans et plus et les personnes « vulnérable » et 50% pour la “population générale”. L’objectif est d’atteindre une couverture de 50% d’ici fin juin. Avec 5.9% de la population ayant reçu deux injections, le chemin est encore long. Selon l’annonce de Berne ce vendredi, les cantons doivent être prêts pour la vaccination de masse de ce printemps. Mais le sont-ils et est-ce que 50% de couverture suffira ?

 

Jusqu’à ce jour, le nombre limité de doses disponibles explique l’avancement relativement lent de la vaccination

A ce jour, 527 million de doses auraient été administrées dans le monde et la Suisse est dans la moyenne européenne pour le nombre de doses administrées par rapport à la taille de sa population (15.6 injections/100 habitants). Mieux, le choix des commandes avec les vaccins de Moderna et Pfizer/BioNTech s’est révélé remarquablement avisé et la prudence de Swissmedic par rapport au vaccin d’AstraZeneca doit être saluée vu la difficile communication des résultats cliniques aux USA, comme des experts l’ont commenté cette semaine.
Selon les chiffres de l’OFSP (26 mars 2021), il existe des différences d’avancement des campagnes de vaccination. Les livraisons de doses (fioles par cent habitants) ont défavorisé certains cantons et expliquent une bonne partie de ces différences. Mais pas toutes ! Les cantons de Zurich et Vaud montrent des défaillances qui ont attiré l’attention des média.

 

Zurich est le dernier de classe pour le nombre de doses administrées et pour l’activation de son site de réservation online qui ouvrira le 29 mars

Zurich montre le plus bas taux de doses distribuées de Suisse avec 13.2 injections/100 habitants (2.4 injection de moins que la moyenne nationale). Cette sous-performance n’est expliquée qu’en partie par le plus faible nombre reçu de doses de vaccins. L’explication réside ailleurs : une incroyable incapacité d’organiser la réservation en ligne des vaccinations. Comme décrit dans un article dans la NZZ du 24 mars, le canton a mis en place sa propre plateforme au lieu d’utiliser celle de la Confédération. Fin décembre, la première plateforme s’est écroulée sous le nombre de demandes. Une autre plateforme disponible fin janvier n’a jamais été utilisée. Finalement, Zurich utilise la plateforme de Berne et ouvrira la réservation online le 29 mars pour ceux de 75 ans et plus. Le coût financier de ces errements n’a pas été divulgué.

 

Vaud n’atteint pas ses propres objectifs de vaccination parmi les 75 ans et plus, objectifs pourtant plus bas que ceux de la Confédération

Comme décrit par le 24 Heures le 13 mars et le Temps le 23 mars, Vaud était le seul canton romand à avoir de nombreuses plages de réservation de vaccination libres pour la population des 75 ans et plus, et les personnes vulnérables. De manière presque improvisée à la radio publique le lundi matin 22 mars, la conseillère d’Etat Rebecca Ruiz appelait la population à faire des réservations. Sous pression, le Canton se résout à ouvrir la vaccination aux 65 ans et plus dès lundi 29 mars.
La comparaison avec le Canton de Fribourg est cruelle pour Vaud. Avec un nombre similaire de doses reçues par habitant (3% de différence seulement), Fribourg a déjà réussi à administrer au moins une dose à près de 70% des 75 ans et plus (La Liberté du 24 mars) tandis que Vaud annonce arriver à vacciner que 60 % des 75% ans et plus (24 heures du 25 mars) soit moins que ses propres objectifs de vaccination entre 65% et70%. Selon l’article du 24 heures, «des disponibilités importantes dans les centres montrent que l’on a épuisé le potentiel de vaccination du groupe 1», explique Oliver Peters, président du comité de pilotage de vaccination. Le comité de pilotage semble se résigner de son faible score de couverture vaccinale parmi les 75 ans et plus.

 

La Suisse a des objectifs de couverture vaccinale en dessous des chiffres discutés par les experts internationaux

La Suisse a maintenant un objectif de couverture vaccinale de 75% pour les personnes à risques et 50% pour la population générale. En 2020, avant l’apparition de variants plus infectieux, l’immunité collective requise avait été estimée entre 65% et 70%, ce qui est le pourcentage de la population avec une réponse antivirale efficace (article de Fontanet et Cauchemez 2020, post du 20.09.2020). En 2021 avec l’apparition de variants plus infectieux, le degré d’immunité de groupe est revu à la hausse sans être connu précisément. La couverture requise est dernièrement estimée entre 70% et 90% par le fameux Dr Anthony Fauci aux USA (directeur du NIAID aux USA).
Les questions du besoin de la vaccination en plus de l’immunité naturelle ou le besoin de vacciner les enfants dépassent le cadre de ce post. Notons finalement que l’immunité naturelle à 76% à Manaus n’a pas empêché une nouvelle épidémie en janvier 2021 et que le taux de 44% d’injection unique de vaccines au Royaume Uni ne lui permet pas de juguler l’épidémie actuelle malgré de sévères restrictions sanitaires.
Gageons que les experts de la Confédération ont bien soupesé l’objectif de 75% de couverture vaccinale pour les personnes à risques. Toutefois, l’objectif de 50% pour la population générale avec une probable non vaccination des enfants laisse présager que l’engorgement des soins médicaux pourra être contenue seulement de manière partielle. Mais les virus SARS-CoV2 continueront de circuler largement en Suisse avec un risque important de propagations de futurs variants !
On le voit, les objectifs suisses de couverture vaccinale sont en dessous des chiffres discutés par les experts internationaux. Ces objectifs ne semblent pouvoir fournir qu’une future protection relative et manquer d’ambition.

 

La population suisse reste réticente à se faire vacciner et les autorités sanitaires demeurent attentistes face à la promotion vaccinale

Cette semaine, Vaud avouait ne pas savoir combien de Vaudois voulaient se faire vacciner. Ce vendredi 26 mars, les autorités fédérales se voulaient rassurantes quant à la volonté des Suisses à se faire vacciner. De manière surprenante, il était énoncé que seulement 25% des Suisses sont opposés à la vaccination. Evidemment, cela ne présage pas que le reste soit 75% soient enclins à se faire vacciner contre le COVID-19. Comme des sondages précédents et dans d’autres pays, la population suisse est peu enthousiaste. Pire, un sondage en mars 2021 montre moins d’un quart des Romands veulent se faire vacciner, en particulier les jeunes où le SARS-CoV2 circule activement (la tranche de 20-29 ans présente le plus grand nombre de cas détectés selon FOPH/corona-data.ch).
Avec des quantités de doses limitées, les autorités sanitaires semblent se satisfaire de la demande vaccinale relativement importante chez les personnes âgées. Elles sont opposées à ce stade à faire de la promotion vaccinale ni de faire des pré-inscriptions pour les groupes 3 ou la population générale. La conseillère d’Etat Rebecca Ruiz cite la peur de générer des frustrations tandis que Nathalie Vernaz la pharmacienne cantonale genevoise (Forum du 26 mars) considère que le moment n’est pas venu pour une campagne de sensibilisation.
Au final, les autorités sanitaires ne semblent pas connaître la proportion de la population adulte de moins de 65 ans prête à se faire vacciner et clairement ne sont pas prêtes à déclencher une campagne de sensibilisation ou de marketing efficace et créative en faveur de la vaccination.

 

L’absence de technique de marketing pro-vaccinale est patente et conduit déjà à une sous-vaccination dans le canton de Vaud

Il n’est finalement pas étonnant que des juristes, économistes ou des personnes médicales qui dirigent ces campagnes vaccinales ne connaissent pas la puissance du marketing digital et ne connaissent pas la différence entre un but d’amélioration de l’image d’un service (être favorable à la vaccination) et celui d’une action immédiate (décider de se faire vacciner).
Devant l’incapacité à atteindre leurs objectifs de vaccination, il est déplorable de voir les autorités vaudoises réduites à un expédient de communication avec un appel radiophonique à la sauvette par une Conseillère d’Etat à se faire vacciner et finalement se contenter de ne pas atteindre l’objectif de couverture vaccinale.

 

La campagne de vaccination est d’une taille inédite et appelle à des solutions à la hauteur

Les critiques ci-dessus ne doivent pas faire oublier les incommensurables difficultés pour cette gigantesque campagne de vaccination. Il est remarquable qu’en moins d’une année les campagnes de vaccination ont pu commencer et il faut même soutenir les efforts de répartition envers les pays à bas revenus via le mécanisme international COVAX. Mais avec la prochaine accélération des livraisons de doses vaccinales en Suissse, les plans et l’exécution des campagnes de vaccination pourraient bien révéler leur faiblesse.
Sans des objectifs ambitieux pour une couverture vaccinale, sans des équipes expérimentées en campagne de vaccination, sans recours à des méthodes de marketing inventif –comme les extraordinaires campagnes de prévention anti-SIDA à l’époque-, la campagne suisse de vaccination anti-Covid-19 est en passe de rater la cible, soit une véritable immunité collective.
Si en 2020, le but des mesures sanitaires était d’éviter l’effondrement des soins. En 2021, le but est d’éviter l’apparition et la propagation de nouveaux variants. Ce but de santé publique pourra se faire grâce à des campagnes ambitieuses de vaccination avec un tracking efficace maintenu à long terme et un allègement graduel des diverses mesures restrictives sanitaires.

 

Image by 3D Animation Production Company from Pixabay

Le fromage suisse comme outil efficace de lutte contre la pandémie

Comment lutter efficacement contre la pandémie du COVID-19 ? Le “concept du fromage suisse” pour la prévention des accidents aériens ou industriels est utilisé depuis les années 90. Le « fromage suisse » donne le cadre conceptuel pour définir puis établir les mesures de lutte contre le virus SARS-CoV-2.
Le message de ces tranches de fromage suisse se comprend facilement : chaque mesure préventive contre le SARS-2 est imparfaite avec des trous laissant passer le virus et la multiplication des couches permet de diminuer de manière efficace le risque d’infection.

 

Comment les tranches de fromage suisse sont devenues une iconographie de lutte contre le COVID-19 ?
L’idée d’un management par additions de mesures de prévention vient non pas d’ingénieurs, de biologistes, de médecins ou de spécialistes de sciences dures mais d’un psychologue cognitif, James T. Reason, professeur émérite à l’Université de Manchester (Angleterre). Cette idée d’addition de couches a été présentée dans le livre Human Erroren 1990 suite aux désastres industriels tels que Bhopal, Chernobyl et l’explosion de la navette spatiale Challenger. Ce concept par couches de prévention a été depuis largement utilisé en aviation, en industrie et en médecine, où il est devenu un concept essentiel pour augmenter la sécurité des patients.

Figure 1 par J. Reason “The contribution of latent human failures to the breakdown of complex systems

A l’origine, le concept original  de James Reason ne comportait pas d’images de tranches de fromage, ce qui est attribué à Rob Lee, un expert australien en sécurité aérienne. Le concept des tranches de fromage suisse contre la pandémie causée par le SARS-CoV2 est devenu viral en octobre 2020 lorsque le virologiste Ian MacKay (Queensland, Australie) a adapté graphiquement le concept. Le New York Times a couvert le sujet le 5 décembre 2020 avec un interview de l’auteur.

 

Quelles sont les couches de fromage et comment sont-elles arrangées ?
Les douze couches (une ajoutée dans la dernière version 4.1 avec le lock-down régional) sont interposées entre les particules virales à gauche et le personnage masqué tout à droite. Toutes ces mesures sont bien connues et comprennent non seulement les mesures épidémiologiques de distanciation sociales, l’hygiène des mains, le port du masque, les quarantaines mais aussi des mesures gouvernementales comme les messages de prévention et les mesures de soutien économique.
L’originalité de ce diagramme se révèle en regardant le groupement des tranches avec un groupe de tranches «personal responsibilities » (responsabilité individuelle) et un groupe de tranches « shared responsiblities » (responsabilité collective). Le premier groupe peut être mis en œuvre de manière personnelle tandis que le second groupe a besoin d’une mise en œuvre collective. Dans le détail, on voit qu’une mesure comme l’isolation à domicile pourrait être classé dans le premier groupe. De plus, le choix de vaccination est compris comme un choix collectif dans certains pays alors que dans des pays comme la Suisse, ce choix est perçu comme essentiellement personnel.
La force de cette image est qu’elle permet de concevoir l’effet des mouvements des tranches de fromage qui peuvent aligner ou non les trous et donc permettre ou non aux virus de passer. Il faut aussi imaginer que les trous peuvent varier de taille voir s’ouvrir et se fermer comme l’explique le virologue Ian Mackay.

 

Qui sont ces souris, allégories de la désinformation ?
Bien naturellement, les souris mangent des bouts de fromages. Les trous s’agrandissent et on aperçoit des miettes de fromage. Ces rongeurs se retrouvent aussi sur les panneaux « personal responsibilities » et « shared responsabilities ». La fromagophilie des souris nuit aux mesures des réductions de transmission du virus comme à la promotion de ces mesures.
Ces souris peuvent être des sources de désinformation, des complotistes, des antivax voir des groupes ou des personnes poursuivant d’autres buts de manière fallacieuse comme des militants anti-pharmas ou des scientifiques en recherche de gloire. Plus subtilement, on peut aussi imaginer simplement une partie de la population n’observant pas les diverses mesures de protection et de prévention.

 

Les défenses anti-pandémie mal déployées sont inefficaces
Les diverses couches de mesures chacune imparfaite peuvent être mal déployées et se révéler inefficaces ; cette situation est arrivée dans certains pays du fait principalement de décisions gouvernementales. On trouve des chefs de gouvernement qui sont sceptiques face à l’épidémie comme au Brésil qui devient l’épicentre mondial des infections. Dans ce cas, il n’y a pas assez de couches de protection ou les trous des diverses couches se retrouvent alignés. A la fin, les virus circulent facilement.
Sur des arguments de liberté ou économiques, d’autres gouvernements ont tardés à agir ou ont levé trop tôt les mesures de contrôle épidémiologique. L’ouverture des restaurants en Italie en est un bon exemple avec une flambée de cas dans les semaines suivantes comme l’expliquait Philippe Eggimann, président des médecins romands dans le Temps le 18 mars 2021.

 

Bien utilisés, les arsenaux faits de multi-tranches peuvent atteindre le “zéro COVID”
Comme souligné par le Dr MacKay, ces mesure en « multi-couches » de protection ont permis un succès jugé avant comme impossible: contrôler la transmission de virus respiratoires à l’échelle de pays entiers. Ainsi, des pays comme la Chine, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle Zélande sont pour l’essentiel libérés du SARS-CoV2. Ce résultat remarquable n’est pas le simple fait d’être des régions isolées mais aussi le fruit de très dures restrictions sanitaires dont certaines n’auraient pas été acceptées en Europe. Le catalogue de ces mesures efficaces y est expliqué (What worked well for Australia and New Zealand?). Certaines mesures qui semblent efficaces n’ont pas ou guère été mise en œuvre en Europe comme des communications anti-désinformation et des frontières intérieures strictes.

 

La diversité des situations épidémiologiques n’est pas montrée dans diagramme de tranches de fromage
Ce concept de fromage suisse de réduction de risques doit son large usage à son efficacité pour établir des mesures sanitaires bien menées. Avec les exemples et les détails ci-dessus, on voit que ce modèle est complet et permet de décrire nombre de mesures. Toutefois ce concept de fromage suisse de protections multiples ne décrit pas la diversité des situations épidémiques mais est-ce le but de ce concept de défense ?
Comme vecteurs de risques, les particules virales peuvent changer en nombre et en caractéristiques. Selon la situation épidémique avec des taux très variables d’incidence, les mesures sanitaires pourront se révéler suffisantes ou être débordées comme la Suisse l’a appris avec la deuxième vague qui a été mal combattue par des mesures trop tardives et insuffisantes. Plus inquiétants sont l’apparition des nouveaux variants (comme le variant anglais B.1.1.7) qui peuvent se montrer plus infectieux, plus mortels et échappant parfois aux mesures spécifiques comme les vaccins.
Les mesures sont bien plus complémentaires qu’interchangeables. Ainsi, les mesures de type « responsabilités individuelles » seront mieux appliquées en cas de forte incidence de maladie comme ce fut observé avec les baisses de mobilité au début de la première vague. Au contraire, en cas de forte incidence, les mesures « responsabilités collectives » peuvent être débordées comme le tracking des contacts.

 

L’amplification ou non des infections est aussi hors du diagramme du fromage suisse
Comme presque toute maladie humaine virale, le COVID-19 a une origine mammifère. Après son adaptation, le SARS-CoV2 est très certainement maintenant un virus avec un réservoir essentiellement humain. Avec des chaines de transmission inter-humaines, nous avons tous en tête les explosions exponentielles avec une augmentation sur plusieurs logarithmes (10x, 100x, 1000x, etc). En cas de maitrise de la transmission, la diminution peut être aussi forte et logarithmique grâce au réservoir essentiellement humain du SARS-CoV2.
Le cercle d’amplification avec une circulation des virus depuis le personnage à droite vers la gauche n’est pas montré dans ce diagramme de fromage suisse qui décrit uniquement les mesures de protection. Evidemment, ce cercle vicieux des infections peut être dominant ou quasi nulle selon l’efficacité réelle de la multiplication des mesures de prévention.

 

Les répercussions –non montrées- sur la santé du personnage à droite sont liées aux infections comme aux mesures de protection
De manière limpide, la lecture du diagramme du fromage suisse permet d’imaginer les cas d’infections et leurs complications. Celles-ci sont hors du cadre et ne se limitent pas –comme souvent décrites- aux nombres de décès ou à l’impact parfois dramatique sur les systèmes de santé. Liées aux infections, les complications comprennent les cas sévères, les COVID longs comme des séquelles parfois irréversibles par exemple pulmonaires. Largement évoquées dans les médias, les impacts indirects sur la santé générale ne sont pas à négliger avec des suivis inférieurs d’autres maladies somatiques (infections, cancer) et des maladies psychiatriques liés à la pandémie elle-même et aux mesures sanitaires.
Bref, les mesures sanitaires montrent des bénéfices clairs contre l’épidémie pour le nombre de cas comme leur gravité mais elles ont aussi un coût financier, économique et même sanitaire. Chaque couche de ce fromage –comme le système de défense- est et doit être évalué sous ses différents aspects. La récente controverse sur la sécurité du vaccin Astra-Zeneca puis l’évaluation à ce jour positive de l’autorité de santé européenne (EMA) montre que cette vigilance est menée de manière approfondie et rassurante.

 

On en fait tout un fromage de cette prévention par couches et la fatigue est présente
La troisième vague arrive dans plusieurs régions d’Europe dont la France. Avec des nouvelles restrictions en France et Belgique ou leur maintien en Suisse et Allemagne, les frustrations sont nombreuses, la lassitude domine mais le soulagement est aussi exprimé. Ainsi les gouvernements genevois et neuchâtelois ont exprimé leur soulagement après l’annonce par le Conseil du renoncement aux ouvertures prévues pour lundi 22 mars.

© Chappatte, Le Temps, Suisse
www.chappatte.com

Face à cette situation préoccupante en Europe, il faut garder en tête l’efficacité remarquable de l’arsenal par l’accumulation judicieuse des multiples couches de protection:
– Les mesures de préventions ont montré une efficacité sans précédent contre les infections virales respiratoires. Ainsi, la grippe saisonnière n’a simplement pas eu lieu ! L’automne passé, personne ne l’aurait parié !
– Plusieurs pays qu’ils soient continentaux, insulaires, des démocraties occidentales ou non réussissent à maintenir une situation de « zéro COVID » malgré des foyers épisodiques.
– Les divers vaccins (comme Pfizer/BioNTech, Moderna, AstraZeneca/Oxford) montrent une efficacité remarquable réduire les cas sévères de COVID, à très probablement réduire la transmission par une réduction des infections asymptomatiques (Pfizer/BioNTech) voir même une bonne protection contre le variant sud-africain (Novavax).

 

Malheureusement, le verre n’est qu’à moitié plein et parfois le fromage comme métaphore des mesures sanitaires comporte bien trop de trous; les virus en nombre mutent et se multiplient:
– Ce printemps, sous la pression de l’opinion, de partis et de lobbys, il y a un risque élevé de voir l’Europe y compris la Suisse ne pas réussir à maintenir les diverses couches de mesures de protection avec les mêmes échecs que l’automne passé.
– Le faible degré d’acceptation en Suisse à la vaccination anti-COVID est fortement inquiétant comme celle des infirmiers (voir les commentaires). Après plusieurs mois de campagnes intensives de vaccination, un très faible taux de réactions allergiques (quelques cas par million d’injections), un suivi rigoureux de la sécurité des vaccins, cette réticence populaire était prédictible sans communication claire des autorités de santé comme je l’avais écrit en septembre 2020. L’absence de campagnes d’information intensives et aussi la pusillanime communication sur la capacité des vaccins à prévenir la transmission des infections (prévention pourtant largement prédictible dès le début vu la nature virale du COVID-19) sont des facteurs que les autorités peuvent corriger rapidement.
– Les variants du SARS-CoV2 sont inquiétants. Parmi les nombreux variants arrivant par dérive génétique du génome à ARN, plusieurs variants font les gros titres de la presse depuis des mois tels B1.1.7 (variant anglais ou du Kent), B1.351 (Afrique du Sud) et P1 (Brésil). La description de leur infectiosité, sévérité et échappement partiel ou non aux vaccins a été bien commentée. Malheureusement, il y a pire. C’est la résurgence à Manaus (Brésil) de l’épidémie COVID-19 en fin d’année 2020 malgré une exposition de 76% de la population locale en octobre 2020. Un article publié dans le journal médical Lancet le 27 janvier 2021 présente les différentes hypothèses dont celle d’un nouveau variant.

 

Avec des mesures de défense effectives, l’optimisme est permis pour fin 2021 si la circulation des virus SARS-CoV2 est drastiquement réduite
C’est maintenant une course de vitesse entre l’arrivée des nouveaux variants dans des contextes de haute incidence, le maintien des mesures du « fromage suisse » (en particulier la détection des cas et des variants) et les campagnes effectives de vaccination.
Le cœur de la lutte contre le COVID-19 est maintenant celle contre l’apparition de nouveaux variants. Dans cette bataille, le réservoir humain est une chance car il “suffit” de rompre la transmission inter-humaine sans devoir à lutter en plus contre l’arrivée de SARS-CoV2 depuis la source originelle. Il faut donc limiter la circulation des virus SARS-CoV2 par une vaccination rapide de toutes les tranches d’âge dans le monde entier. Pour autant, il ne faut pas voir la vaccination comme une panacée arrivant avant cet été et permettant de remiser tout l’arsenal de couches défense anti-COVID-19. Le concept de fromage suisse contre le COVID-19 ne va pas se retrouver à la cave immédiatement ! Toutefois en cas de succès des campagnes de vaccination, les mesures sanitaires seront progressivement levées, espérons le en été 2021.
Après, il faudra que le monitoring de circulation des variants restent actif longtemps et il y a une nécessité absolue que les pays les plus touchés par le COVID-19 qui sont aussi les plus riches excepté le Brésil fournissent un effort mondial considérable pour la vaccination au niveau mondial, comme le permet le système innovant et global COVAX. Heureusement, les USA semblent promettre un tel effort comme annoncé par le fameux Dr Anthony Fauci (directeur du NIAID aux USA) le 17 mars 2021. Sans risque de se tromper on peut prédire que le combat contre le COVID-19 continuera dans plusieurs régions du monde en 2022 et au-delà avec peut-être au bout du compte une éradication ou de rares foyers épidémiques. Comme la poliomyélite en somme.

 

Au final, le fromage suisse appliqué à l’épidémie COVID-19 ne se mange pas mais il permet de sauver des vies. Au fait quel est ce fromage ?
Pour revenir au concept  du fromage suisse comme défense contre les maladies virales respiratoires, la question se pose de savoir quel est le type de fromage suisse qui sert à cette métaphore ? Les lectrices et lecteurs suisses savent bien que le gruyère d’origine n’a pas de trou et ont reconnu dans ces tranches “anti-COVID-19” qu’il s’agit d’Emmental, produit dans la vallée de l’Emme (canton de Berne, Suisse). Malheureusement, en francophonie, ce fromage Emmental est encore souvent appelé gruyère. Pour la petite histoire, la question du type de fromage suisse n’a pas échappé aux twitteurs francophones.

 

Image mise en avant: “SwissCheese-Respiratory-Virus-Interventions”, version 4.0 (26.12.2020) image recadrée, auteur: Ian M Mackay (license open access et accord gracieux)