J’ai vu l’autre soir The Wolf of Wall Street (Le loup de Wall Street), dernier opus du (grand) réalisateur italo-américain Martin Scorsese. Bardé d’échos négatifs (mis à part celui du critique de l’Hebdo, entre autres), je m’attendais au pire.
Et je suis ressorti des 2h45 de projection ébloui par ce film qui, encore une fois, raconte l’Amérique – le rêve américain – tel qu’il est devenu. A travers le récit autobiographique de Jordan Belfort, véritable trader des années dorées du boursicotage américain condamné par la justice en 1998 à 22 mois de prison, Scorsese démonte avec brio la mécanique terrifiante d’un monde qui ne rêve que d’argent, de sexe et de drogue. Même si ce héros de la finance termine déchu, emprisonné, il se recycle en consultant et continue de vendre ses conseils dorés à une foule émerveillée, aspirée par le rêve de l’argent. Certes, par son habilité dans la mise en scène qui parcourt avec une fluidité inouïe plusieurs années la vie de son personnage, Scorsese semble glorifier ce héros de la nouvelle Amérique, prêt à tout pour quelques millions de plus.
Certes, de nombreux spectateurs ont pris et prendront au premier degré la vie et l’œuvre du trader génial, assoiffé d’argent, de drogues diverses et de sexe. Mais en réalité Scorsese ne fait que démonter un système de société où la violence des couteaux (qu’il a raconté notamment dans Gangs of New York) ou des flingues (tous ses films sur la Mafia comme Mean Streets, Goodfellas, Casino, ou encore Taxi Driver) a été remplacée par la violence de l’argent virtuel, de la vente du vent, qui nous portera, plus tard, à la crise que nous connaissons aujourd’hui.
En filigrane du destin de Jordan Belfort – incarné avec classe par Leonardi Di Caprio -, c’est au fond l’effondrement des subprime et l’effet boule de neige qu’il a entraîné au niveau mondial qui se dessine. Bref: si on veut comprendre l’Amérique d’aujourd’hui (et, par là-même, un peu de l’Occident contemporain), il faut voir et goûter, avec délice et horreur, l’irrésistible ascension (et la chute) de ce formidable Loup de Wall Street.