
Thierry Célestin, responsable des solutions d’investissement Private Assets
La plupart des marchés cotés ont été chahutés en 2022 et la volatilité a perduré en 2023. Qu’en est-il des actifs privés ? Après plusieurs années de performances remarquables, notamment dans le segment du private equity, faut-il craindre une crise ? Réponses et perspectives avec Thierry Célestin, en charge des solutions d’investissement autour de cette classe d’actifs pour notre clientèle privée.
Comment se sont comportés les actifs privés durant les périodes difficiles comme celle que nous vivons sur les marchés financiers depuis l’an dernier?
Historiquement, les meilleurs millésimes de private equity ont souvent été des millésimes de crise, comme par exemple 2001 ou 2008.
Alors que les marchés côtés sont impactés rapidement face à une activité économique en baisse, un contexte géopolitique difficile et la remontée des taux d’intérêt, les marchés privés réagissent plus lentement. Au cours des derniers mois, les valorisations dans certains segments ont été ajustées à la baisse, présentant des points d’entrée intéressants pour déployer du capital. Néanmoins, il est très difficile de « timer » le marché dans les actifs non cotés et il convient donc de toujours rester très discipliné dans le processus d’allocation et d’investir de manière sélective et graduelle, pour lisser les engagements dans la durée.

Rendements des buyouts américains sur plusieurs années (source: Cambridge Associates, US Buyout Index, Vintage 1994-2020)
Quelles sont les perspectives actuelles ?
La question pour tout le monde aujourd’hui reste de savoir quelle sera la sévérité d’une possible récession et donc nous continuons à voir un certain attentisme des investisseurs institutionnels. En effet, nous observons actuellement un certain ralentissement des levées de nouveaux fonds ainsi qu’un volume d’affaires moindre ces deux dernières années. Avec des marchés cotés très volatils, pour les actions comme pour les obligations, les clients privés comprennent l’intérêt d’une allocation aux actifs non cotés dans leurs portefeuilles. L’une des principales interrogations des clients concerne le segment du « early stage », c’est-à-dire le capital-risque pour les jeunes entreprises. Nous sommes toutefois assez constructifs sur ce segment, porté par des tendances séculaires comme la digitalisation de l’économie.
De manière plus générale, la plupart des gérants de fonds ont suffisamment de capital pour soutenir leurs sociétés. Dans un environnement plus difficile, la sélection des gérants reste toutefois la clé, car il y a une très grande dispersion de performances dans le private equity, bien plus que dans l’univers coté.
Quelle part devraient représenter les actifs privés dans les portefeuilles aujourd’hui ?
Au-delà du private equity, les investissements dans la dette privée, l’immobilier et les infrastructures se développent également. Quelles est votre vision à ce sujet ?
Notre expertise est déjà bien établie pour ces segments mais il est vrai que le marché se développe de plus en plus, engendrant plus d’opportunités d’investissement pour nos clients, ce pourquoi nous renforçons sans cesse notre offre, notre expertise et nos talents. Lombard Odier a développé une large expertise dans les actifs non cotés depuis plus de 15 ans, avec une équipe dédiée qui compte plus de 30 spécialistes. Un nombre qui devrait doubler dans prochaines années.
S’agissant de la dette privée, elle offre une très bonne diversification à l’obligataire traditionnel liquide et permet d’augmenter le rendement courant des portefeuilles d’actifs privés, surtout dans un contexte de hausse de taux. L’immobilier, en particulier opportuniste qui se concentre sur des actifs sous-performants ou sous-évalués, présente un intérêt actuellement, en disposant de plus des caractéristiques naturelles de couverture contre l’inflation. Enfin, nous voyons également des opportunités intéressantes dans les infrastructures, notamment renouvelables.
Justement, comment est-il possible d’intégrer la durabilité comme critère dans les investissements dans les actifs privés ?
C’est une démarche assez complexe car la durabilité est encore à un stade naissant dans les actifs privés. Cela dit, la capacité à faire évoluer une entreprise vers des pratiques plus durables peut être plus forte dans le private equity, grâce à la proximité avec l’entreprise et l’engagement des actionnaires dans la durée, et offre des perspectives intéressantes. Par ailleurs, les entreprises leaders dans le domaine de la durabilité ne sont pas toutes cotées et nombreuses d’entre elles sont de jeunes sociétés en forte croissance. Les actifs privés peuvent ainsi donner accès à des sociétés technologiques qui facilitent la transition.