Cachez ces valeurs que je ne saurais voir

Vous me direz que les valeurs d’entreprise, c’est un peu le dada des DirCom, des DRH et autres responsables de la communication interne des grandes sociétés en quête de Best Practices managériales. Pourquoi perdre du temps à définir les valeurs d’une entreprise et à les partager avec les collaborateurs, alors que la majorité d’entre eux s’en fichent éperdument ?

Toute organisation porte en elle une manière de faire et d’être, des principes formels ou informels qui composent sa spécificité. Ces éléments la distinguent de ses concurrents, mais ils permettent surtout d’inscrire la stratégie d’entreprise dans un cadre pertinent, applicable à tous ses domaines d’activité. Les valeurs permettent de donner du sens au travail de chacune et chacun, au-delà (ou au-dessus) des tâches concrètes définies par la hiérarchie directe.

Là où le bât blesse, c’est lorsque les valeurs sont promulguées mais aussitôt relativisées – voire bafouées – par le management lui-même, à quelque niveau que ce soit. A titre d’exemple, les mots «tradition» ou «proximité» sont inscrits dans bien des chartes d’entreprise romandes, alors qu’un nombre croissant de cadres de ces mêmes entreprises ont découvert notre pays en même temps que leur nouveau contrat de travail. Même des années plus tard, nombre d’entre eux n’ont jamais vu Darius Rochebin et n’ont jamais lu Le Matin Dimanche. Et quid de la Migros, des Dar-Vida ou de la Super League? Ou encore des principes les plus élémentaires de notre système politique?

Je vous entends déjà me rétorquer que connaître Darius et le géant orange ne détermine pas l’efficacité d’un chef marketing international, d’un attaché de presse EMEA ou d’un responsable qualité Europe. Tel n’est pas mon propos. Je dis juste que pour devenir l’un des ambassadeurs de notre tradition industrielle ou entrepreneuriale, il faut faire preuve d’un minimum de respect et d’intérêt pour ce qui en fait le terreau.

La diversité culturelle est éminemment bénéfique pour les entreprises suisses. Mais les nombreuses dérives dont j’entends parler depuis quelque temps me font craindre pour l’ADN à croix blanche, celui qui a fait le succès de tant d’enseignes prestigieuses. Le respect et la discrétion, par exemple. Ou encore la confiance mutuelle, la précision et la ponctualité. Autant de valeurs qui résonnent comme des évidences à nos oreilles, mais qui inspirent une condescendance déplacée auprès de certains.

A mon sens, l’une des principales utilités des chartes d’entreprise est de servir de référentiel pour tous les collaborateurs, quel que soit leur rang hiérarchique ou leur domaine de spécialisation. Et pour que ce référentiel fonctionne, il devrait être utilisé en amont (lors des entretiens d’embauche) et tout au long du parcours de l’employé au sein de l’entreprise. Il devrait notamment être intégré dans les entretiens d’évaluation des performances individuelles.

Dans ces conditions, les valeurs d’entreprise ne seraient plus le dada des seuls DirCom, DRH et autres responsables de la communication interne. Elles seraient un maillon essentiel de la cohabitation harmonieuse des cultures au sein de l’entreprise, et donc du développement durable de celle-ci. A quelques jours de Noël, on a le droit de rêver, non?

Daniel Herrera

Daniel Herrera a été responsable des relations publiques de Nestlé Suisse, puis DirCom de la BCV, de l’America’s Cup, de Romande Energie et de Kudelski. Il a fondé et dirigé YJOO Communications Lausanne de fin 2011 jusqu’à mai 2014 et il est responsable de la communication institutionnelle du Groupe Assura depuis juin 2015. Ses dadas: accompagnement du changement, relations médias, événementiel et communication de crise.