Une panne de carte réseau dans mon ordinateur m’a empêché de nourrir régulièrement mon blog depuis le 66° Festival du Film de Locarno. J’en suis, cher lecteur, profondément désolé. Car il y avait beaucoup à dire – et beaucoup à voir, cette année, sur les rives du Verbano. La première sélection du Valdôtain Carlo Chatrian s’est avérée cohérente, intelligente, curieuse, enthousiasmante.
Je ne regrette qu’une chose : que les polémiques extra-cinématographiques aient occulté, souvent, un vrai débat sur les films présentés. On a plus parlé (ou écrit) de la présence ou non de Blocher sur la Piazza Grande et du coup de gueule de Yves Yersin (qui n’a reçu qu’une mention de la part du Jury officiel…) que des films qu’ils représentent. Au point que le Léopard d’Or décerné (cou)rageusement par le Jury au film d’Albert Serra Historia de la meva mort n’a pas reçu la célébration méritée.
Au Tessin et en Italie, la polémique fait rage autour de la présence d’un ex-leader des Brigades rouges venu accompagner le film de Pippo Delbono, Sangue, où il apparaît. Rares sont ceux qui ont vu le film et le commentent. Ce n’est que le fait «politique» de la présence d’un ancien terroriste qui fait discuter.
Pour revenir aux films, je ne peux que féliciter le nouveau directeur Carlo Chatrian pour la variété et la qualité de ses choix. Sa compétition, extrêmement courageuse, confrontait à la fois le cinéma rohmérien du Coréen Hong Sang-Soo (U Ri Sunhi, Prix de la mise en scène) à l’intimité du journal de maladie de Joaquim Pinto (E Agora ? Lembra-me, Léopard d’Argent), le documentaire classique de Yves Yersin (Tableau noir) au radicalisme dandy du Catalan Albert Serra.
La programmation de la Piazza Grande est certainement la plus difficile à mettre en place. Il faut trouver un bon équilibre entre les goûts du grand public et le cinéma d’auteur plus exigeant… Là aussi, le nouveau directeur a su pêcher dans l’offre mondiale à la fois du grand spectacle intelligent (2 Guns de Baltasar Kormákur) et des œuvres qui font plaisir aux foules (crowd pleaser) comme on dit dans le jargon professionnel, comme le Gabrielle de la Québécoise Louise Archambault – film qui a d’ailleurs remporté le prix du public.
Comme souvent, c’est aussi dans les marges que se construisent les festivals, et il y avait du côté des sections parallèles d’innombrables perles qu’il valait absolument la peine de découvrir. Je pense notamment à la nouvelle section Histoire(s) du cinéma, véritable bazar de découvertes, et une programmation de courts métrages hors compétition où l’on croisait les nouveaux films de Joao Pedro Rodrigues ou Jean-Marie Straub.
Bref : Carlo Chatrian a réussi son examen d’entrée dans le monde très fermé des directeurs de festivals. Et on se réjouit déjà de ce qu’il nous réserve pour l’année prochaine.
Je vous rappelle enfin (petite séquence autopromotion) que Locarno joue les prolongations à la Cinémathèque suisse à Lausanne (et au cinémas du Grütli à Genève) avec la rétrospective Georges Cukor. Et que vous pourrez découvrir en avant-première au Capitole quelques-uns des films qui ont fait l’actualité à Locarno, à savoir Les grandes ondes de Lionel Baier, Tableau noir de Yves Yersin, L’expérience Blocher de Jean-Stéphane Bron et le Chilien Gloria de Sebastian Lelio qui a été projeté sur la Piazza.
A bientôt, donc !
Et comme on dit du côté du Tessin, Arrivederci a Locarno.