Imaginez le topo : un groupe de touristes quinquagénaires en sandales et chemises bariolées, l’appareil photo reposant sur d’imposantes bedaines, déambule à pas lents au milieu des étals odorants, à l’écoute des explications avisées de l’incontournable guide local. (Presque) tout y est, de l’accent du guide aux boubous multicolores, en passant par les légumes et les fruits exotiques, ainsi que les cris des enfants. Sans oublier le regard appuyé des hommes en apparence désoeuvrés et celui plus commerçant des femmes debout derrière les produits offerts aux chalands.
Sauf qu’ici, point de moiteur tropicale et pas davantage de moustiques têtus porteurs de maladies. Car ici, Monsieur, on fait du tourisme immersif sans quitter la vieille Europe. Ici, on vient observer « les autres » sans même monter dans l’avion. Pourquoi prendre des risques pour sa santé et son portefeuille, alors que l’Afrique est à nos portes, au cœur de Paris ? Le concept s’appelle « Afric’à Paris » et il a été lancé par une agence de voyages spécialisée notamment dans le « tourisme responsable ». Imaginez la même offre à la Borde (Lausanne) ou au coeur des Pâquis (Genève)…
Je sais, on me dira que cela part certainement d’une bonne intention. Celle, par exemple, de créer des ponts entre les cultures urbaines. De décloisonner les communautés en favorisant la connaissance de l’autre et en créant le dialogue. En d’autres termes, de privilégier la communication plutôt que la ghettoïsation.
Mais on peut aussi trouver cette offre touristique tout simplement obscène. Y déceler un opportunisme commercial de mauvais goût favorisant un voyeurisme populaire nauséabond. Celui-là même qui caractérise, à Dakar ou à Douala, les touristes quinquagénaires en sandales et chemises bariolées, l’appareil photo reposant sur d’imposantes bedaines, déambulant à pas lents au milieu d’étals odorants, à l’écoute des explications avisées de l’incontournable guide local.