J’ai reçu hier un mail d’une des plus célèbres journalistes cinématographiques espagnoles, Nuria Vidal, signalant un nouvel ajout de texte dans son blog. Un barco en el blog. Un bateau dans le blog. Ce titre étrange m’a intrigué et je suis allé lire son texte. Où apparaît une étrange photo et un texte non moins étrange.
Sur l’image, une sorte de mauvais polaroïd, on voit, côte à côte, Nuria Vidal à côté de sa collègue non moins célèbre, Beatrice Sartori, une vieille amie que j’avais, ces derniers temps, un peu perdue de vue. En lisant le post, je comprends que lors de la cérémonie d’attribution des Goyas (les Césars espagnols), il y a une semaine, cette photo a été montrée à l’écran pour illustrer la rubrique «Nos chers disparus». Nuria Vidal s’est mise à recevoir, à la minute suivante, mails et coups de fils pour vérifier qu’elle était toujours en vie. C’était comme un mauvais film, une erreur macabre lourde de conséquence de la part des organisateurs des Goyas – qui se sont d’ailleurs excusés par la suite. Mais c’est aussi comme ça que j’ai appris, moi, que l’autre femme sur la photo était, quant à elle, vraiment décédée…
Beatrice Sartori est morte en juin dernier, subitement, d’une attaque cérébrale, à l’âge de 57 ans. Elle était, avec Nuria, l’une des journalistes espagnoles les plus connues au niveau international. Licenciée en Sciences politiques, ancienne collaboratrice de El País et de Telemadrid, Beatrice fut l’une des première journalistes de cinéma du pays à voyager dans le monde entier pour suivre festivals et premières – elle adorait notamment venir au Festival de Locarno. Petit à petit, elle était devenue LA spécialiste des interviews de stars, familière de Roman Polanski, Brad Pitt, David Lynch, George Clooney ou Harrison Ford. On raconte que lors de son premier rendez-vous avec l’acteur d’Indiana Jones, elle l’avait abordé en lui disant : «Moi je m’appelle Beatrice Sartori. Et vous ?…».
Pleine d’humour, pleine de vie, mère de Daniel qu'elle adorait, Beatrice Sartori travaillait pour le quotidien El Mundo. Jusqu’au jour où, réduction de personnel oblige, elle fut remerciée et se replia (entre autre) sur la presse électronique qui est aujourd’hui, en Espagne, la plus développée au niveau de la culture. La crise est aussi passée par la critique de cinéma. Elle vivait en Hollande depuis quelques années, mais écrivait toujours pour de grands magazines (El Cultural, Vogue, Fotogramas, etc.) et voyageait toujours à la rencontre des grands acteurs et cinéastes hollywoodiens.
Bref. Je n’avais pas su que Beatrice nous avait quittés. Je comprends mieux pourquoi, cette année, je n’avais pas reçu sa carte de vœux. Je remercie Nuria – et les Goyas – de me l’avoir fait savoir, par des voies détournées. Et je dis adieu à celle qui fut une amie du cinéma – et une amie tout court.