Dis, Monsieur, raconte-moi une bonne histoire…

En communication, avoir une bonne histoire à raconter peut suffire. Thomas Minder en avait une excellente: il était une fois un petit patron honnête qui voulait donner une leçon aux managers surpayés. Oskar Freysinger de même, sous forme de question : voulez-vous vraiment être représenté à l’exécutif cantonal par un personnage qui n’a pas le courage d’assumer clairement le vol d’un caillou? Idem pour les opposants aux J.O. dans les Grisons: les Suisses ne sont pas prêts à bétonner les Alpes pour accueillir un événement hypertrophié organisé par une institution corrompue, par ailleurs inféodée à des sponsors sans scrupules.

Dans ces trois exemples, les arguments avancés par les vainqueurs étaient certes plausibles, mais surtout émotionnels. Cela induit des questions importantes pour nous, communicants, et cela devrait également interpeller la population des votants.

On le sait mais on n’a peut-être pas voulu le voir : quelles que soient les modalités d’application de l’initiative Minder, ce seront in fine les actionnaires – parmi lesquels les institutionnels jouent un rôle bien plus important que les petits porteurs – qui décideront de l’enveloppe salariale des hauts dirigeants. Et rien ne garantit au peuple suisse que celle-ci sera réellement réduite, puisque les actionnaires veulent les meilleurs dirigeants… et que ces derniers coûtent cher! Dans le cas valaisan, vu de l’extérieur, il est difficile de déterminer si Christian Varone a réellement été jugé au regard de ses compétences politiques ou par rapport à un épisode anecdotique de sa vie privée. Quant aux Jeux Olympiques, la peur de la perte de contrôle financier et du gigantisme présumé de l’événement semble avoir occulté le projet lui-même. Or, ce dernier se voulait précisément dimensionné à l’échelle de cette magnifique région dont il promettait d’être un fantastique outil de promotion.

Le problème, avec les décisions prises sous le coup de l’émotion, c’est qu’on les regrette parfois. L’initiative Minder n’était pas forcément la meilleure manière de régler la question des dérives salariales. Le candidat Varone aurait peut-être aussi bien porté le costume de Conseiller d’Etat que celui de gendarme. Pour les Grisons et la Suisse tout entière, l’organisation des Jeux Olympiques aurait probablement pu jouer un extraordinaire rôle fédérateur et promotionnel.

Ceci dit, peut-être est-il temps d’admettre que la volonté populaire est de plus en plus imperméable aux argumentaires complexes et chronophages. Comment garantir malgré tout un vrai débat démocratique et fondé? Pour nous autres, communicants, cette question est aussi préoccupante qu’incontournable. La tentation est grande de jouer à fond la carte des émotions, mais il serait sain d’en user avec parcimonie et surtout en privilégiant l’honnêteté. Et il s’agit certainement de réinventer la manière de communiquer avec la population, en privilégiant le dialogue et la mise en avant de personnalités fortes et authentiques pour porter les messages. Thomas Minder a donné l’exemple: son engagement personnel, sa prise de parole et son courage ont fait mouche. Et il est vrai qu’il avait une bonne histoire à raconter.

Daniel Herrera

Daniel Herrera a été responsable des relations publiques de Nestlé Suisse, puis DirCom de la BCV, de l’America’s Cup, de Romande Energie et de Kudelski. Il a fondé et dirigé YJOO Communications Lausanne de fin 2011 jusqu’à mai 2014 et il est responsable de la communication institutionnelle du Groupe Assura depuis juin 2015. Ses dadas: accompagnement du changement, relations médias, événementiel et communication de crise.