La fermeture stimule-t-elle les naturalisations ?

En interprétant de manière un peu approximative mes propos dans un récent intreview à la RTS, plusieurs médias ont titré catégoriquement sur le lien entre les initiatives de l'UDC et un accroissement des naturalisations en Suisse. Les chiffres des naturalisation 2015 ne sont pas encore disponibles mais, si une croissance se confirme, elle pourrait en effet être attribuée en partie à une désécurisation d'une partie de la population étrangère. Pour les détenteurs d'un permis de séjour, la possible résiliaton des accords de libre-circulation avec l'UE suite au 9 février 2014 équivaudrait en effet à la perte de certains droits comme celui de revenir en Suisse après un séjour à l'étranger. De manière générale le statut de séjour des ressortissants de l'UE serait fragilisé. Devenir suisse permettrait de s'en prémunir.

L'expérience historique des années septante semble bien aller dans ce sens même si des études historiques approfondies restent nécessaires: les initiatives Schwarzenbach auraient désécurisés certains étrangers et les auraient poussés à devenir suisses avec pour conséquence une croissance des naturalisations au début des années septante (cf. graphique).

D'autres hypothèses peuvent cependant expliquer un éventuel accroissement des naturalisation dont en premier lieu la future suppression de la naturalisation pour les non-détenteurs d'un permis C. Ce durcissement peut aussi être attribué en partie à l'UDC. Une autre hypothèse tient à la situation sur le marché du travail et là l'UDC n'y est pour rien: se sentant menacés par une dégradation économique dans leur secteur, certains étrangers craignant de perdre leur emploi peuvent opter, par sécurité, pour la nationalité suisse.

Enfin la composition par nationalité de la population étrangère joue un grand rôle pour expliquer les naturalisations. Ainsi, si un groupe important de personnes provenant de pays politiquement instables atteint 12 ans de séjour, on observe en général un accroissement des naturalisations car le passeport suisse leur ouvre tout une série de possibilités. A l'inverse, les ressortissants de pays stables dont le passeport permet de voyage aisément ont moins tendance à demander la nationalité. Une fois de plus les explications monocausales prisées par les médias doivent être complexifiées. 

 

Etienne Piguet

Professeur de géographie à l’Université de Neuchâtel et Vice-président de la Commission fédérale des migrations, Etienne Piguet s'exprime à titre personnel sur ce blog.