L’affaire Vasella se prête à de multiples analyses et réflexions, notamment sous l’angle de la communication. En l’occurrence, c’est la prise de parole des indignés de tous bords qui m’interpelle.
Monsieur Vasella était trop payé? Rien de bien nouveau, on en parlait depuis des années. La filière de la viande importée est opaque et elle cache de graves atteintes à la dignité des animaux? Un thème connu, objet de nombreux reportages insoutenables. Lance Armstrong se dopait? Depuis son accession au firmament du cyclisme, tous les observateurs en parlaient. La faim dans le monde au regard de notre surconsommation effrénée? Une problématique lancinante qui occupe des kyrielles de fonctionnaires internationaux et presque autant d’ONG.
Ces situations sont largement dénoncées mais elles perdurent, comme si l’on s’accommodait mieux du laisser-faire que de l’action résolue. Les raisons de cette passivité sont multiples, enchevêtrées et souvent impénétrables: désintérêt ou ignorance, appât du gain ou avarice, crainte des représailles, ambitions carriéristes ou politiques, pression concurrentielle, égoïsme ou confort, et bien d’autres encore.
Pour Germaine et Marcel, les 72 millions sont la goutte d’eau qui a fait déborder le Vase(lla): il faut que ça cesse! Et voilà que certains s’emparent de cette thématique et jouent les vierges effarouchées, même du côté des anciens amis du patron incriminé. Face à la déferlante vox-populienne, plus personne ne veut soutenir le grand capitaine autrefois admiré. Une interview réalisée par swissinfo en 2003 relevait que Daniel Vasella avait reçu le titre de «Directeur de l’année» pour la troisième fois consécutive, notamment grâce à « sa stratégie, sa vision et un gouvernement d’entreprise viable».
Je ne dis pas qu’il faille défendre Daniel Vasella. Ni Lance Armstrong. Et encore moins tolérer les atrocités commises contre les chevaux ou les drames humanitaires. Mais que dire de ceux qui se positionnent soudain comme les défenseurs de l’éthique et des bonnes pratiques, en attaquant les condamnés qu’ils avaient auparavant protégés ou couverts? Stratégie de communication de situation ou convictions profondes, je vous laisse juger.
Lance Armstrong demeurera à jamais dans le panthéon des pestiférés du sport, aux côtés de Benoïde Johnson et de tant d’autres tricheurs. Les défenseurs des animaux et les croisés de l’humanitaire ont encore de grands défis à relever. Novartis se remettra de cette crise, car il s’agit d’une entreprise solide, globalisée et « leader sur un marché de pointe », comme on dit dans notre jargon de communicants. Quant à Daniel Vasella, il aura l’occasion de s’expliquer, un jour. Les crises passent, les voix se calment, les équilibres et les déséquilibres se reforment.
Face à ces scandales ponctuels ou durables, les entreprises, les politiques et les groupes d’intérêt seraient bien inspirés d’aligner leur stratégie de communication à leurs vraies valeurs, plutôt qu’aux circonstances du moment. Et qu’en est-il de nos motivations, de nos actions et de nos négligences individuelles, face aux dérives de notre temps? Ces questions me paraissent plus pertinentes que les discussions de café de commerce portant sur le capitalisme outrancier, la globalisation incontrôlée ou encore la capitulation du politique face à l’économie.
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