Cinq disruptions blockchain : 2/ Une transparence nouvelle

L’horloger suisse Ulysse Nardin (Groupe Kering) utilise la blockchain Bitcoin pour certifier l’authenticité de ses montres. Le whisky écossais Ailsa Bay (Groupe William Grant & Sons) en fait de même sur la blockchain privée Arc-net. En France, Carrefour va “blockchainiser” tous ses produits alimentaires d’ici à 2022 (avec IBM) pour offrir aux consommateurs de mieux en connaitre l’origine.

En matière de traçabilité, le mouvement vers les blockchains est avéré – et massif. Et cette transition s’accélère. Rien que depuis le mois de mai dernier, et pour ne citer que quelques exemples :

Le gouvernement italien a annoncé investir 15 millions d’euros dans le développement de solutions blockchain pour lutter contre les contrefaçons et protéger le label “Made in Italy”.

Kvarøy Arctic, gros éleveur de saumon norvégien, suit et trace désormais ses poissons avec la solution blockchain d’IBM. Son PDG explique : “La blockchain, c’est l’avenir quand il s’agit de mettre fin à la fraude dans l’industrie des produits de la mer”.

En Australie, un fabricant de chaussures et un revendeur s’associent pour tracer sur la blockchain VeChain des sneakers Nike en édition limitée. Et la même blockchain est utilisée à Chypre pour stocker, de façon sécurisée et infalsifiable, les résultats de tests Covid-19 menés par un hôpital.

En Afghanistan, le ministère de la santé vient de démarrer un projet pilote de traçage des médicaments et de produits pharmaceutiques sur la blockchain Opera, en partenariat avec plusieurs industriels, destiné à réduire la circulation de faux médicaments.

Egalement en juin, World Chess, qui organise avec la Fédération internationale des échecs (FIDE) une série de tournois internationaux qualifiant aux championnats du monde d’échecs, a annoncé adopter la blockchain Algorand pour enregistrer toutes les données relatives aux joueurs et à leurs résultats, en toute transparence.

 

LuPetitBeurre
Depuis cette année, le Petit Beurre de LU (Mondelēz) est le premier biscuit tracé sur une blockchain

Supply (block)chain

On l’aura compris, le mouvement est global et concerne toutes les industries et presque tous les pays.

Vertus et avantages des blockchains sont connus et s’appliquent particulièrement bien à la modernisation de la chaîne d’approvisionnement (supply chain).

Le cabinet Deloitte, dans un rapport sur l’avenir de la supply chain, explique :

“Globalement, la technologie blockchain offre un moyen d’enregistrer des transactions (ou toute interaction numérique) d’une façon sécurisée, transparente, hautement résistante aux pannes, auditable et efficiente”. […]

“Dans la chaîne d’approvisionnement, ces caractéristiques contribuent à réduire le nombre d’intermédiaires, y compris ceux qui étaient auparavant les garants de la confiance tout au long de la chaîne. Cela permettra d’accroître l’efficacité et de réduire les coûts globaux”.

Pour l’un des quatre plus gros cabinets d’audit et de conseil dans le monde, la blockchain est donc l’un des éléments clés pour apporter une transparence nouvelle et optimiser la production industrielle. Et la blockchain devient ainsi un complément naturel de l’Internet des objets (IoT) :

“Si vous combinez des capteurs collectant des quantités massives de données avec une blockchain apportant standardisation, transparence et traçabilité, vous créez de la valeur sur les données collectées”.

Au final, “blockchain et IoT peuvent considérablement aider les entreprises mondiales à réduire leurs risques opérationnels, en garantissant des flux de données fiables et résistants aux attaques”, poursuit Deloitte.

Et de conclure :

“Globalement, ces technologies [blockchains et IoT] vont révolutionner la manière dont les différents acteurs de la chaîne d’approvisionnement saisissent, échangent et lisent les données, sur une plateforme sécurisée, partagée et transparente”.

La transparence, simple comme blockchain ?

On comprend dès lors le cercle vertueux de cette “révolution” qui se forme par l’usage des technologies blockchains :

  • Les entreprises peuvent mieux optimiser leurs cycles de production, mieux gérer leurs fournisseurs, mieux vérifier les conditions de transport de leurs produits, et au passage faire des économies.
  • Les Etats peuvent mieux lutter contre les fraudes et les contrefaçons, mieux contrôler le respect des normes, voire mieux lutter contre le travail forcé.
  • Et les consommateurs, en bout de chaîne, peuvent mieux connaître les produits qu’ils achètent, tout savoir de leur provenance, de leurs conditions de stockage ou de transformation.

Au passage, de nouvelles possibilités apparaissent. La proximité entre blockchains et crypto-monnaies autorise des modèles de fidélisation inédits. La solution chinoise Tael, du traçage blockchain déjà implémenté pour plus de 350 produits, des petits-pots pour bébés à la cosmétique en passant par le saké japonais, permet aux consommateurs de vérifier l’authenticité des produits, mais aussi de recevoir au passage des récompenses en tokens.

Bien sûr, une blockchain n’est pas une solution miracle. Elle ne suffira pas toujours à garantir la fiabilité des données qu’elle abrite, ni la qualité des produits qui y sont référencés. Mais, a fortiori avec des blockchains publiques, on dispose néanmoins d’une ossature inédite sur laquelle peut se construire une transparence nouvelle.

Qu’il s’agisse de chaine d’approvisionnement, de transactions financières, ou de certificats d’authentification, rendre visible, traçable, immuable et auditable ce qui ne l’était pas jusqu’alors est capital – et implique de plus en plus l’usage des technologies blockchain. A terme, on peut même arguer que si une donnée, quelle qu’elle soit, n’est pas enregistrée sur une blockchain, alors elle n’existera pas vraiment — ou n’inspirera pas confiance.

Transparence, traçabilité et blockchains sont désormais indissociables.


(Ce billet fait partie d’une série où je détaille cinq des principales transformations induites par blockchains et crypto-monnaies. Précédent : 1/ La finance décentralisée)

Cyril Fiévet

Cyril Fiévet est journaliste et auteur et couvre depuis 20 ans les technologies de pointe et les usages du numérique. Il a découvert Bitcoin en 2012 et écrit sur les blockchains et crypto-monnaies depuis 2014. Site personnel - Blog "Comprendre Bitcoin" - Twitter @cfievet

6 réponses à “Cinq disruptions blockchain : 2/ Une transparence nouvelle

  1. “le made in Italy protégé par la blockchain ” !? Il suffit de demander à la mafia !!!
    Je suis sur aussi que la blockchain saura distinguer un vrai Picasso d’un faux !!!
    C’est vraiment se moquer du monde d’affirmer que cette technologie peut garantir l’authenticité d’un produit !!!
    Le processus normal consiste à valider un produit avant de l’appliquer à la blockchain, mais cette dernière ne peut pas remplacer l’expert authentifiant la marchandise !!!
    C’est ce genre de confusion qui va ruiner cette technologie !!!

    1. Vous avez tout à fait raison.
      Dans le cas d’Ulysse Nardin nous utilisons la blockchain pour rendre infalsifiable un document digital. Grâce à la blockchain et à une signature cryptographique nous rendons le document digital infalsifiable et surtout authentifiable par n’importe qui car la preuve est sur une blockchain publique, Bitcoin.
      Ce qui prouve l’authenticité de l’objet physique c’est l’objet lui-même. Nos certificats attestent qu’à un instant donné nous avions la garantie que telle personne a acquis une montre authentique. Ils ont de la valeur car personne ne peut émettre de faux certificats.
      Vous avez raison, la blockchain ne peut que certifier une donnée digitale.

      1. Merci de ces précisions, Isabelle !

        Ne vous inquiétez pas de quelques commentaires absurdes… Certains n’ont hélas toujours rien compris aux blockchains et à leur intérêt. Mais la plupart des lecteurs de ce blog savent qu’une blockchain ne sert pas à fabriquer une montre 😉

      2. “Digital” se traduit en français par “numérique”.
        En français, “digital” peut à la rigueur qualifier un examen de la prostate…

  2. Disruption… Il faut ces mots pour s’attirer les financements, mais cette blockchain n’est rien d’autre qu’une vieille technologie (dcvs, tel git ou mercurial), appliquée un peu n’importe comment et là où il n’y a que peu d’intérêt (même pour le code, les dcvs ne sont pas toujours très pertinents), et qui va fantastiquement augmenter la consommation des technologies it (espace de stockage, bande passante, énergie). Mais il faut surfer sur le buzz

  3. Penser que des “smart contrats” basés sur la blockchain suffisent à les gérer sans recourir à un tiers reste un leurre : les experts gardent toute leur place quand il s’agit de valider les dégâts à une chose !
    De même qu’un CV ne peut pas être simplement garanti parce qu’il est numérisé grâce à cette technologie .
    Je pourrais multiplier les exemples de la vie courante pour démontrer que la blockchain ne résout pas tous les problèmes comme un coup de baguette magique !

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