Répartition intercantonale des Ukrainiens

Un effort extraordinaire a été fourni ces dernières semaines par le Secrétariat d’Etat aux migrations, les cantons et la société civile pour accueillir plus de 30’000 victimes de la guerre en Ukraine. La comparaison des chiffres entre les pays d’Europe montre que la Suisse est à la hauteur de ses ambitions humanitaires et l’un des premiers pays d’accueil [non-limitrophe de l’Ukraine] en proportion de sa population.

Afin de répartir la responsabilité de l’asile, la Confédération a recours depuis des décennies a une clé de répartition des demandeurs d’asile et réfugiés proportionnelle à la population des cantons. Une répartition qui est aussi pratiquée p.ex. par l’Allemagne entre les Bundesländer. La rapidité des arrivées de ces dernières semaines et le fait qu’une partie des Ukrainiens aient été hébergés dans des familles d’accueil ou chez des proches n’a pas permis de respecter cette clé de répartition. Le Tessin ainsi que les cantons urbains ont accueilli des effectifs disproportionnés de personnes, ce qui suscite des charges accrues et des défis pour le logement, les systèmes scolaires et de santé.

Cette situation suscite immanquablement des tensions et des cantons ont souhaité une application plus stricte de la répartition. La Confédération vient d’y répondre. Il sera désormais plus difficile pour une personne de choisir son canton, même en cas de présence d’amis ou de membres de la famille élargie : « Même les personnes qui, lors de leur enregistrement, indiquent qu’elles disposent déjà d’un logement privé doivent en principe à nouveau être attribuées aux cantons en respectant la clé de répartition ». Seules les personnes les plus vulnérables (orphelins, personnes handicapées, etc.) qui arrivent en groupe pourront rester ensemble, les autres groupes pouvant être séparés.

Les difficultés de la situation actuelles rendent les inquiétudes des cantons légitimes et ces mesures compréhensibles. Nous voudrions cependant lancer un appel à la prudence et à la flexibilité dans leur application. Ceci pour trois raisons issues des expériences du passé sur l’accueil des réfugiés et leur répartition.

  1. Ne pas compromettre l’auto-organisation. Permettre aux personnes en fuite de se rendre là où elles ont des attaches peut grandement favoriser l’intégration et en réduire les coûts. Même si elle passe souvent inaperçue une part significative de l’appui aux exilés se déroule via des réseaux informels qui risquent d’être brisés par une répartition géographique forcée.
  2. Favoriser l’insertion économique. Les possibilités d’insertion sur le marché du travail varient grandement selon cantons et régions. On peut faire l’hypothèse que les villes sont plus propices à l’insertion pour une majorité, mais aussi que certaines personnes ont des compétences spécifiques – linguistiques entre autre – qui seront mieux valorisées dans certains cantons que dans d’autres.
  3. Ne pas ajouter des souffrances à la fuite. D’un point de vue humain, la présence d’un réseau social contribue grandement à rendre l’exil supportable. Ainsi les membres d’un même village, à fortiori d’une même famille élargie, vivraient comme un traumatisme supplémentaire une séparation forcée à l’arrivée.

Que doit dès lors répondre la Confédération aux cantons qui estiment supporter une charge d’accueil disproportionnée ? C’est là que d’autres formes d’équilibrage sont nécessaires. Des moyens financiers conséquents doivent en particulier être garantis aux cantons accueillant une plus grande proportion de personnes. Des appuis en personnels devraient aussi être prévus au besoin, de même que d’éventuels transferts de ressources des cantons épargnés vers les cantons en première ligne. L’habitude de la péréquation financière et du fédéralisme mettent la Suisse en bonne position pour imaginer de telles solutions pragmatiques. Les cantons auront sûrement la sagesse de le comprendre, d’autant plus que si l’accueil d’exilés est une charge dans un premier temps, il est souvent bénéfique à plus long terme.

Générosité coupable ?

L’argument selon lequel l’ouverture aux victimes de la guerre en Ukraine serait révélatrice d’une fermeture raciste vis-à-vis des réfugiés syriens, afghans ou yéménites a connu une large diffusion ces derniers jours.

Certains de ses propagateurs sont pleins de bonnes intentions. Ils souhaitent pousser l’Europe à plus de générosité et prennent au pied de la lettre l’universalité des droits humains. L’argument mérite cependant d’être considéré avec prudence et nuancé pour plusieurs raisons.

La première est que certains pays d’Europe ont connu dans le passé des élans d’ouverture à des populations très diverses. Les Kosovars en 1999, face à ce que le HCR décrivit comme le plus grand exode depuis la seconde guerre mondiale, quand l’OTAN établit un pont aérien d’évacuation. Les Syriens, en été 2015, quand les frontières furent ouvertes, en particulier vers l’Allemagne et la Suède.

Il est vrai qu’ensuite, des accords discutables – en particulier avec la Turquie – refermèrent les voies d’accès. Mais les permis octroyés à l’époque à des centaines de milliers de réfugiés furent souvent définitifs, contrairement aux admissions temporaires offertes aujourd’hui aux Ukrainiens[1].

La deuxième nuance tient à la géographie. Même si Alep et Damas ne sont pas si loin de l’Europe, de nombreux autres pays d’accueil potentiels – Jordanie, Liban, Syrie – sont bien plus proches et l’assistance d’urgence a pu s’y concentrer. L’Ukraine, au contraire, ne jouxte, à l’exception de la Moldavie et des pays « ennemis », que l’Union européenne. Un accueil ailleurs n’est pas envisageable.

La troisième nuance tient au déroulement temporel des événements. La crise ukrainienne a, certes, débuté de longue date dans l’Est du pays, mais l’entrée des chars russes sur le territoire, le 24 février, a déclenché un exode d’une soudaineté sans commune mesure avec des crises, tout aussi meurtrières voir plus terribles encore au Moyen-Orient, mais étalées sur des années. Nul ne sait comment les Ukrainiens seront accueillis dans un an si la situation s’enlise.

Une quatrième nuance tient au profil des populations en fuite, marqué jusqu’ici par une majorité de femmes et d’enfants. L’expérience hongroise de 1956 montre déjà, en Suisse, combien ce profil des victimes a été important. A cette époque, l’arrivée subséquente d’hommes jeunes avait suscité des réactions de rejet et en 1957 les portes s’étaient refermées..

Les quelques arguments qui précèdent n’invalident pas l’idée d’une solidarité plus facile vis-à-vis de populations jugées “culturellement proches”. Les analystes de la crise de 2015-2016, dont l’historien Leo Lucassen[2], ont bien montré que la peur de l’Islam a joué un rôle dans la fermeture des frontières européennes. Mais il montre aussi qu’il faut distinguer soigneusement le poids respectif des couches d’explications qui se superposent. Dans l’accueil des Ukrainiens, les dimensions culturelles et raciales ne sont pas centrales. La proximité géographique de la solidarité reste quand à elle un invariant de l’histoire. La Convention de 1951 sur les réfugiés prévoyait explicitement à l’origine de ne s’appliquer qu’à l’Europe, tout comme la Convention de 1969 de l’Organisation de l’Unité Africaine se destine dans son préambule à l’Afrique et la Déclaration de Carthagène de 1984 à l’Amérique latine.

On peut rêver qu’un jour, la compassion et l’accueil s’affranchiront des distances, mais il faut veiller à ne pas dénigrer la solidarité du proche au nom d’un idéal lointain.

 

 

[1] L’Allemagne a octroyé le statut de réfugiés à 350’000 Syriens. À l’échelle européenne, le taux de protection (part des personnes bénéficiant d’un droit de séjour 2015-2020) s’est établi à 85 %, avec des écarts considérables entre les pays.

[2] Lucassen, L. 2017. Peeling an onion: the “refugee crisis” from a historical perspective. Ethnic and Racial Studies 41 (3):383-410.

Crise en Ukraine et perspectives migratoires

La situation en Ukraine est totalement incertaine, mais un scénario de fuite importante de réfugiés est envisageable. Le chiffre de plusieurs millions a été évoqué par l’ambassadrice américaine à l’ONU. Aucune méthode ne permet de faire des pronostics, mais l’Ukraine est un grand pays (44 mio. d’habitants[1]) situé à proximité (la distance Lviv – Buchs est de 1300 kil. env.). Depuis 2017, les Ukrainiens sont exemptés de l’obligation de visa pour des séjours dans l’espace Schengen[2]. En cas de demande d’asile, ce sont les accords de Dublin qui s’appliquent : le pays d’arrivée est compétent[3].

En cas de poursuite de la situation de guerre ce sont principalement les pays limitrophes (Moldavie, Roumanie, Hongrie, Slovaquie, Pologne) qui recevraient en premier lieu des réfugiés. Tous sont de l’UE, sauf la Moldavie[4].

Durant une durée de 3 mois, le séjour des personnes pourrait être considéré comme légal. Dans un second temps, les modalités d’accueil seraient soit les procédures d’asile individuelles soit une protection collective. Dans l’UE la Protection temporaire (Conseil UE du 20 juillet 2001), jamais activée jusqu’ici[5]. Ce dispositif exceptionnel et temporaire (1 an prolongeable à 2 ans au maximum) doit être autorisé par une décision du Conseil de l’Union européenne. Le Conseil peut y mettre fin si la situation dans le pays d’origine permet un retour des personnes déplacées. Le Fonds ‘‘asile, migration et intégration’[6] permet d’assister ces personnes et l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (FRONTEX) pourrait soutenir les pays pour l’enregistrement et l’accueil des personnes. Il est prévu que « les États membres accueillent, dans un esprit de solidarité communautaire, les personnes pouvant bénéficier de la protection temporaire. Ils indiquent, de façon chiffrée ou en termes généraux, leurs capacités d’accueil. ». Il n’y a – malgré de nombreux appels en ce sens – pas encore actuellement de clé de répartition pré-établie décidée par l’UE. Des instruments permettant de calculer une répartition équitable en fonction de la population, de la richesse et de la conjoncture économique ont été proposés. Ici celui que j’ai développé avec le NCCCR on-the-move.

La Suisse dispose d’un permis collectif comparable à celui de l’UE avec la Protection provisoire (permis S / Art. 66 à 79a de la loi sur l’asile (LAsi)2). Il vise à protéger « des personnes aussi longtemps qu’elles sont exposées à un danger général grave, notamment pendant une guerre ou une guerre civile ou lors de situations de violence généralisée ». Ce permis est octroyé collectivement sans procédure d’asile. Il permet le regroupement familial immédiat sous certaines conditions. Si la personne ne peut rentrer dans un délai de 5 ans un permis B est délivré qui peut être transformé en permis C après 10 ans.

Les pays de l’UE disposent par ailleurs à des titres divers de plan d’accueil pour des arrivées importantes de réfugiés. Plusieurs pays limitrophes ont déjà fait état de capacités substantielles d’accueil. La Suisse dispose de son côté depuis 2012 d’un plan d’urgence pour faire face à un afflux éventuel de réfugiés.

Sur la base de ce qui précède on peut considérer que l’Europe est relativement bien préparée à un accueil important et souhaiter que la Suisse s’associe aux mesures pouvant être décidées par l’UE. La protection collective temporaire, en Suisse le permis S, semble la mieux adaptée à la crise actuelle. Enoncer des chiffres à cet égard n’a que peu de sens et pourrait donner l’impression de mettre en place des quotas injustifiables: toute personne ayant besoin d’une protection devrait pouvoir l’obtenir, quitte à ce que le séjour s’avère de courte durée. Ce fut le cas lors de l’intervention de l’OTAN en ex-Yougoslavie de 1999 durant laquelle de nombreuses personnes furent hébergées en Suisse dans des abris de protection civile. La Suisse sut faire preuve de générosité durant cette phase aigüe d’une crise qui s’avéra heureusement de courte durée.

Interview sur le thème dans Forum du 25.02

 

[1] 144 mio. dans la Fédération de Russie.

[2] En principe passeport biométrique + vaccination COVID pour la Suisse.

[3] Nb. même si il s’agit d’une arrivée légale [dispense de visa].

[4] Accord d’association entre la Moldavie et l’Union européenne de 2014 – politiquement contesté par les partis pro-russe. Nb. La Roumanie applique Dublin mais n’est pas dans Schengen.

[5] Les personnes concernées sont les étrangers non-européens qui fuient massivement leur pays ou leur région d’origine et qui ne peuvent pas y retourner. En raison notamment d’un conflit armé ou de violences ou parce qu’ils sont victimes de violations graves et répétées des droits de l’homme.

[6] 10 milliards d’euros pour la période 2021-2027.

En Biélorussie, les migrants ne sont pas les seuls coincés…

« La frontière polonaise n’est pas seulement une ligne sur une carte. La frontière est sacrée – le sang polonais a été versé pour elle ». Cette phrase du premier ministre polonais Mateusz Morawiecki[1] illustre le guêpier dans lequel le rusé président biélorusse vient de faire tomber l’Union européenne en laissant transiter par son pays des milliers de migrants.

Accuser M. Loukachenko de violer le droit international comme le fait l’UE est justifié puisqu’il instrumentalise scandaleusement la détresse. Mais ce même droit international est encore plus directement violé en cas de refoulement aux frontières de personnes qui pourraient avoir des motifs d’asile valables. Les pratiques de refoulement polonaise et lituanienne sont à cet égard pour le moins sujettes à caution. Selon les autorités polonaises, des milliers de migrants ont ainsi été bloqués lundi au poste de Kuznica.

Si l’UE et l’OTAN affirment sans ambages leur soutien à la Pologne et à la Lituanie, l’Organisation internationale des migrations et le HCR marchent sur des œufs dans leur communiqué commun et rappellent la nécessité « d’identifier les personnes ayant besoin de protection et celles qui souhaitent demander l’asile ».

C’est bien l’absence d’une politique d’asile cohérente qui est au cœur de cette crise : d’un côté les pays de l’UE accordent assez largement des permis de séjour humanitaires aux personnes qui parviennent en Europe en franchissant la frontière illégalement et font peu d’efforts pour l’exécution des renvois ou la mise en place de formes alternatives de protection hors d’Europe. D’un autre côté, de discrets refoulements aux frontières sont documentés tout autour de l’UE et aucunes modalités de protection ou d’assistance ne sont ouvertes aux personnes qui ne peuvent bénéficier des services de passeurs peu scrupuleux (dont le dernier en date est le président biélorusse).

La rhétorique guerrière adoptée par l’UE (qui stigmatise 20 pays pour avoir organisé des transferts de migrants vers la Biélorussie) peut évidemment se comprendre par le sentiment d’être pris au piège, mais une réflexion de fond s’impose sur les modalités de l’asile et sur l’asymétrie vertigineuse des droits entre une personne ayant réussi à mettre le pied à l’intérieur de l’UE et une personne bloquée ailleurs dans le monde…

Faute d’un tel aggiornamento, les dictateurs des pays limitrophes de l’Europe continueront à tenir par le manche un couteau redoutable.

[1] Rapportée par RTS – info. du 9.11.21

IMAGE: Une clôture à la frontière entre Pologne et Biélorussie en août 2021. — © Kacper Pempel/REUTERS Source : LE TEMPS 

Ce thème est traité dans FORUM RTS du 20.11.2021

Les peuples d’Europe bientôt remplacés ?

Les peurs associées à la croissance de certaines populations sont anciennes. A la fin du XIXe siècle le “péril jaune” désignait la croissance démographique asiatique. Aujourd’hui, le “grand remplacement” voit les populations d’Europe en voie de submersion par une immigration hors de contrôle.

De fait, la croissance des populations d’origine extérieure en Europe a connu ces dernières décennies un rythme particulièrement rapide. Elle est attribuable à la décolonisation, au recrutement de main-d’œuvre, puis à des regroupements familiaux et à l’accueil, peu enthousiaste mais effectif, d’une migration de survie via le statut de réfugié ou d’autres formes de tolérance humanitaire.

Deux fantasmes se greffent sur cette diversification et mènent certains idéologues d’extrême droite à l’idée de remplacement.

Le premier est démographique. Du constat d’une croissance de population à un risque de remplacement, il y a un fossé. Au cours des périodes récentes, les arrivées de l’extérieur en Europe atteignent environ 2 millions de personnes par an, toutes origines et motifs confondus, soit environ 0.4% de la population résidante. Même si on admet que certains immigrants puissent avoir plus d’enfants (ce qui est loin d’être toujours le cas), l’échéance d’une hypothétique majorité issue de l’immigration se chiffre donc en siècles.

Le fantasme démographique du grand remplacement se focalise souvent sur les populations musulmanes, jugées particulièrement menaçantes. Mais là aussi, les chiffres démentent les peurs. Dans le cas de la Suisse, le solde migratoire (arrivées moins départs) de pays musulmans (membres de l’OCI) équivaut annuellement à environ 8’000 personnes soit 15% du solde migratoire total et reste remarquablement stable. Ici aussi, il faudrait des siècles pour observer un basculement de population.

Le second fantasme associé au grand remplacement est sociologique. Pour que remplacement il y ait, encore faut-il en effet qu’on puisse identifier remplaçants et remplacés. On imagine ainsi une population de souche ancestrale concurrencée par des nouveaux venus porteurs de cultures incompatibles et immuables. Mais c’est tout le contraire que nous apprend l’histoire. D’une part, les populations d’Europe sont depuis toujours de sang-mêlé et sa « civilisation » est le produit d’innombrables mélanges. D’autre part, les populations issues de l’immigration n’ont rien de « peuples » homogènes. Bien au contraire, pour reprendre le cas musulman, la plus grande diversité règne en termes de régions d’origine, de pratiques religieuses, de statut social et de représentations culturelles. La même diversité règne d’ailleurs parmi les supposés autochtones des “peuples d’Europe”. Les immigrants, à fortiori, ont souvent quitté leur pays précisément en aspirant à une société plurielle, moins religieusement contraignante, plus démocratique et plus respectueuse des valeurs humaines.

Ce constat pourrait sembler lénifiant car les défis sociaux, économiques et culturels de l’immigration globale restent importants. La Suisse n’est pas à l’abri des tendances communautaristes et de la fragmentation sociale observables dans d’autres pays d’Europe. Ne pas craindre de grand remplacement ne signifie pas prôner la fin des frontières. La migration doit être gérée pour équilibrer ses coûts et avantages, mais avec sérénité et sans fantasmes.

Dans son ouvrage « Identité et violence », Amartya Sen souligne à quel point est étrange l’idée que les personnes ne puissent se définir qu’en fonction d’un système de catégorisation unique et globalisant divisant le monde en termes de religions et de civilisations. Cette idée est selon lui le plus sûr moyen de ne pas comprendre nos semblables et de produire de toute pièce la violence et la haine. Seuls quelques individus, de tous bords d’ailleurs, s’enferment dans des appartenances identitaires uniques en termes de religion, de genre, d’orientation sexuelle, de passion sportive, politique ou professionnelle. Pour les autres les identités sont multiples et relèvent tant d’héritages ou de révoltes familiales, que de goûts personnels ou des hasards de la vie… Et Sen de conclure « Le plus grand espoir d’harmonie dans notre monde troublé repose sur la pluralité de nos identités, qui peut seule nous rassembler et nous aider à lutter contre les divisions violentes et contre l’idée d’une ligne de partage intangible à laquelle nous ne pourrions, soi-disant, manquer de nous soumettre ».

A cet égard, personne ne remplace personne.

 

Notes

Une discussion autour de la peur d’un grand remplacement aura lieu au palais de Rumine le 30.10.2021 à 14h30

Une version courte de ce blog a été publiée dans “Le Temps” du 14.10.2021

Cf. sur le même thème le blog de 2016 “Vers une islamisation de la Suisse ?

Amartya Sen, Identité et violence, Odile Jacob, 2006

 

Procurez-vous vite du capital de mobilité !

L’une des grandes illusions de la fin du XXe siècle aura été la disparition des distances en raison de moyens de transports de plus en plus performants et d’une libre-circulation grandissante après la chute du rideau de fer. Des gourous de la prospective avaient alors même proclamé la fin des frontières et de la géographie !

Il a fallu rappeler à ces rêveurs qu’ils s’adressaient à des privilégiés et que pour l’immense majorité de la population du globe, les déplacements restaient difficiles à de multiples échelles. Pour des migrants dépourvus de papiers et pour les laissés-pour compte des pays riches, franchir l’espace reste un défi hasardeux.

La pandémie a rappelé aux élites ultra-mobiles et à la génération easyJet que, même pour elles, l’hyper-mobilité pouvait s’arrêter. Maintenant qu’un redémarrage se profile, le concept de « capital de mobilité » s’avère éclairant pour comprendre qui est à même de se déplacer, quels sont les obstacles à cette mobilité et comment les surmonter.

La pandémie a rappelé aux élites ultra-mobiles et à la génération Easyjet que, même pour elles, l’hyper-mobilité pouvait s’arrêter.

Le concept de “capital” est une contribution centrale du sociologue Pierre Bourdieu à notre compréhension du monde. Selon lui, le capital économique est primordial mais insuffisant: la richesse permet beaucoup mais est complétée, voire compensée, par d’autres formes de capitaux. Bourdieu en distingue trois : 1) le capital culturel est le bagage de connaissances et la maîtrise des codes et des usages. 2) le capital social est formé par les réseaux de relations et de connaissances fortes ou faibles qui permettent d’obtenir des informations 3) le capital symbolique est constitué par la notoriété, les honneurs et la respectabilité acquises. De manière complémentaire, ces différents capitaux sont des sources de pouvoir et permettent aux individus ou aux groupes d’agir en société.

Ces capitaux peuvent être acquis en cours d’existence, mais sont souvent transmis au sein d’une famille ou d’un milieu social dont ils assurent le pouvoir et le « classement ». L’inégalité des capitaux hérités explique dans une large mesure la stratification sociale.

C’est sur cette base théorique, mais dans un registre plus spécifique, que le concept de « capital de mobilité » (certains auteurs utilisent les termes “motilité” ou “capital spatial”) s’est imposé comme une forme de capital spécifiquement reliée aux déplacements. Il a été p.ex. récemment appliqué aussi bien aux entrepreneurs transnationaux qu’aux migrants somaliens.

La constitution d’un capital de mobilité est le produit transversal des différents capitaux identifiés par Bourdieu: le capital économique permet p.ex. d’acheter un billet d’avion, voire un statut de séjour. Le capital culturel, sous forme p.ex. de compétences linguistiques et le capital social, sous forme d’un réseau d’information, facilitent grandement les déplacements.

Le capital de mobilité se décline sous des formes multiples: disposer du permis de conduire, avoir le bon passeport – ou idéalement plusieurs – pour acquérir un visa, être titulaire d’une carte de crédit et disposer des connexion internet pour les réservations en ligne ou tout simplement avoir accumulé une expérience au fil de voyages passés… Il se matérialise dans certains artefacts – véritables prolongations du corps – dont le smartphone connecté est le plus emblématique.

Tout comme les capitaux de Bourdieu, le capital de mobilité n’est pas uniquement corrélatif de la richesse des individus, même si les vacances aux Maldives ou le tour du monde en ballon restent des luxes de nantis. Alain Tarrius a ainsi montré que chez les plus déshérités, un « capital de mobilité » ou un “savoir circuler”  se développe aussi: connaître un passeur, une brèche dans la palissade, un itinéraire non surveillé, mobiliser un réseau ethnique dans une ville inconnue, nouer d’éphémères alliances pour diminuer les risques… C’est ce type de capitaux qui permettent – malgré tous les murs et les frontières – les migrations de survie décrites par Alexander Betts et une forme de “mondialisation par le bas” par de “nouveaux nomades”.

Connaître un passeur, une brèche dans la palissade, un itinéraire non surveillé… C’est ce type de capitaux qui permettent – malgré tous les murs et les frontières – les migrations.

La pandémie a brassé les cartes du “capital de mobilité”. Les privilégiés que nous sommes en ont été réduits à rester confinés ou, pour certains, à apprendre à bouger malgré tout. Connaître les subtilités et les incessantes adaptations des consignes de l’OFSP; savoir où un test COVID peut être réalisé pour voyager et à quel délai; identifier quel test est requis par quel pays et si un retour sera possible; saisir qu’il existe plusieurs listes de pays “à risques” non-concordantes entre le DFJP et le DFI… Ces renseignements disséminés sur des sites internet en voie d’obsolescence permanente et se contredisant entre eux sont devenus de l’or !

Durant un temps, les laissés-pour compte – aguerris à d’autres défis qu’une pandémie – semblent d’ailleurs s’être mieux débrouillés que les autres pour franchir les frontières: les traversées de la méditerranée se sont poursuivies et les demandes d’asile ont peu diminué. Mais les privilégiés ont vite repris la main. Le “capital de mobilité” existe désormais sous forme injectable. Vous avez eu la deuxième dose ? A vous le monde !

 

 

A quoi sert le partenariat migratoire Suisse/Nigéria ?

La conseillère fédérale Karin Keller-Sutter sera à Abuja le 23 mars pour fêter les 10 ans du partenariat migratoire qui lie la Suisse et le Nigéria. Conclu en 2011, ce partenariat a permis de renouer le dialogue entre les deux pays, très affecté par le décès en 2010 d’un jeune Nigérian lors d’un rapatriement forcé. Il a pour but d’inscrire la réadmission des demandeurs d’asile déboutés dans un cadre de coopération plus large.

La Suisse et le Nigéria collaborent ainsi dans l’amélioration de la gestion et de la gouvernance de la migration tandis que des programmes de formation permettent des échanges de stagiaires et que divers projets de développement sont mis en œuvre. La Suisse a aussi contribué au financement de la série télévisée The Missing Steps, qui attire l’attention sur les dangers de la migration irrégulière[1].

C’est donc avec de bons arguments que le communiqué de presse du DFJP décrit ce partenariat comme un « modèle de réussite ». Il montre qu’une collaboration entre pays d’origine et de destination permet d’éviter des bras de fer autour des rapatriements tout en gardant un regard sur le sort des personnes renvoyées. Plus de 1000 ressortissants nigérians ont ainsi bénéficié d’une aide à la réinsertion.

Les six partenariats migratoires de la Suisse – avec la Bosnie (2009), la Serbie (2009), le Kosovo (2010), le Nigéria (2011), la Tunisie (2012) et le Sri-Lanka (2018) – marquent les prémisses d’une gestion commune et équilibrée de la migration appelée de ses vœux par la Communauté internationale dans le cadre du Pacte mondial sur la migration (encore non ratifié par la Suisse).

Quelques bémols doivent cependant être formulés. En premier lieu, si on observe depuis 2012 une importante diminution des demandes d’asile de Nigérians en Suisse, leur nombre reste assez stable vers le reste de l’Europe. La Suisse accueillait ainsi 20% environ des demandes d’asile du Nigéria en 2011/12/13 contre 2% ces dernières années… En devenant moins attractive grâce à une meilleure exécution des renvois, la Suisse a donc détourné les candidats à l’asile vers d’autres pays. Est-ce vraiment là une réussite ? Seule une collaboration multilatérale plus large entre tous les pays d’origine et tous les pays d’accueil permettrait d’éviter de tels « effets à somme nulle ». Les pays de destination devront en outre garantir des procédures d’asile irréprochables.

Un autre bémol a trait à l’ampleur des projets développés par la Suisse au Nigéria dont le budget total est d’environ 1 million de francs. Une somme insignifiante en regard des enjeux sécuritaires et économiques auxquels fait face le pays. Enfin, l’un des principaux souhaits des pays d’origine dans le cadre des partenariats migratoires n’est pas satisfait: il s’agirait de voies d’immigration légales permettant à des étudiants ou des employés de venir – même temporairement – séjourner en Suisse. Aucune concession n’a été faite jusqu’ici dans ce domaine où s’applique la très restrictive politique des deux cercles privilégiant l’immigration de l’Union Européenne au détriment des « États tiers ». La Commission fédérale des migrations a fait une série de recommandations au sujet de ces derniers points dans un rapport d’évaluation publié il y a quelques jours à la suite d’une visite au Nigéria.

Malgré ces réserves, les partenariats migratoires restent des instruments prometteurs et la Suisse a acquis dans ce domaine une expérience qui suscite depuis plusieurs années un grand intérêt du côté de Bruxelles.

 

[1] Ce type de tentative d’information dissuasive mérite évidemment une analyse critique (cf. à ce sujet Pécoud, A., and C. Nieuwenhuys. 2008. Campagnes d’information et traite des êtres humains à l’est de l’Europe. Espace Populations Sociétés (2):319-330.

Un recensement « old style » pour combattre la COVID ?

Les Britanniques ne font jamais rien comme les autres… En matière de recensement de population, ils ont été les premiers à produire des données fiables et systématiques – dès 1801 afin de savoir combien de soldats pourraient combattre Napoléon ! – puis à les affiner pour, entre autres, étudier les migrations dès 1880[1].

Les Britanniques sont aussi parmi les derniers à effectuer, tous les dix ans, un recensement exhaustif de leur population. Dimanche 21 mars 2021 sera pour eux le « jour du recensement »: chacun et chacune sera appelé à donner des informations variées sur le nombre de personnes dans son ménage, leur âge, leur activité, niveau d’éducation, pays de naissance, état de santé, etc…

Depuis 2000 les autorités suisses ont abandonné cette pratique jugée archaïque et surtout couteuse, remplacée par des échantillons d’enquêtes beaucoup plus réduits dont sont extrapolées des tendances pour la population d’ensemble.

Les géographes s’étaient inquiétés sans succès dès 2005 de cette mort du recensement exhaustif et de la perte de données qu’elle impliquait (écouter à ce sujet le débat de FORUM ci-dessous [2011]). La plupart des pays d’Europe ont cependant eux aussi aboli le recensement au profit d’enquêtes.

Ringards les Britanniques ? Toujours est-il que leurs géographes se félicitent aujourd’hui de cette obstination censitaire et affirment que disposer de données d’âge, de santé et de niveau de vie sur chaque petit groupe de population de chaque petit quartier des villes s’est avéré précieux pour localiser les populations les plus vulnérables au COVID-19, mettre en corrélation le profil des quartiers et les taux d’infection, planifier des centres de test et optimiser une campagne de vaccination que toute l’Europe envie…

Les Britanniques ne font rien comme les autres, mais au sujet de l’importance des données géographiques précises en matière de populations et de santé… « they’ve got a point ! ».

 

 

[1] Ce qui déboucha sur les travaux pionniers du géographe E. Ravenstein et ses fameuses « Lois des migrations » basées sur le recensement de 1880

Débat RTS – Forum (2011)

 

 

Les frontières se ferment donc la population étrangère augmente…

À fin décembre 2020, 2’151’854 ressortissants étrangers résidaient en Suisse. Le Secrétariat d’Etat aux migrations vient de révéler à ce sujet un drôle de paradoxe : alors qu’en 2020, l’immigration a diminué de 2,6 % par rapport à 2019, la population étrangère a augmenté nettement plus rapidement qu’auparavant : +40’442 [+1.9%] en 2020 contre +30’243 [+1.5%] en 2019.

Si la diminution de l’immigration durant cette année « COVID » s’explique aisément par les restrictions d’entrée mises en place par la Suisse et surtout par le manque de perspectives économiques liées à la pandémie, comment expliquer la croissance accélérée de la population étrangère ? La réponse est simple: de nombreuses personnes déjà présentes en Suisse ont renoncé à quitter le pays, tant et si bien que l’émigration (les départs) a fortement diminué (-12.1%)[1]. On peut grosso modo considérer que 10’000 personnes étrangères ont ainsi décidé (ou été contraintes) de rester en Suisse l’an passé alors qu’elles seraient parties en temps normal. L’inquiétude de ne pouvoir revenir a joué un rôle, de même que les incertitudes sur les perspectives à l’étranger[2].

Le solde migratoire de la Suisse (arrivées moins départs) a donc augmenté malgré les restrictions d’entrée !

S’il surprend à première vue, ce paradoxe est bien connu des géographes et autres migratologues sous le nom de « net migration bounce » (rebond du solde migratoire). Il avait été mis en évidence de manière spectaculaire il y quelques années par une étude sur les politiques de visas de 34 pays. Il en ressortait que lorsqu’un pays d’immigration se montre très restrictif en matière d’entrées, ces dernières diminuent, certes, mais les personnes qui parviennent à obtenir le précieux sésame ne repartent plus, de peur de ne pas pouvoir entrer à nouveau[3]. Un résultat similaire ressort d’une étude sur les politiques d’immigration de la France, de l’Italie et de l’Espagne vis-à-vis des Sénégalais entre 1960 et 2010[4]. Ces derniers se sont avérés d’autant plus enclins à retourner au Sénégal que les politiques d’entrée en Europe ont été ouvertes. A l’inverse, le resserrement des conditions d’entrée a poussé les expatriés à le rester.

L’année 2020 reste exceptionnelle, mais la leçon générale à tirer du paradoxe de la fermeture des frontières est que loin d’être statique, la population issue de la migration est – tout au moins pour partie – en constant mouvement. Il est loin le temps où une migration se faisait de manière définitive et pour toute une vie[5]. Beaucoup de gens arrivent, beaucoup de gens partent, et parfois reviennent ! C’est aussi cette réalité que les politiques d’accueil doivent prendre en compte.

 

 

 

[1] Pour être complet, il y a lieu de tenir compte aussi des naturalisations et des décès (qui font diminuer la population étrangère) et des naissances (qui la font augmenter). L’évolution de ces facteurs a toutefois joué un rôle plus faible que le solde migratoire dans l’évolution de 2020.

[2] Après le relâchement des contraintes de mobilité de la deuxième moitié 2020, le quatrième trimestre de l’année a d’ailleurs vu l’émigration reprendre son rythme habituel.

[3] Czaika, M., and H. de Haas. 2017. The Effect of Visas on Migration Processes. International Migration Review 51 (4):893-926.

[4] Flahaux, M.-L. 2017. The Role of Migration Policy Changes in Europe for Return Migration to Senegal. International Migration Review 51 (4):868-892.

[5] On notera que dans des pays plus marqués par des migrations « traditionnelles » de longue durée et par moins de mobilité, le paradoxe que nous venons de relever pour la Suisse ne semble pas s’être manifesté. On peut faire l’hypothèses que ce soit le cas du Canada https://www.bnnbloomberg.ca/closed-borders-halt-canada-s-population-growth-during-pandemic-1.1500976

 

Les demandes d’asile vont-elles augmenter en lien avec la COVID-19 ?

Les demandes d’asile déposées en Suisse ont diminué d’environ un tiers entre 2019 et 2020.

Les arrivées ont été et sont encore freinées par les multiples restrictions aux déplacements liées à la pandémie. Si on envisage un redémarrage de la mobilité en 2021, on peut escompter un effet de rattrapage pour des personnes qui avaient été bloquées dans des zones de transit.

Doit-on prévoir une augmentation plus forte encore liée aux conséquences de la pandémie ? Cet article développe la question de la MATINALE RTS du 19.01.

La dégradation en cours des conditions de vie dans de nombreux pays du monde plaide pour ce scénario avec une combinaison de déclin économique et de troubles politiques pouvant exacerber des situations de violence. Cela fait déjà de nombreuses années qu’on assiste dans le domaine de l’asile à une migration de survie qui ne concerne pas des personnes individuellement impliquées politiquement ou menacées par des violences ciblées mais dont les conditions de vie et la sécurité sont mises en péril par une combinaison de facteurs[1].

Si on s’en tient à cette analyse, on peut prévoir un accroissement très substantiel des demandes d’asile en Suisse. Il faut cependant se souvenir que l’existence de motifs de fuite n’est qu’une première condition au déplacement. Il y en a trois autres.

La première est que les personnes soient en mesure de partir : qu’elles en aient les moyens. Raison pour laquelle ce ne sont pas les pays les plus pauvres ou dont la situation est la plus fortement dégradée qui connaissent les départs les plus massifs mais les pays intermédiaires[2].

La seconde est qu’existent des voies d’accès et des connexions géographiques. Il en existe par exemple de l’Erythrée vers la Suisse, beaucoup moins de la République Démocratique du Congo ou d’Amérique du Sud. De la même manière, si des accords prévoient que les personnes doivent déposer leur demande d’asile dans un pays de transit, comme l’exigent les accords de Dublin, cela exerce un effet de frein considérable. La Grèce ou l’Italie retiennent ainsi bien malgré elles une partie des personnes qui pourraient souhaiter venir en Suisse. L’impossibilité de franchir certaines frontières, entre la Croatie et la Bosnie p.ex., a le même effet.

La troisième condition est que les personnes concernées puissent s’attendre à rester en Suisse et pour cela puissent faire valoir des motifs qui rendent leur renvoi impossible. Même dans une situation grave cela ne fait pas de sens pour un ressortissant Indien de demander l’asile en Suisse car, sauf exception, cette personne serait renvoyée dans un bref délai.

Les principaux pays d’où pourraient provenir des requérants d’asile plus nombreux sont ceux pour qui les trois conditions ci-dessus sont réunies et, de fait, ceux qui sont déjà à l’origine du plus grand nombre de demandes d’asile en Suisse: Erythrée, Afghanistan, Syrie, Turquie et quelques autres.

Sur cette base, un scénario de forte augmentation des demandes d’asile vers la Suisse est envisageable. Cette croissance serait accentuée si la Suisse se trouvait exclue d’un nouveau système d’asile remplaçant les accords de Dublin. Il est donc important que la Suisse profite de la diminution récente des demandes d’asile pour intensifier son association à une véritable politique d’asile européenne.

[1] Betts, A. 2013. Survival Migration: Failed Governance and the Crisis of Displacement. Cornell: Cornell University Press.

[2] Ruhe, C., C. Martin-Shields, and L. M. Groß. 2020. The Asylum Hump: Why Country Income Level Predicts New Asylum Seekers, But Not New Refugees. Journal of Refugee Studies.