Mitsuhashi Takajo: l’une des créatrices du haïku expérimental

Mitsuhashi Takajo: pilier de la poésie moderne japonaise

Le 24 janvier 1899, naissait dans le village de Tabachi, près de Narita, l’une des plus grandes poétesses japonaises du haïku de la période Shōwa : Mitsuhashi Takajo.

 

 

 

Mitsuhashi Takajo, admiratrice et disciple de l’essayiste et poétesse Akiko Yosano, se marie, en 1922, à un dentiste qui s’adonne à la poésie. Sous l’influence de son mari, elle commence à écrire du haïku. Cependant, très vite elle se tourne, avec d’autres femmes poètes, vers le haïku expérimental. En 1936, elle devient membre du groupe qui fonde la publication éphémère de Kon (bleu foncé). En 1940, elle fait publier la collection Himawari ou Tournesols.

En 1953, elle s’engage dans Bara, un magazine composé de poètes d’avant-garde qui autorise le haïku expérimental.

Bien que ses haïku débordent d’imagination et de vitalité,  l’on considère Mitsuhashi Takajo comme une personne ascétique totalement concentrée sur la spiritualité. Dans ses œuvres l’ego disparaît dans le vide. Selon Kenneth Rexroth, la  spiritualité qui émane des poèmes de Takajo “ressemble à celle de Kierkegaard plutôt qu’au concept bouddhiste “. Seule et malade durant de longues années, ses dernières parutions, en 1970, se penchent sur la mort.

Elle est décédée le 7 avril 1972.

Takajo Mitsuhashi est, avec Tatsuko Hoshino, Teijo Nakamura et Takako Hashimoto, désignée comme l’une des « Quatre T » de la poésie féminine haïku moderne qu’elles ont créée ensemble.

Une statue d’elle a été placée au temple Shinshoji. Littéralement, son nom signifie femme faucon.

Sources:

-Introducing Haiku poets

-The living haïku anthology

-Wikipédia

Apollinaire: parce que tu m’as parlé de vice…

Apollinaire : un poète devenu héros

Guillaume Apollinaire serait né à Rome en août 1880, et mourut à Paris le 9 novembre 1918, d’une grippe aviaire dite “grippe espagnole“. La faiblesse induite par une blessure à la tête, occasionnée par un éclat d’obus, l’empêcha de surmonter la maladie. A cause de son engagement durant le conflit 1914-1918, on le déclara mort pour la France. On en parle beaucoup, ce mois-ci, où l’on commémore le centenaire de la fin de la Grande Guerre  et… le centenaire de la disparition du poète. Ainsi, je me contenterai de présenter le poème que je préfère de lui, et d’en invoquer les motifs.

Apollinaire et la guerre

L’on prétend qu’Apollinaire aimait la guerre. En homme curieux, ses mécanismes, ses enjeux, ses conséquences, la façon dont elle change les paysages et le comportement humain, le fascinaient probablement. Mais, quand je lis ce poème, je ressens surtout qu’il l’a trouvait aussi vulgaire qu’une certaine hypocrisie bienséante envers les affaires de sexe. Certes, il s’était engagé de son propre chef mais – selon Daniel Delbreil, professeur à l’université Sorbonne nouvelle-Paris III, spécialiste du chantre de la poésie moderne – afin d’obtenir la nationalité française, comme beaucoup d’étrangers qui vivaient en France à l’époque. Par ailleurs, personne ne pouvait prévoir l’hécatombe qu’allait devenir la Première Guerre mondiale.

Apollinaire et le sexe

J’ai découvert ce poème quand j’étais élève au Cours de l’acteur Florent, à Paris. Nous devions étudier une poésie et la présenter sur scène. Nous avions le choix du poème, pas du poète. Ma professeure de théâtre Michèle Harfaut m’a attribué Apollinaire. J’avais envie qu’il soit question d’amour. J’ai acheté Poèmes à Lou. J’ai toujours défendu la liberté sexuelle et ses diverses pratiques à condition qu’elles s’effectuent entre adultes consentants. Ce poème correspond exactement à ce que je pense : lorsque deux personnes – ou davantage – sont d’accord sur les règles du jeu, il ne saurait y avoir de débauche. Certaines choses de par le monde, à commencer par le peu de cas que l’on fait de sa destruction –par exemple – s’avèrent bien plus choquantes, à mes yeux, que ce qui se passe dans une alcôve entre adultes consentants. Mon choix s’était porté sur Parce que tu m’as parlé de vice dans ta lettre d’hier parce qu’Apollinaire y suggère clairement la sodomie et le SM.

Le Poèmes à Lou que j’emmenais au cours.

Extrait de la préface de Poèmes à Lou et d’ Il y a

“Amant persuadé que
Le vice n’entre pas dans les amours sublimes
il chante la joie et la douleur des corps sans oublier que “le corps ne va pas sans l’âme”, à la fois rêvant d’un inaccessible absolu et acceptant les partages les plus dérisoires.
Soldat vivant au jour le jour les misères des premières lignes, il a le courage de contempler l’insolite beauté que suscite la guerre, et de la dire.
Mais dans la magnificence de l’amour comme dans l’émerveillement qu’il ressent, artilleur, sur la ligne de feu, il reste, proche de nous, l’homme qui sait sa faiblesse et le prix de l’attente:
Je donne à mon espoir tout l’avenir qui tremble comme une petite lueur au loin dans la forêt.

Michel Décaudin

 

Article sur la grippe espagnole dans le journal Le Temps:

“Aucune autre pandémie dans l’Histoire n’a autant tué”.

 

Sources:

-Éditions Gallimard

-Télérama

-Wikipédia

 

SIFAW: dans le corps de Lilian Schiavi

Les Fables de l’Origine

Parfois deux esprits habitent un seul corps. J’ai connu l’essayiste Lilian Schiavi, le voici à présent habité par Sifaw. Le poème choisi est paru dans le recueil Landscape Solitudo aux Éditions Torticolis et Frères. Ensuite, je laisserai la parole au poète lui-même. Vraiment lui-même?

 

 

“Sifaw est né dans la vallée Dadès au Maroc. Il est né d’un désir de vérité et d’une adresse bienveillante. Il est né, au-delà du biologique, au regard de l’amazighité. L’accueil et l’amitié qu’on lui porte, sans questions, ni impudeur, le souffle. Il part dans le désert habité de musique et de paroles soufi. Sifaw est l’éveilleur en tamazight, un dialecte berbérophone, c’est-à-dire et plus amicalement : amazigh. Le prénom Sifaw pour les imazighen est habité du souffle de Saïd Sifaw, poète lybien qui résista au pouvoir du colonel Kadhafi. Saïd El- Sifaw est né à Jadou dans les montagnes de Néfoussa au Nord Ouest de la Lybie, il est mort à Tunis où il s’exila à la suite d’un grave accident de la route, accident mais attentat.

Aujourd’hui Sifaw vit dans la vallée des Ormonts aux Diablerets. Cette vallée sans dessus-dessous réveille en lui, un désir de poésie, jamais disparu, mais ténu. Les montagnes qui l’entourent n’attirent aucune protection, ni limitation, il ne se sent pas au creux d’une vallée qui se termine. Le Scex Rouge qui culmine à plus de 3000 mètres a le nom du désir.

Les ombres portées de chaque roche, pointe et pic menacent la silhouette de l’essayiste qu’il fut. En 2006, sous le nom Lilian Schiavi, qui est aussi celui de sa fiche d’état civil, il publie un essai de théorie esthétique sur la croyance dans l’image. Puis il entreprend un vaste chantier de recherche philosophique sur la représentation, l’image, le sensible et la pensée, intitulé : Les enjeux du sensible dans la représentation. Son travail est ponctué par un essai sur le sensible au bout de dix années, Les Déferlements de l’image étant lui, un essai sur la saturation des images et des concepts, publié en 2011 et écrit en 2008. Essai dont certaines pages sautent aux yeux de Sifaw sur les problématiques de l’altérité et partant de l’exil et celle de la censure religieuse et ainsi du blasphème.

Lilian Schiavi est né en 1980 dans le Jura français. Il meurt à 33 ans et sa posture sacrificielle avec lui lors d’une performance où il déclame, éructe et crie son Tuer.

La poésie de Sifaw est habité de terres lointaines ou invisibles. Elle cherche l’expression d’une conscience née de la matière. Elle soulève des approches pudiques faites de mystères, de peurs et de courage. Elle ne se réfugie pas sur les territoires actuels du geste poétique furtif qu’elle ironise. Elle ne clive pas le concept et la sensation. Le concept tout comme l’image est aussi une charge sensible. Elle se donne des inspirations sans tutelles : Okoundji, Adonis, Darwish, Du Bouchet ou Joe Bousquet… La quête de Sifaw est une transformation de la langue philosophique en langue poétique. Dans ce jeu de langues, s’imprègne une sensualité qui est aussi une conception philosophique du monde où l’esthétique est le procès sensuel de la pensée”.

 

Bibliographie

Aux Éditions Torticolis et Frères, La Chaux-de-Fonds

Landscape solitudo, Sifaw

  1. Les Fables de l’origine, Sifaw

Couplé avec Sensible (d’outre-tombe), Lilian Schiavi

  1. Tuer

Aux Éditions de L’Harmattan, Paris :

  1. Les Déferlements de l’image ; situations ironiques, théoriques et critiques.
  2. Spectre-chair, essai sur l’expérience des images.

Patti Smith: amoureuse des poètes français du XIXe siècle

Passionnée par les Arts

Alliant poésie Beat et garage rock des années 1960 et 1970, l’on considère Patti Smith comme la « marraine » du mouvement punk. Toutefois, depuis son enfance, ses passions sont le dessin et la littérature, en particulier la poésie. Le poème qui suit est extrait du recueil Présages d’innocence.

 

Traduction de Jacques Darras.

 

Issue d’un quartier très pauvre du New-Jersey, rien ne destinait Patti Smith à devenir l’auteure-compositrice, interprète, poétesse, écrivaine, guitariste, chanteuse, humaniste… que l’on connaît, même si dès l’enfance elle sut qu’elle voulait faire de l’art.

Fille d’une serveuse et d’un ouvrier, Patti Smith – Patricia Lee Smith -, est née à Chicago en 1946, dans une famille extrêmement religieuse. A 18 ans, elle tombe enceinte : on la radie de l’Ecole Normale. Son projet de devenir institutrice prend fin. En 1967, elle part à New-York où elle rencontre le photographe Robert Mapplethorpe. Pendant la première partie des années 1970, Patti Smith se livre intensivement à la peinture et à l’écriture, se produit en tant qu’actrice au sein d’un groupe poétique.

Au cours des années suivantes, elle s’adonne à la musique, en conjuguant rock et performances poétiques. Les paroles de ses chansons font découvrir la poésie française du XIX siècle aux jeunes Américains. Conjointement, elle devient une icône de la scène underground new-yorkaise.

Durant les années 1980-90, parallèlement à ses créations musicales, elle poursuit son travail artistique, mêlant dessin, photographie et écriture.

En 2007, les éditions Christian Bourgeois publient, en bilingue, son premier recueil de poésie : Présages d’innocence.

La Fondation Cartier pour l’art contemporain accueille, en 2008, à Paris, une grande exposition de ses œuvres, intitulée “Land 250”, comprenant des pièces réalisées entre 1967 et 2007.

En 2010, elle publie Just Kids, qui relate son amitié avec Robert Mapplethorpe, qui recevra le National Book Award.

Version originale.

 

Sources:

Éditions Christian Bourgeois

Just Kids, Patti Smith, éditions Denoël

-Wikipédia

André Salmon : l’ami de Picasso et d’Apollinaire

Un poète pour défendre le cubisme

Court, évocateur et humoristique, ci-dessous un poème d’André Salmon écrivain, poète, journaliste et critique d’art.

 

 

André Salmon naît à Paris en 1881. Enfant d’anciens communards exilés à Londres, il passera son enfance et son adolescence entre la capitale anglaise et St-Petersbourg. De retour à Paris, il fréquente les soirées de La Plume et rencontre des figures déterminantes : Mécislas Golberg, qui l’influence beaucoup, Picasso, Max Jacob et Apollinaire qui resteront ses amis tout au long de sa vie.

Ses premiers recueils, Poèmes et Féeries, bientôt suivis par un troisième en 1910, Le Calumet, sont les premiers publiés sous forme de livre avant ceux de Max Jacob et d’Apollinaire. En 1912, il publie La Jeune Peinture française. C’est dans cet ouvrage, comprenant « Histoire anecdotique du cubisme », qu’est révélée pour la première fois l’existence des Demoiselles d’Avignon.

En 1964, il reçoit le grand prix de poésie de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre.

Il décède en 1969, à 87 ans, à Sanary-sur-Mer après une longue vie consacrée à l’art et à l’écriture.

Il fut l’un des grands défenseurs du cubisme avec Guillaume Apollinaire et Maurice Raynal.

André Salmon est le grand-oncle de l’éditeur Jean-Jacques Pauvert.

Sources :

Andre Salmon Official Website

-Wikipédia

Michel Houellebecq : un poète devenu romancier

Soufre et amertume

Avant d’être l’auteur des très controversés Particules élémentaires ou Soumission, Michel Houellebecq écrivait de la poésie. Ce poème a été publié en 1991, par les Éditions de la Différence aujourd’hui disparues, dans un recueil intitulé A la poursuite du Bonheur.

 

 

Né sur L’île de La Réunion en 1956 ou 1958 – sa date de naissance reste un mystère sa mère ayant probablement falsifié son acte de naissance – Michel Houellebecq est considéré comme l’un des plus grands écrivains français contemporains. Avant de séduire le grand public avec sa prose, sa poésie rencontrait déjà un succès d’estime dans les milieux intellectuels et littéraires. Ses deux premiers recueils de poèmes, parus en 1991, passent inaperçus, les deux suivants seront primés : A la poursuite du bonheur, prix Tristan Tzara 1992 et Le Sens du Combat, prix de Flore 1996. Dans ces recueils les thèmes essentiels des livres à venir y sont déjà traités : solitude existentielle, dépression, dénonciation du libéralisme qui prend corps jusque dans l’intimité des individus.

Sa poésie, amère, violente et sans espoir, contient tous les signes de la souffrance humaine.

 

Sources :

Éditions J’ai Lu

Bibliothèque nationale de France

-Wikipédia

On ne tue pas la poésie

Mes parents viennent d’un pays où l’on voulut faire taire les poètes.

Alors on les chassa. On les enferma. On les exila. On les tua.

Les poètes meurent de faim ou d’incertitude, d’angoisse ou d’amour, du silence ou de l’oubli. Mais on ne peut tuer leur âme parce que leur âme vit en tout.

Dans la laideur et la beauté.

Dans l’amour ou la haine.

Dans l’infiniment petit comme dans l’infiniment grand.

Aujourd’hui comme hier, en dictature comme en démocratie, les poètes dérangent.

A travers ce blog, je souhaite leur donner la parole quelles que soient leurs opinions, leurs préférences, leur genre ou l’époque où ils s’expriment.

Mes parents viennent d’un pays où l’on voulut faire taire les poètes.

Pourtant mes racines de leur essence se sont sustentées.

On peut tuer le poète, on ne peut tuer la poésie.

Parce que nous avons autant besoin de poésie que de nous alimenter.

 

Détail de la couverture du livre Lorca Esencial, ediciones EDAF.