S’il y a une image qui restera à jamais de Peter O’Toole c’est bien ce visage fin, hâlé, transpercé d’yeux bleus et cerné d’un keffieh. L’image de Lawrence d’Arabie, son incarnation inoubliable de T. E. Lawrence dans le film de David Lean, en 1962.
Quand il obtient ce rôle (en lieu et place de Marlon Brando qui avait refusé), Peter O’ Toole a 30 ans et derrière lui, déjà, une grande carrière d’acteur à la Royal Shakespeare Company, ce véritable vivier de comédiens d’exception formé à la rude, et parfaite école du théâtre britannique. Irlandais, originaire du Connemara, l’élégant et fin Peter O’ Toole fut semble-t-il un grand buveur qui aurait traversé l'Orénoque à la nage en smoking complètement saoul et fait du cheval sous la pluie en pyjama avec le grand cinéaste John Huston – pour lequel il sera un messager dans son adaptation de La Bible.
C’est sans doute une des raisons qui font que sa carrière de cinéma est étrange, comme s’il n’avait jamais réussi à égaler ce sommet qu’était Lawrence. Après des années 60 assez fastes (Lord Jim de Conrad pour Richard Brooks, What’s new Pussycat de Clive Donner, Comment voler un million de dollars de William Wyler, Casino Royale de Huston encore, La nuit des généraux de Anatole Litvak) Goodbye M. Chips de Herbert Ross…), les années 70 marquent plutôt un déclin dans la qualité des rôles… Sa grâce et sa finesse l’ont naturellement poussé régulièrement vers des rôles d’officiers, des Lords anglais ou des tribuns romains, ce qu’il réussissait avec grâce et perfection.
Et même s’il a un peu trop souvent accompagné des navets aussi navrants que Supergirl de Jeannot Zwarc, il a néanmoins travaillé avec les plus grands, y compris Bernardo Bertolucci pour lequel il a magistralement interprété Reginald Johnston, le précepteur écossais (!) du Dernier empereur en 1987. Bref: on regrettera la disparition d’un vrai prince du cinéma et on se souviendra sans doute toujours de celui qui, disait-il, était le seul acteur au monde capable de tenir en selle sur un chameau au galop. Un mythe, je vous dis!