Les hackathons – des événements pour se retrouver entre développeurs, designers, chefs de projets et créer des prototypes de logiciels ou services web – sont connus pour ressembler à des boys’ clubs: en général, la plupart voir tous les participants sont des hommes, qui partagent une culture un peu geek et hermétique.
– The subtle sexism of hackathons and how to fix it
– 4 Reasons Why We Need All-Women Hackathons (and networks for women in tech)
Au Temps, on a voulu rééditer le hackathon des élections fédérales de 2015, avec deux différences:
– l’organiser beaucoup plus tôt pour avoir le temps de passer des prototypes à la production (en 2015, il avait eu lieu un mois avant les élections)
– favoriser la mixité dans le contexte de notre cause «égalité»: l’édition 2015 avait compté plus de quarante hommes et aucune femme
Au départ, on l’imaginait en avril 2019, ce qui nous aurait laissé le temps de trouver des financements ou autres soutiens et de concrétiser les prototypes avant les élections d’octobre. Mais en avril, les partis ont à peine commencé à établir leurs listes de candidats… Le mois de juin se présentait comme un juste milieu: nous pouvions compter sur quelques données déjà disponibles et arrivions un peu avant le début des vacances.
Bref, revenons au sexisme dans les hackathons. Qu’est-ce qui en fait des boys’ clubs?
– Quand une femme s’inscrit, elle est souvent la seule participante. Difficile d’avoir du plaisir à participer quand on est regardée comme un animal exotique, et compte tenu du sexisme inhérent au monde de la tech (lire le livre «Brotopia: Breaking Up the Boys’ Club of Silicon Valley» ou l’article que Le Temps lui a consacré)
– L’engagement de deux jours est rébarbatif pour les femmes, sachant qu’elles assument encore très majoritairement la charge familiale et les tâches domestiques (75% des tâches ménagères assumées par des femmes, c’est en Suisse en 2018)
– L’ouverture dès le matin des premières bières, cet attribut caricatural de l’homo informaticus bedonnant, peut créer un climat lourdingue
Pour commencer, on a voulu donner un signal clair en faisant appel à une spécialiste pour ouvrir l’événement. Laure Dousset, à la tête d’une entreprise baptisée Plush & Nuggets, a posé les bases de la «gamification»:
On a aussi opté pour un sujet difficile – tant du point de vue technique que conceptuel – pour lequel un rôle de spécialiste de la politique est aussi crucial que celui de développeur ou de designer. Pas parce que les femmes seraient moins douées pour coder, mais simplement parce qu’elles sont sous-représentées dans l’informatique. Ce malgré le fait que le manque de femmes tue l’innovation.
L’étape d’après? Démarcher. Mon collègue Florian Fischbacher et moi (on co-organisait) avons contacté des développeuses de jeu, des designeuses, et l’association Opération Libero, fondée par des jeunes pour «secouer la politique».
A trois jours de l’événement, l’équilibre avait l’air parfait, tant du point de vue du genre que des spécialités représentées: quatre développeurs, quatre designers, un analyste des données, six connaisseurs de la politique (Etat et milieu associatif). Dont une développeuse, deux designeuses et trois spécialistes de la politique.
Mais trois développeurs qui s’étaient inscrits ensemble ne sont pas venus. Conséquence: sur les douze participants, un tiers de femmes, mais un déficit en matière de codeurs… Pour compenser, on a tous deux alterné entre notre casquette d’organisateur et la contribution à un projet.
Le déroulé était communiqué aux participants, et réfléchi pour ne pas envahir complètement le week-end (on aurait voulu l’organiser un vendredi et un samedi, mais ça n’a pas été possible parce que notre rédaction accueillait des danseurs pour une silent disco vendredi soir).
Samedi 22 juin | |
Dès 9h00 |
Accueil, café et croissants
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10h00 |
Introduction du hackathon
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Introduction à la gamification sous forme de workshop
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Ecriture de «How Might We» (questions de brainstorming)
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Midi | Repas sur place |
Après-midi |
Présentation des données, partage de compétences
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Idéation | |
Choix de solutions
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Vers 19h | Repas sur place |
Dimanche 23 juin
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Dès 9h00 |
Café et croissants
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Matin | Prototypage |
Midi | Repas sur place |
Après-midi |
Préparation à la démonstration
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Présentation, feedback
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Vers 17h |
Conclusion, apéro
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Résultat: une ambiance conviviale, sans la fièvre compétitive qui peut animer certains hackathons où tout se joue dans un sprint de lignes de code. Des femmes qui ne se voient pas jeter des clichés sexistes à longueur de journée. Et un stock de bière qui s’est tout autant vidé que dans d’autres hackathons, mais pas avant 10h du matin.
Quelques perles:
- Sophie Walker, étudiante en master de Game Design à la Haute Ecole d’art de Zurich, planche précisément sur une app qui gamifie les élections fédérales depuis février. L’occasion d’une foule d’échanges qu’elle raconte sur son blog
- Pour les quatre autres participantes, c’était leur premier hackathon. Leur constat n° 1: avec plusieurs spécialisation, la réflexion est plus riche et plus concrète que dans un groupe monodisciplinaire parce qu’on sait ce qui est possible. N° 2: après cette expérience positive, elles sont prêtes à tenter un nouveau hackathon
- Olivier Leclère a endossé durant dix minutes sa casquette de conseiller en organisation de l’information pour présenter les données ouvertes de la Chancellerie de l’Etat de Genève, avec six slides qu’il nous permet de partager
- Deux participants sont venus en famille: Vicky Chappuis, 16 ans et pro de la modélisation 3d avec Blender, accompagnait son père Marc Chappuis (créateur en 1998 du jeu «Rock Basher», devenu rockbasher.com). Ça a si bien marché qu’on a discuté d’organiser un hackathon familial
Nos regrets:
- L’appel à des profils multiples a pu détourner des codeurs puristes, le thème de la «gamification» a pu décourager des volontaires
- On voulait parler «culture libre» et «licence libre» au début du hackathon. A cause d’un malentendu, l’ouverture s’est faite sur les chapeaux de roue et on n’a abordé cette question qu’à la fin