La victoire de Guillermo

Après 37 jours de grève de la faim, Guillermo Fernandez a obtenu ce qu’il demandait : que l’Assemblée fédérale reçoive une information sur la réalité de la crise du climat et de la vie par les scientifiques qui sont au cœur de cette connaissance.

Ce n’est qu’un premier pas. J’espère qu’il va ouvrir une transformation de notre système démocratique.

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Au pied du mur

Tout le monde le sait, mais si peu y croient.

Ils ne sont plus guère nombreux, ceux qui n’ont pas compris que le monde va droit dans le mur et que l’avenir de ceux qui viendront après nous est mortellement menacé.  Les scientifiques l’affirment, les médias reprennent le message en boucle, tout le monde le sait, mais, comme la goutte d’eau sur les plumes d’un canard, la tragique nouvelle passe sans même qu’on ne s’ébroue. Pourquoi ?

Certains neurologues expliquent que le savoir acquis dans notre cerveau intellectuel du lobe frontal ne touche pas notre cerveau reptilien, initiateur des émotions. La catastrophe annoncée de 2050 que la loi sur le CO2 voulait éviter est loin, trop loin pour que nous nous en agitions. On a voté “non” et on continue d’en faire juste assez pour oser prétendre que l’on fait quelque chose. Visiblement, 30 ans, 20 ans ou 10 ans, sont trop pour y croire.

Un mois, c’est différent. On l’a vu le 15 mars de l’an passé, quand il est apparu que notre système médical allait au collapse avant la fin du mois. Chacun a pu alors s’imaginer être en train d’étouffer sans soins dans les couloirs d’un hôpital submergé. On ne l’a pas supporté. Avec le Conseil fédéral, on a accepté en applaudissant les mesures qui nous ont – momentanément – tirés d’affaire.

Est-ce la réponse à ma question ? Pour agir, la menace à l’échéance du mois est efficace ; à dix ans, elle est trop loin pour nous toucher.

 

Sur la Place fédérale à Berne, depuis 37 jours, Guillermo Fernandez est en grève de la faim parce qu’il veut sauver la vie de ses enfants. Il sait que, sans mesures fortes et rapides, celle-ci sera probablement invivable dans 10, 20 ou 30 ans. Le 27 août, peu après avoir pris sa décision, il expliquait l’action qui allait entreprendre dans une belle lettre qu’il nous adressait à tous. Il faut la lire.

https://sites.google.com/fernandez-guggisberg.name/terreur-climatique/en-bref.

Il demande simplement que les parlementaires fédéraux étudient sérieusement les données scientifiques qui prouvent l’étendue du drame et la nécessité d’une action urgente. Il n’arrêtera pas sa grève avant. Trente-sept jours, c’est déjà beaucoup. Quelques mois seront trop. Nos parlementaires sont au pied du mur et nous avec eux.

 

Dix ans, vingt ans ou trente ans, c’est trop loin. Mais, un papa qui meurt sur la Place fédérale en ces temps de Noël et Nouvel An fera peut-être comprendre que l’urgence est vraiment là. Il faut que nos parlementaires le réalisent. Il faut que nous sachions tous que son combat est le nôtre. Maintenant ! Retrouvons-nous samedi à 16:30 sur la Place fédérale, pour, avec lui, le faire savoir.

Engagé pour la vie et le climat.

Nous sommes presque tous engagés pour la vie et le climat. Nous trions nos déchets, nous éteignons la lumière en sortant des toilettes, bien d’autres choses encore.

Certains font plus. Ils se donnent vraiment de la peine pour diminuer leur empreinte écologique. Certains aussi essaient de convaincre autour d’eux qu’il faut s’engager plus fort. Par exemple, il y a Greta Thunberg avec la force de sa conviction. Elle n’est pas seule. Pour moi, ces gens sont des héroïnes et les héros de notre temps.

 

Depuis 21 jours, sur la Place Fédérale de Berne, Guillermo Fernandez fait la grève de la faim pour attirer l’attention de notre gouvernement et de nous tous que, « ça ne va pas comme ça »; il faut faire beaucoup plus, beaucoup plus vite.

Guillermo est un quarantenaire, informaticien cultivé et intéressé par le monde dans lequel il vit. Marié, papa de 3 adolescent.e.s, il a lu le rapport du GIEC publié le 8 août dernier, https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2021/08/IPCC_WGI-AR6-Press-Release_fr.pdf, dans lequel les meilleurs connaisseurs du climat et de son évolution font part, au nom de l’ensemble des nations du monde, que la situation climatique est catastrophique et que des mesures considérablement plus fortes que celles engagées jusqu’ici sont nécessaires pour sauver nos enfants et notre civilisation.

Alors, Guillermo a décidé de faire ce qu’il pouvait, et d’y mettre tous ses moyens ! Vous pouvez lire vous-même ce qu’il en dit : https://sites.google.com/fernandez-guggisberg.name/terreur-climatique,

Nous tous qui sommes un peu engagés pour la vie et le climat, engageons-nous aussi pour soutenir le combat qu’il mène pour nous, par exemple en participant à la veillée aux chandelles qui aura lieu samedi 27 novembre, à 16:30 sur la Place Fédérale à Berne.

 

Guillermo, tu es un héros, merci.

Énergie nucléaire, non merci !

Le directeur de l’AIEA (Agence Internationale de l’Energie Atomique) est un défenseur convaincu de l’énergie nucléaire. On peut le comprendre. On peut aussi lire sur ce blog plusieurs commentaires qui vont dans le même sens. Personnellement, je suis persuadé que l’énergie nucléaire est un non-sens. Vous le savez, je ne suis pas un expert, mais la situation me semble claire. Je vous propose les principaux arguments qui forment mon opinion. Vous jugerez ; peut-être commenterez-vous. Merci d’avance.

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COP26/2

Hier soir, nous avons longuement écouté – même si nous n’avons pas tenu jusqu’au bout – les déclarations finales des participants.

Impression générale :

  • des hommes fatigués qui louent leur bon travail et assurent hypocritement que les 1,5°C seront tenus.
  • des femmes combatives qui disent : « ça ne va pas ! »

En ajoutant à celles-là tous les jeunes qui disent la même chose et qui s’engagent pour gagner, je garde espoir.

COP26

Tout est dit depuis longtemps, mais à cause de la COP le monde va mettre les bouchées doubles.

Et moi, à part d’en parler, qu’est-ce que je fais ?

Et bien, je vais baisser un peu le chauffage et limiter plus strictement l’usage de la voiture; je vais, freiner davantage sur la viande (je n’ai pas résisté au civet de cerf du val d’Hérens que l’on m’a offert hier, merci, il était délicieux); je m’efforcerai d’être un consommateur plus responsable, etc.

Mais je vais surtout essayer de convaincre ceux qui font tourner la roue de la politique et de l’économie à s’engager plus vite et plus fort pour sauver la vie et le climat.

De telles personnes, il y en a toujours autour de nous. Pour les motiver, nous avons des moyens. Le droit de vote est essentiel. À un autre niveau, nous avons tous, quelque part, une relation personnelle avec un syndic, une parlementaire, un patron, gros ou petit ; mieux, nous avons tous quelques amies et des parents plus ou moins proches. Pour motiver l’action, y a-t-il un argument plus puissant qu’un enfant anxieux qui questionne: “Dis papa, qu’est-ce qu’on fait ?”

Oui, à cause de la COP26, je vais, davantage encore, essayer de convaincre qu’il est grand temps d’agir.

Prix Nobel de physiologie ou de médecine

On m’a souvent demandé : « Votre cryo-microscopie électronique, pratiquement, ça sert à quoi ? » Le plus souvent, je répondais: « Un peu de patience, vous verrez bientôt !»

Et on a vu ; avec le Covid-19 par exemple. En février 2020, la cryo-microscopie électronique a révélé la structure de la molécule attaquante (le spicule du virus) à peine quelques semaines après que les Chinois aient communiqué l’identité génétique du virus. Depuis lors, à chaque nouveau variant, la cryo-microscopie est en première ligne pour dire s’il faut s’en inquiéter sérieusement ou pas trop.

On aurait aussi pu le voir le 6 octobre de cette année lors de l’annonce du prix Nobel de physiologie si la presse romande avait fait remarquer que c’est par la cryo-microscopie électronique qu’Ardem Patapoutian et Davis Julius ont pu révéler comment fonctionne la sensibilité au goût et au toucher. Pour l’apprendre il fallait aller un peu plus loin. Ici, par exemple : https://www.nature.com/articles/d41586-019-03955-w

Eh oui, la cryo-microscopie électronique, ça peut servir. Par exemple pour obtenir un prix Nobel. Oserais-je parier qu’il y en aura d’autres ? Un peu de patience, vous verrez bientôt.

L’erreur du système judiciaire

Notre système judiciaire poursuit avec sévérité et acharnement des centaines de jeunes qui tentent de défendre la vie sur Terre et leur futur par des actions non violentes. Il leur est reproché de désobéir à l’ordre civil ; ils ont joué au tennis dans le hall d’une grande banque ; ils ont discuté avec les clients à l’entrée d’un grand magasin; ils s’asseyent parfois sur les voies de circulation ; pendant 5 mois, ils ont courageusement inventé une autre façon de vivre sur la précieuse colline du Mormont que dévore lentement la fabrique de ciment Holcim d’Eclépens ; surtout, ils n’obéissent pas toujours aux injonctions de la police.  Par contre, conduite par le Tribunal fédéral, la justice semble s’être unie sur le point de vue que la vie qui meurt et le climat en folie ne sont pas relevants dans toutes ces affaires. Elle estime qu’il n’y a pas d’urgence et que les accusés ne sont pas directement menacés. Sollicité moi-même par les jeunes pour témoigner de la gravité de la situation climatique, le juge a estimé que ma contribution était inutile. Cette situation me rappelle une anecdote vécue dans le cadre d’un jury de thèse de doctorat. Le travail était brillant et novateur, mais il fut momentanément refusé parce qu’un des experts avait relevé quelques fautes d’orthographe ; le sujet était probablement trop difficile pour lui.

Tant pis, l’indépendance de la justice est importante. C’est une valeur essentielle de notre démocratie.

 

Je pense toutefois que notre système judiciaire commet une lourde erreur.

 

Sur le fond, ces jeunes ont raison, terriblement raison. La crise climatique et la dégradation de la nature sont des menaces vitales pour eux. Elles le sont aussi pour la société tout entière, mais nous, les vieux, seront dehors avant que la catastrophe n’apparaisse dans toute son ampleur et, ceux qui, aujourd’hui, sont aux commandes, ceux qui font tourner la roue, sont bien trop occupés pour s’arrêter un moment et prendre la mesure de ce qui est en train de se passer.

Dans 5, 10 ou 20 ans, plus personne ne dira « il n’y a pas urgence », mais beaucoup de ces jeunes que la justice poursuit aujourd’hui seront aux commandes de notre système. Ils porteront en eux le détestable souvenir que la justice suisse, menée par son Tribunal fédéral, les a mis en prison alors qu’ils avaient raison.

C’est une bien mauvaise leçon de démocratie alors que l’on aimerait tellement qu’ils reprennent et défendent cette valeur fondamentale qui nous est chère.

Le fossé et le soleil

Un futur possible et joyeux

Le climat est en folie et la vie se meurt dans une extinction telle qu’il n’y en a pas eu depuis des dizaines de millions d’années. À laisser aller, notre civilisation court probablement à sa perte, entraînant avec elle les valeurs qui nous sont chères. Là-dessus, la plupart des gens sont d’accord et tout le monde comprend qu’il faut agir. Hélas, entre comprendre et agir, le fossé est terrible. La médiocre loi sur le CO2 a été rejetée ; le Conseil fédéral propose un contre-projet à l’Initiative des glaciers, confirmant ainsi l’exigence du zéro carbone pour 2050… avec une nuance toutefois; il souhaite ajouter les mots “si possible” ! Pendant ce temps la justice s’engage à remettre sur la voie de la discipline, les jeunes qui témoignent de leur conviction.

Il y a de quoi être désespéré. D’autant plus que l’ambiance est morose chez ceux qui s’inquiètent et essayent de concevoir quelques éléments de solutions. On parle de vacances aux îles auxquelles il faudra renoncer, d’aéroports plus silencieux, de décroissance, de chômage, de liberté bradée, de démocratie compromise. Par contre, on parle si peu de l’immense chance qu’offre la sortie de la crise vitale ; la chance de retrouver une relation saine à la nature et au monde global des humains. Bref, l’histoire nous offre, à tous, un joli boulot: construire un futur possible et joyeux.

La tâche est grande. Elle me dépasse largement, mais j’imagine quelques recettes qui pourraient donner le ton. Je vous en propose une, juste une. J’y reviendrai avec d’autres.

La très grande partie de l’énergie qui fait marcher notre civilisation provient du carbone fossile. On brûle en 100 ans ce que la nature avait accumulé dans les entrailles de la Terre durant des centaines de millions d’années. C’est pour cette raison que notre climat part en vrille. Pourtant nous nageons dans un bain d’énergie renouvelable surabondant et bon marché puisque, aujourd’hui, le vent et le soleil sont, en principe, les sources d’énergie les moins chères. On pourrait, par exemple…

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DCI, Dubochet Center for Imaging

Encore un cadeau. Le Grand Conseil a décidé à l’unanimité d’accorder un crédit de 4,3 millions pour loger le DCI (en français, le Centre Dubochet d’imagerie. De quoi s’agit-il ?

 

Pour fêter le prix Nobel qui m’avait été accordé en 2017, la région m’a gâté. L’Université de Lausanne a offert une place de parc à mon vélo. Le Conseil d’État a demandé au créatif sculpteur, François Junod, d’inventer une œuvre commémorative; elle trône dans notre salle à manger. L’UNIL, encore elle, me donne l’occasion et les moyens d’organiser une série de belles conférences. Aurélien Barrau fut le premier orateur avec une salve brillante pour la vie et le climat. Ensuite, le virus est survenu. D’accord avec l’UNIL et les conférenciers pressentis nous avons décidé de ne rien bâcler. Nous reprendrons la série quand les conditions permettront d’exprimer sans retenue l’Envie d’agir, https://www.unil.ch/dubochet/enviesdagir.

Et ce n’est toujours pas fini !  Le grand Conseil vaudois a récemment voté à l’unanimité un crédit de 4,3 millions destiné à construire une annexe au bâtiment Génopode de l’UNIL pour y abriter le DCI, de manière à ce que la Suisse romande redevienne ce qu’elle fut : leader mondial dans le développement et l’usage de la cryo-microscopie électronique (cryo-me).

 

La cryo-microscopie électronique (cryo-me).

Vous et moi sommes essentiellement faits d’eau. Le reste est ce qui y flotte ou y baigne. Or, la microscopie électronique qui, en principe, peut « voir » mille fois plus petit que la microscopie optique ne fonctionne que sous vide. Malheureusement, sous vide, l’eau s’évapore. Pendant 50 ans, les microscopistes électroniciens n’ont observé que des objets biologiques desséchés rappelant un aquarium sans eau. On a imaginé de surmonter cette difficulté en refroidissant les spécimens à une température où l’eau ne s’évapore pas. Malheureusement, l’eau très froide est de la glace et la matière biologique congelée est encore en plus mauvais état que la matière sèche. Ce fut notre grande chance – un peu sollicitée – que de découvrir, à la surprise de tous, qu’en refroidissant plus vite que les autres, il est possible d’immobiliser l’eau avant qu’elle ne cristallise. On appelle ce processus la vitrification. Trente-cinq ans, et beaucoup de travail plus tard – de nombreux groupes ont participé à l’effort – la découverte de la vitrification a débouché sur la cryo-microscopie électronique capable de déterminer la structure atomique d’à peu près n’importe quelle structure moléculaire mieux et plus vite que toute autre méthode existante.

Note d’actualité : la science va vite ; il se peut que l’intelligence artificielle – un mot à prendre avec des pincettes – soit en train de changer la donne. Nous en reparlerons.

 

Pourquoi la cryo-me est importante.

C’est l’arrangement des atomes qui détermine la fonction d’une structure biologique, par exemple celle de toutes les protéines inscrites dans le génome. Bien sûr, de la structure à la fonction il reste un grand pas avant que l’on comprenne « comment ça marche ». Il n’empêche que la structure atomique est la pierre angulaire sur laquelle cette connaissance peut se construire.

Par exemple, les spicules du virus SARS-CoV-2 s’attachent à un récepteur cellulaire pour initier l’attaque. On commence à bien connaître le mécanisme de serrure et de clé qui induit cette fonction. De temps en temps, le virus mute. Grâce à la cryo-me, il est possible de déterminer en quelques semaines en quoi la clé a changé de forme. Le plus souvent, la clé mutante est moins efficace. Quelquefois elle l’est davantage. Il est bon d’en avoir une bonne image. Aux gens des vaccins et des médicaments d’en faire bon usage.

Qu’il s’agisse de la fonction biologique normale, de cancer, de dégénération du système nerveux, ou de toutes maladies innées ou acquises, au départ, il s’agit toujours d’une fonction, désirable ou pathologique, dont la cause est un arrangement spécifique d’atomes. De ceux-ci, il en existe des dizaines de milliers qui demandent urgemment à être connus. Actuellement, les moyens manquent. Avec le DCI, la Suisse romande y apportera sa contribution, la meilleure.

 

DCI, de quoi s’agit-il ?

J’ai commencé ma retraite il y a 14 ans, après 20 ans à la direction du Département d’Analyse Ultrastructurale (DAU) de l’UNIL. Nous y avions poursuivi le développement de la cryo-me initiée dès les années 80 au Laboratoire européen de Biologie moléculaire à Heidelberg. Au moment où je quittais la recherche en 2007, il y avait, dans le monde, une bonne dizaine de laboratoires qui travaillaient à améliorer la cryo-me.  C’était le temps de la « blobologie » comme le disait avec humour ceux qui utilisaient les rayons X ou la résonnance magnétique nucléaire pour déterminer la structure des macromolécules de la biologie. Pour eux, la résolution atomique était le pain quotidien. Nous, cryo-microscopistes électroniciens, ne distinguions encore que des « blobs » plus ou moins flous à la surface des molécules. Pourtant ces images insuffisamment précises s’affinaient d’année en année et le but d’atteindre, une fois, la fameuse résolution atomique motivait un nombre croissant de laboratoires. À ma retraite, l’UNIL fit alors un autre choix. Elle ferma le DAU. Peu après, elle s’aperçut quand même que les chercheurs de la biologie ne pouvaient pas se passer d’un accès à la microscopie électronique, du moins dans sa forme traditionnelle. L’UNIL réinstalla donc une plate-forme destinée à rendre cette technique accessible aux biologistes de l’UNIL et de l’EPFL. Cette plate-forme est brillante. Elle fonctionne parfaitement.

2017, prix Nobel ! La cryo-me était finalement arrivée au point de pouvoir résoudre la structure atomique d’à peu près n’importe quelle macromolécule biologique mieux et plus vite que toute autre méthode. C’était une révolution. Nouria Hernandez, rectrice de l’UNIL, et Martin Vetterli, président de l’EPFL se dirent qu’il était bien dommage de ne conserver que le souvenir de leur fameux étudiant d’autrefois et professeur honoraire d’aujourd’hui. Ils décidèrent de créer le Dubochet Center for Imaging, DCI,

https://www.dci-lausanne.org/

qui fut bientôt élargi dans le cadre d’une collaboration étroite avec l’Université de Genève,

https://cryoem.unige.ch,
où j’avais reçu ma première initiation à la recherche à la fin des années 60.

La DCI aura deux entités, une à Lausanne (DCI Lausanne) sous la direction de Henning Stahlberg, et une à Genève (CryoGEnic ou DCI Genève, sous la direction de Robbie Loewith). Ces deux sites formeront un centre commun qui développera des méthodes pour faire progresser la cryomicroscopie électronique, et qui fournira à la région Swiss Lemanic une analyse structurale de pointe pour la recherche en sciences de la vie.

 

Pour réaliser ce but ambitieux, les trois institutions ne lésinèrent ni sur le travail ni sur les moyens. Ainsi, malgré le virus, le Centre est aujourd’hui quasiment opérationnel.

La rapidité avec laquelle le projet a été mis en œuvre est admirable. Elle est due au soutien extraordinaire de la direction de l’EPFL, de l’UNIL et de l’UNIGE ainsi qu’à l’efficacité du directeur du projet lausannois, le prof. Henning Stahlberg, un cryo-microscopiste qui dirigeait précédemment un centre réputé à Bâle. Henning est aussi bien connu à Lausanne ; il a fait sa thèse sous ma direction dans le cadre d’une collaboration entre le DAU et le laboratoire du prof. Horst Vogel à l’EPFL.

À Lausanne, le DCI est un gros projet. Il comprend six cryo-microscopes électroniques de la toute dernière génération ainsi que tous les équipements associés pour la préparation des spécimens et le traitement des données. Pour cela, il a fallu trouver des locaux. Les physiciens du Cubotron – le bâtiment de l’UNIL transféré à l’EPFL dans le cadre du grand réarrangement du début du siècle – ont accepté de céder un très grand local relativement peu utilisé. Nouvellement aménagé, il offre une solution provisoire à la mise en route du projet. Elle n’est pas optimale, tout y est serré. Surtout, les conditions électromagnétiques du lieu sont affectées par la ligne du métro M2 et du câble électrique principal reliant l’UNIL à l’EPFL. Il a fallu de subtiles contre-mesures pour en maîtriser les effets. Aujourd’hui, les premiers de ces microscopes sont fonctionnels, la recherche a commencé et le flot d’utilisateurs extérieur va débuter incessamment. Il reste pourtant urgent de trouver un autre emplacement qui soit à la hauteur des ambitions de la jeune équipe et de ses formidables instruments. Les 4,3 millions que le Grand Conseil vient d’allouer sont destinés à construire, dans les meilleurs délais, une annexe au bâtiment du Genopode dans lequel le DCI trouvera les conditions favorables dont il a besoin. Les plans sont prêts. Les travaux peuvent commencer. Le déménagement devrait se faire en 2023 en attendant que la solution optimale et définitive soit construite dans le nouveau bâtiment des sciences de la vie qui devrait être fonctionnel d’ici 2026.

Lecteur, tu peux sans doute comprendre et, peut-être un peu, partager, le bonheur et la fierté que je ressens en voyant ainsi unies les trois institutions qui m’ont fait et que j’aime. À Nouria Hernandez, Martin Vetterli, Yves Flückiger, et Henning Stahlberg, je dis ma très grande reconnaissance.