Il y a un an, presque jour pour jour, s’achevait une féroce bataille entre la France et un irréductible village vaudois producteur de flûtes d’apéritif. Au cœur du litige figurait la protection intellectuelle du précieux nectar français à bulles et bouchon sauteur. Forçant le vaillant chef Marcandrécornix à quelques concessions, la justice autorisa le fabricant du Nord vaudois à maintenir l’appellation Champagne sur ses emballages. Le bouchon de guerre semble enterré sur ce front: les craquantes Flûtes de Champagne et le mousseux éponyme continueront de cohabiter dans nos carnotzets.
Aujourd’hui, c’est l’actualité sur le front fiscal qui laisse augurer du pire. Sabre dégainé (et pas pour faire sauter le bouchon de champagne), le ministre vaudois des finances Pascal Broulis et son alter ego jurassien Charles Juillard ont utilisé un vocabulaire résolument guerrier pour qualifier le contexte prévalant dans ce dossier. Les patries du chasselas et de la damassine semblent prêtes à se lancer dans une nouvelle guerre des bouchons. «Si j’aurais su, j’aurais pas venu», aurait dit le Petit Gibus.
Depuis quelques semaines, c’est Obélix lui-même que l’Hexagone affronte. Comme pris d’amnésie fiscale, les agents d’Hollande ont en effet décidé de mener la vie dure aux plus fortunés des Gaulois, dont fait partie le monument Gérard Depardieu. Et là, Gégé se fâche tout rouge: « Stop, vous poussez le bouchon trop loin, j’me casse ! ». En Belgique ou en Russie, mais loin des bouchons des Champs-Elyséees.
Sans vouloir contredire mon ami blogueur Frédéric Maire, j’ai quelque sympathie pour les théâtrales annonces de l’acteur vieillissant. Certes peu reluisantes à priori, ses motivations pourraient être révélatrices d’un mal au sérieux goût de bouchon. A mon sens, la question n’est pas de savoir s'il est ridicule lorsqu’il déclare que la Russie est une « grande démocratie » ou urine dans un avion de ligne. Depuis le décès de son fils Guillaume, Depardieu est un homme profondément triste – on le serait à moins – et ses excès n’en sont que les stigmates les plus visibles. Ce qui transparaît derrière cette énième éructation du plus célèbre des acteurs français actuels, c’est le ras-le-bol des créateurs et des entrepreneurs à succès, face à la voracité sans limite de l’Autorité bleu-blanc-rouge.
Il est juste, par principe, que chacun participe solidairement aux dépenses de l’Etat en fonction de ses moyens. Mais il faut placer le curseur au bon endroit pour éviter de faire fuir les icônes populaires et les acteurs de la réussite économique. Car le risque est de faire péter le bouchon et de laisser s’échapper les forces vives de la croissance, indispensable à toute reprise économique. Alors si l’action tonitruante de Depardieu déclenchait un signal d’alarme dans les Etats-Majors de la fiscalité hexagonale, elle aura eu un impact supérieur à la meilleure campagne de communication politique.
Pour ma part, après cette parenthèse festive où les bouchons n’ont pas manqué de sauter, je suis retourné dans ceux de l’axe Yverdon-Lausanne. Patience, bonheur et santé pour 2013!