La Ligne Claire

Journées du Patrimoine (en péril)

Journée du Patrimoine

Journée du Patrimoine

Le patrimoine sous la menace de la re-écriture de l’histoire.

Alle Jahre wieder. Chaque année, on célèbre à juste titre les Journées Européennes du Patrimoine, un bien qu’on tient par héritage de ses ascendants, selon la définition qu’en propose le Larousse, tout en en soulignant la dimension européenne. Recueillir et transmettre ce patrimoine est, aux yeux de la Ligne Claire, au cœur de ce qui constitue la civilisation et la culture de l’Europe.

Emporté par le vent

Cette année-ci pourtant, ces célébrations sont teintées par une force nouvelle venue d’Amérique qui renverse les statues et débaptise les rues. On se souviendra des émeutes qu’avait provoquées le déboulonnage de la statue de Robert E. Lee, commandant en chef des armées confédérées, à Charlottesville en Virginie. Dans la foulée, l’église épiscopalienne s’est empressé de retirer Yun vitrail qui lui était voué, de la National Cathedral à Washington tandis qu’à New York, le maire Bill di Blasio donne l’ordre d’ôter une plaque à la mémoire du Maréchal Pétain et entend s’en prendre à Christophe Colomb, dont la figure est partout présente dans les Amériques, coupable du génocide des Indiens. Faudra-t-il que la République de Colombie et la province canadienne de Colombie britannique changent de nom? Toujours aux Etats-Unis, l’Etat du Tennessee a interdit la projection du film Autant en emporte le Vent, premier film en couleur de l’histoire du cinéma, au motif qu’il renvoie à une société esclavagiste. On se dépêchera de se consoler en regardant Ben-Hur, histoire d’un galérien juif, avant que ce film-là ne se voie accusé de sionisme.

En France aussi certains ont appelé de leur vœu de renommer les places, rues et collèges qui portent le nom de Colbert, rédacteur du Code Noir en 1685, alors qu’en Belgique des voix s’élèvent pour bannir toute référence au roi Léopold II de l’espace public, y compris sa statue équestre qui orne la place du Trône à Bruxelles. A Genève enfin la présence de Jean Calvin au Mur des Réformés ne devrait même plus faire débat dès lors qu’il avait envoyé Michel Servet au bûcher.

Iconoclasme

Ce qui avait commencé par de l’activisme de gauche a tourné à un mouvement iconoclaste, où une frange de la population entend réécrire l’histoire et en imposer sa vision aux autres, le propre justement des régimes totalitaires qu’elle prétend dénoncer. Car si ces actions se distinguent de celles des Taliban en Afghanistan et celles de l’Etat Islamique à Palmyre par l’ampleur des moyens employés, elles s’en rapprochent par leur intention, celle de gommer toute référence à un passé qui ne convienne pas à leur vision du présent.

La Ligne Claire concède volontiers que certains cas demeurent sans appel – on n’envisage pas en Allemagne de rebaptiser une rue Adolf-Hitler-Strasse, et que la sensibilité de la communauté noire américaine par exemple puisse être heurtée par la présence d’un monument à la mémoire du General Lee.

Plutôt que de gommer l’histoire cependant, La Ligne Claire estime qu’il faut apprendre à la connaître et à vivre avec elle. Septante-cinq après la chute du régime fasciste, les Romains composent avec un obélisque gravé au nom de Mussolini, tandis qu’à Paris et à Bruxelles des avenues célèbrent la bataille de Stalingrad même si dans Stalingrad il y a aussi Staline.

A la vérité, il en va des pays et de leur histoire comme des hommes, avec leur part de lumière et parfois de gloire et puis leur part d’ombre. Savoir que cette dernière existe permet de l’assumer, de se pardonner à soi même et de pardonner à autrui.

Faute de quoi, il faudra se résigner à renommer toutes les rues du monde la Rue de l’Homme Parfait. La Ligne Claire décline par avance la prise en charge de la numérotation.

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