Quand les médias ont les dents qui collent

Carambar a donc réussi à nous faire croire qu’elle avait décidé de  remplacer ses célèbres blagues par de petits textes éducationnels. C'était un faux, un simple coup marketing. On apprend que pour crédibiliser son approche, la marque a utilisé les canaux des relations médias traditionnelles et des réseaux sociaux. Elle a ciblé volontairement les influenceurs du web et les journalistes susceptibles de relayer cette information fabriquée de toutes pièces. A première vue, on a envie de dire « Bravo ! »: la visibilité ainsi créée est clairement supérieure à celle qu’une campagne de relations publiques traditionnelle aurait pu générer. La francophonie tout entière a été abreuvée de ce hoax commercial. Et ce, avec des moyens relativement limités puisque l’on parle de quelques centaines de milliers d’Euros, apparemment.

Mais le caramel colle aux dents, aujourd'hui davantage que d’habitude. Certains estiment avoir été trompés par la marque et ils le disent tout haut. Ils regrettent notamment d’avoir relayé l’information mensongère et fait ainsi perdre du temps à leurs interlocuteurs. Que dire par exemple des journalistes qui ont offert à ce buzz marketing un impact médiatique injustifié ? Ils ont été grugés par un dossier de presse à l’apparence sérieuse, basé notamment sur de pseudo-études scientifiques.

Cette action de marketing viral, orchestrée par une agence de publicité française, a ceci de contestable qu’elle a utilisé les méthodes des professionnels des relations publiques, tout en poursuivant un objectif commercial sciemment dissimulé. Elle visait clairement à tromper, alors que la communication institutionnelle – les relations publiques, au sens large – requiert une éthique et une honnêteté constantes. Il s'agit là d'une condition indispensable au maintien de rapports de confiance avec toutes les parties prenantes, notamment les journalistes.

On pourra certainement rétorquer qu’il s’agissait d'un joli clin d’œil, une opération plutôt sympathique et innocente. Mais on peut aussi y voir un usage déviant des canaux d’information et de communication, à des fins publicitaires. Il serait intéressant d’analyser aujourd’hui la perception du public envers Carambar, en termes d’image et de réputation. Et que dire de celle des médias, pris en flagrant délit de non-vérification des sources par la faute d’un caramel dur en quête de publicité ? Personne n’aime être le dindon de la farce et encore moins les journalistes. A titre d’exemple, le HuffPost paraphe son article d’un évocateur « Mais peut-on désormais les croire ? », exprimant une méfiance nouvelle vis-à-vis de la marque.

Site répertoriant quelques hoax célèbres : http://www.hoaxbuster.com/

Daniel Herrera

Daniel Herrera a été responsable des relations publiques de Nestlé Suisse, puis DirCom de la BCV, de l’America’s Cup, de Romande Energie et de Kudelski. Il a fondé et dirigé YJOO Communications Lausanne de fin 2011 jusqu’à mai 2014 et il est responsable de la communication institutionnelle du Groupe Assura depuis juin 2015. Ses dadas: accompagnement du changement, relations médias, événementiel et communication de crise.