On l’a appris dans le Matin de dimanche : Freddy Buache cesse ses chroniques dans le journal, après 54 ans de bons et loyaux services. Il avait d’abord écrit sur le cinéma à la Nouvelle revue de Lausanne, l’organe du parti radical, pendant une dizaine d’années, avant de répondre positivement à la demande de Marc Lamunière qui lui proposait de monter à bord de La Tribune de Lausanne, ancêtre du Matin. Depuis 1959, il a écrit chaque semaine et plus, dans une page entière, affirmant cette voix profondément critique qu’on pouvait apprécier comme pas, mais qui ne laissait personne indifférent. Pendant longtemps, la plume de Freddy Buache traçait une ligne radicale de défense du cinéma d’auteur et de la liberté d’expression.
Car Buache s’est aussi insurgé contre les censeurs de tout poil, élevant volontiers la voix quand la Télévision romande l’invitait sur le plateau. Au fil de ses articles, Freddy Buache a défini en quelque sorte un cercle d’artistes remarquables alors décriés mais par la suite plus que reconnus (au hasard, Angelopoulos, Antonioni, Bergman, Buñuel, Forman, Godard, Huston, Oliveira, Pialat, Sokourov, Schmid, Soutter, Stroheim, Straub et Huillet).
Aujourd’hui, une voix critique comme la sienne est engloutie dans l’hypermédiatisation des événements, des «people» et du cinéma à gros budgets. Dans les journaux et les médias dominants, James Bond, Thor ou le Hobbit prennent toute la place, selon l’adage «ce qui vend fait vendre». Et la petite voix qui met en avant le dernier film de Manoel de Oliveira reste submergée par ce flux de cinéma industriel.
C’est probablement l’une des raisons qui font que Freddy Buache laisse tomber la plume. C’est dommage. Il continue néanmoins à donner des cours à la Cinémathèque suisse, à y présenter des films avec l'enthousiasme que l'on sait, et à écrire des livres. Espérons surtout que sa longévité et son obstination fassent des émules – notamment dans la galaxie des blogs qui s’affirme, souvent, comme le dernier espace de contre-culture.