On regarde souvent la fin d’une carrière politique comme un passage difficile, voire comme un pensum. Or, quelques mois après mon abandon de la politique active, je change de vie avec bonheur. Je découvre un processus fait de solidarité, de rencontres, de persévérance qui est alimentée par des encouragements venant de tous les horizons, ô combien vivifiant et interactif. Je partage avec vous mes expériences de ces derniers 18 mois.
Ma carrière professionnelle et politique est bien remplie. Municipale à Nyon pendant 15 années, députée au Grand Conseil vaudois de 2002 à 2018, j’ai beaucoup fait pour la vie publique. Une option, à 55 ans passés, aurait pu être de me trouver un poste fixe et « sûr », de continuer certains de mes mandats bénévoles, et surtout de bénéficier de temps pour lire, voir du monde, marcher et découvrir de nouvelles réalités culturelles, sociales et environnementales de ci de là. Or, j’ai fait un autre choix… pour mon plus grand bien. Voici mon histoire.
Les signaux précurseurs
D’abord, mon entourage proche, l’une de mes filles en particulier, m’a dit très clairement il y a 2 ou 3 ans, que j’avais fait mon temps en politique. Si ce message a été a priori dur à entendre, il a fait son chemin dans ma tête : « si elle me dit cela… d’autres qu’elle, doivent le penser ».
Par ailleurs, la politique de mon parti – le parti socialiste -, fort justifiée à mon avis, est, sauf exception, de renouveler son personnel politique régulièrement ; le PS avait par ailleurs d’excellents potentiels candidates et candidats pour me succéder à Nyon.
Sortir de mon mandat avant de faire la législature de trop était ma réflexion en filigrane. Si la politique me passionne toujours, il y a d’autres façons de la vivre que dans le gouvernement d’une ville.
La crise du COVID m’a aussi fait le « cadeau » d’une vie moins frénétique, avec des soirées et des weekends libres, ce que je n’avais pas connu depuis plus de 15 ans. J’ai énormément apprécié cette baisse de régime et ce temps pour moi-même, propice à la réflexion.
L’éternel recommencement
Je constatais aussi ma fatigue à faire face à la continue redécouverte de sujets déjà traités, par les « nouveaux » et « nouvelles » en politique. Sans aucun doute, j’ai aussi débuté et ai cru pouvoir changer le monde à moi seule… Ceci dit, les questions environnementales, d’égalité femmes-hommes, de justice sociale et économique, ainsi que de gouvernance efficace, ont fait l’objet de multiples avancées concrètes et réflexions bien avant les grands mouvements de 2018, 2019 ou 2020 ! Expliquer et réexpliquer que les processus pour tel ou tel projet ou progrès sont déjà mis en place, que la démocratie a ses temps, que la politique n’est pas qu’une question de paroles, mais surtout d’actes, qu’il faut convaincre largement pour avancer vraiment… était devenu trop répétitif pour moi. Sûre de mes valeurs et accomplissements, je voulais plus de concret.
Des peurs à vaincre
Une fois posés ces éléments qui me poussaient à passer à autre chose dans ma vie, je n’arrivais pourtant pas à passer le cap de la décision. Deux peurs principales me bloquaient. D’abord, celle de ne pas retrouver une variété de rencontres, de défis, de sujets, bref, de passion, comme en politique. L’autre crainte était simplement matérielle. A mon âge, il ne s’agit pas seulement de gagner sa vie, mais aussi de faire en sorte d’avoir une rente de retraite correcte. Le saut dans l’indépendance n’était pas rassurant à ces deux égards.
Grâce à l’excellence des conseils reçus de mon entourage, j’ai pu dépasser mes craintes, et clarifié mes envies, pris conscience de mes forces, et de mes potentiels…
Au global, j’ai retenu qu‘il faut penser positif, haut et large, être sûre de ses compétences et de ses connaissances… Tout suivra ensuite : le rayonnement est, de fait, attractif.
Vaste solidarité humaine et féminine
J’ai pris contact avec des personnes que je ne connaissais pas, inspirantes pour moi, dans des domaines très différents. J’ai constaté avec stupéfaction que l’accueil qui m’était réservé était toujours bienveillant, généreux. Ces rencontres ont été de fait une source de grande motivation à entreprendre ; les femmes rencontrées, notamment, étaient toutes plus brillantes et désireuses d’échanger les unes que les autres. Des institutions, des associations (notamment le Cercle suisse des administratrices) ont aussi été des formatrices utiles de par leurs séminaires, évaluations, etc.
Bref, ces contacts ont été d’une richesse exceptionnelle, et bien sûr ont élargi mon réseau de connaissances. Last but not least, cette démarche m’a fait reprendre confiance dans l’être humain et notre société et sa capacité de partager : cela n’est pas rien en cette période troublée.
Une véritable mue
Ces rencontres, deux ou trois en particulier, m’ont permis de faire ces deux constats : « oui, il y a autant de variété de rencontres et de projets, de passion, en-dehors de la politique qu’en dedans » ; et « autant me faire plaisir et être efficace durant mes dernières années de vie active, plutôt que perdurer dans les schémas politiques plus lents, et en retard sur notre société qui change ».
Une fois prise ma décision de devenir indépendante, il a fallu la mettre en œuvre. Le premier pas était d’annoncer officiellement mon arrêt de la politique, ce que j’ai fait auprès de mon parti bien sûr, de la municipalité, puis par média interposé. J’ai aussi dû passer le cap d’un coup de blues, apparu lors des élections municipales, les premières auxquelles je ne participais pas depuis longtemps : là, je me suis rendu compte que les choses allaient vraiment changer pour moi.
Ensuite, après cette temporaire baisse de moral, il m’a fallu entamer une véritable mue : se défaire du discours politique en vue d’être élue pour passer à un discours plus professionnel, en vue d’être engagée, ou sollicitée pour des mandats !
Liberté, indépendance, changement personnels… aussi et surtout grâce aux autres
Après un passage de témoin entre fin juin et début juillet à mes successeurs à la Municipalité – celui-ci sans trop d’émotions, vogue mon navire.
Premier constat : j’ai un fort sentiment de légèreté, de liberté ; je me sens retrouver une vie, « ma » vie. De par mes divers contacts, j’ai rejoint un nouveau Conseil d’administration, celui de la société Transitec, optimiseurs de mobilité, actifs aussi bien en Suisse qu’en Europe et en Afrique. J’ai été aussi cooptée au sein du Conseil de la fondation Esp‘ Asse, propriétaire d’une friche urbaine à Nyon à revaloriser, et où il y a possibilité, et volonté, de faire un lieu de mixité sociale, culturelle et économique exemplaire. C’est très excitant de participer à une société et à un projet qui ont de telles belles dynamique et perspectives.
En sus de mes mandats existants (Banque Cantonale Vaudoise dans les finances, RTSR dans les médias et Innovaud (soutien à l’innovation et à la promotion économique vaudoise), dans des domaines eux aussi touchés massivement par la digitalisation, j’ai donc complété mon panel de sociétés en mouvement. Ce panel va encore se développer, au fil des rencontres et des opportunités, j’en suis convaincue. Car c’est aussi grâce aux autres que l’on réussit ses changements de vie et ses propres révolutions.
Mon blog va donc se transformer d’un regard « politique » sur l’actualité à un « autre » regard sur l’actualité. J’ai la chance de pouvoir appréhender notre monde en transition sous des angles variés et complémentaires, en étant à bord de sociétés, entreprises, institutions ou fondations qui vivent elles-mêmes, et sont actrices, de cette transition.
Je me réjouis de partager cela avec vous dès à présent.
Ainsi parlait Zarathoustra😉