Bienvenidos a Suiza ! Habla francés o alemán ?

La crise fait mal aux Espagnols et ils ont perdu toute confiance en leur élite politique et économique. Ils ne voient qu’un horizon sombre et incertain, à court et moyen termes. Un petit film humoristique tourné par la télévision basque (etb) est révélateur de la gravité de la situation : il montre des autochtones qui, pour fuir la péninsule, s’emparent d’une barque d’émigrés africains venant d’accoster.

Quelque 100'000 Espagnols vivent en Suisse, selon le site espanoles.ch. A en croire les nombreux messages que je reçois d’amis ou de cousins plus ou moins éloignés, ceux qui vivent au pays les envient et voient la Suisse comme un eldorado possible.

Mais il n’y a plus beaucoup de routes à construire en Helvétie et – surtout – le candidat à l’exil a bien changé en comparaison avec les sinistres années 60. Contrairement à ses grands-parents et parents de la génération Franco, le jeune Espagnol en recherche d’emploi est plutôt universitaire et branché. Il est parfaitement à l’aise dans notre monde globalisé et potentiellement soluble dans l’économie moderne de quelque pays que ce soit, y compris la Suisse. Enfin presque.

Boostée par l’Euro providentiel, gonflée à bloc par une économie surfant sur la vague artificielle d’un marché immobilier incontrôlé, l’Espagne de ces dernières décennies a continué de vivre sur un mode quasi-autarcique – culturellement, par exemple – qui péjore les chances de succès des nouveaux migrants potentiels. Même Erasmus n’a pas fondamentalement amélioré les choses. Connaissez-vous beaucoup d’Espagnols d’Espagne maîtrisant vraiment une autre langue que le castillan ? Pouvez-vous citer les principaux chanteurs et groupes espagnols qui ont caracolé en tête des hit-parades du pays au cours des vingt dernières années ? Avez-vous déjà essayé de visionner un film étranger en version originale à Madrid, Barcelone ou Séville ?

Il faut impérativement que l’Espagne profite de cette période de marasme économique pour repenser son rapport au monde, notamment à travers son système d’éducation. La prochaine génération devra enfin savoir jongler avec les langues, composer avec les différences culturelles de notre monde interconnecté, prendre l’initiative et s’affirmer dans l’économie globalisée. Pour que Zara, la Roja, Nadal, Javier Bardem-Penelope Cruz ou El Bulli ne soient pas que des exceptions cachant une forêt d’anonymes centrés sur eux-mêmes. Les gens de ce pays portent en eux une force créative, une joie de vivre et une énergie qui forment un terreau exceptionnel. Qu’ils sachent maintenant apprendre de leurs erreurs et construire les bases d’un nouvel essor. Durable, cette fois.

Daniel Herrera

Daniel Herrera a été responsable des relations publiques de Nestlé Suisse, puis DirCom de la BCV, de l’America’s Cup, de Romande Energie et de Kudelski. Il a fondé et dirigé YJOO Communications Lausanne de fin 2011 jusqu’à mai 2014 et il est responsable de la communication institutionnelle du Groupe Assura depuis juin 2015. Ses dadas: accompagnement du changement, relations médias, événementiel et communication de crise.