L’attractivité de la Suisse, un atout à préserver

L’abandon des statuts spéciaux focalise l’attention sur les multinationales à la veille de la votation sur la RFFA. Mais au-delà de la dimension fiscale de cet objet, qu’en est-il de l’attrait de notre pays pour ces entreprises? Car ailleurs aussi, on sait les accueillir.

 Au soir du 19 mai prochain, à en croire les sondages, la Suisse aura abandonné les statuts spéciaux des multinationales. Ce sera une bonne chose, car ce système d’un autre temps a vécu. A la place, la réforme proposée établit une équité fiscale entre toutes les entreprises tout en permettant de maintenir la compétitivité internationale de notre canton. Le poids des sociétés multinationales est loin d’être négligeable: en 2017, elles ont représenté plus du tiers du PIB national et généré en tout plus de 1,3 million d’emplois. Et que l’on ne s’y méprenne pas: ces dernières ne sont pas toutes grandes, connues et étrangères. Certaines sont Suisses et développent des activités dans le monde entier.

Mais les temps changent. Nos voisins et concurrents également. Eh oui, ailleurs, on sait aussi accueillir. Et à l’heure de se développer et de s’implanter, ces entreprises entament une réflexion à 360°. Dans ce contexte, force est de constater que l’attractivité de la Suisse n’est plus ce qu’elle était. En témoigne l’étude de McKinsey et de la Chambre de commerce Suisse-Etats-Unis, aidée d’economiesuisse et de SwissHoldings, parue à fin avril. Le constat chiffré est implacable: notre pays est passé du premier au troisième rang en termes d’implantation. «Parmi les multinationales implantant des sièges sociaux européens, relèvent les auteurs de l’enquête, la part de marché de la Suisse est passée de 27% en 2009-2013 à 19% en 2014-2018, alors que les entreprises ont augmenté leur tendance à se réimplanter.»

Opportunités manquées

L’étude met en lumière quelques opportunités manquées, comme la re-domiciliation de grandes multinationales à forte croissance comme Facebook, Apple, Amazon. Netflix, Uber ou encore Alibaba, Google, à Zurich, faisant office de notable exception. Pire: depuis peu, estiment les experts de McKinsey, les multinationales «commencent à développer ou à déplacer des centres de compétences – centres d’analyse de données par exemple – hors de Suisse».

La disponibilité et la mobilité des talents constituent l’une des lacunes mises en évidence par les spécialistes. Les contingents pour les travailleurs d’Etats tiers, que le Conseil réévalue d’année en année, sont pointés du doigt. Et cela ne concerne pas uniquement les postes très spécialisés. La problématique peut aussi concerner une entreprise locale active à l’international, qui doit faire venir des ouvriers étrangers qualifiés six mois pour les former sur place. Obtenir de tels permis reste problématique au vu des contingents autorisés. C’est d’autant plus incompréhensible que ces employés ne prennent le travail de personne.

Cette année, la Berne fédérale a certes revu à la hausse leur nombre, en autorisant 8500 spécialistes venant des pays tiers. On retrouve ainsi le niveau d’avant la funeste votation sur l’immigration de masse de 2014. Mais cela reste insuffisant pour faire face aux besoins des entreprises. L’étude McKinsey recommande d’ailleurs «de revoir le régime d’immigration pour les talents hautement qualifiés et très demandés, et augmenter le nombre de places disponibles dans l’enseignement supérieur pour les disciplines fortement demandées».

Un chantier permanent

L’heure n’est pas à l’alarmisme, mais à la prise de conscience. On l’oublie, mais la concurrence internationale demeure féroce. La Suisse est passée derrière Singapour et Dubaï en termes d’implantation de sièges d’entreprises. Et les Pays-Bas et le Luxembourg la talonnent. En disant oui à la RFFA le 19 mai, la population donnera déjà un signal fort en renforçant la prévisibilité fiscale, un aspect capital dans la réflexion des multinationales. Et pas seulement chez celles qui envisagent une implantation, mais aussi chez celles qui se trouvent déjà chez nous et dont on espère qu’elles poursuivront et développeront leur business sous nos latitudes.

Mais ce chantier reste permanent, et d’autres étapes devront être franchies pour pérenniser cette attractivité.

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Taux négatifs, un casse-tête qui ne fait que s’amplifier

Les calendes grecques. Au-delà de tout cynisme, on peut se demander si tel n’est pas l’objectif calendaire de la Banque nationale suisse (BNS) pour un retour à des taux d’intérêts positifs. Depuis l’abandon du taux plancher avec l’euro, le 15 janvier 2015, la question n’a cessé de se poser. Et le caractère provisoire de cette mesure, qui vise à détourner les investisseurs financiers du franc suisse pour ne pas qu’il s’envole, s’efface à mesure que le temps passe. Désormais, on évoque 2021. Faut-il y croire ? Question subsidiaire, est-ce grave ? Et surtout, que peut-on faire ?

A questions simples, réponses complexes. Car si la Fed américaine adopte une position attentiste, Mario Draghi, le patron de la Banque centrale européenne, a indiqué au début du mois que de nouvelles mesures seraient nécessaires pour soutenir les économies des Etats-membres. Dans la foulée, les indicateurs ont confirmé les mauvaises perspectives du Vieux-Continent. Dernière en date à revoir ses prévisions de croissance 2019 à la baisse, l’Allemagne, qui a coupé de moitié son pronostic à 0,5%. Pas étonnant, après un dernier trimestre 2018 où la locomotive européenne a frôlé la récession. Italie, France, sans parler du Royaume-Uni empêtré dans son Brexit différé, les baromètres sont maussades, voire médiocres. La pression sur le franc – et sur l’économie exportatrice de la Suisse – va s’accentuer. Remonter les taux ? Ce n’est pas le moment.

Oui, mais pouvons-nous juste nous accommoder d’une situation qui est a priori un non-sens économique ? Les effets des taux négatifs ne sont pas neutres sur l’économie toute entière. Pour les caisses de pension, le maintien du rendement minimum devient problématique, s’ajoutant au défi démographique ; conséquence directe, l’investissement dans la pierre accentue le risque d’une bulle immobilière, malgré les conditions de durcissement mises en place par la BNS. A titre d’exemple, il y a aujourd’hui près d’un millier d’appartements vides à Martigny, une ville d’à peine plus de 20’000 habitants.

Les taux négatifs, qui affectent évidemment la marge des établissements financiers – ces derniers ne répercutant pas ces coûts sur leur clientèle de détail -, ont un double effet pervers sur l’épargne des particuliers. Ils engendrent son évaporation régulière, mais aussi une accentuation du réflexe d’épargne, ce qui prive la demande intérieure de dépenses. Du coup, les entreprises ne sont pas incitées à investir autant que la BNS ne le souhaiterait par ses mesures monétaires. Car la faible croissance promise alentours refroidit leur ardeur. La boucle est bouclée.

Alors ? Faut-il envisager, comme le fait la Banque centrale européenne, que les banques puissent bénéficier de taux différés sur leurs dépôts pour ne pas avoir à subir la facture des intérêts négatifs ? Faut-il repenser une politique monétaire agressive qui fixerait un contrôle des changes ? Mais on a vu à quel point un tel choix est difficile à tenir, d’autant plus qu’il ne ferait que gonfler encore un bilan de la BNS déjà surdimensionné en regard de l’économie suisse. Dans ce contexte, la triple mission confiée à nos banquiers centraux (assurer la stabilité du franc, lutter contre l’inflation et créer les conditions favorables à la création d’emplois) tient de la quadrature du cercle.

Le risque s’accroît de voir une économie européenne dopée aux antibiotiques (des politiques monétaires de plus en plus accommodantes) dont les effets s’amenuisent de jour en jour, et qui ne traitent pas la maladie par la racine. Au cœur du continent, liée par plus de deux tiers de ses relations commerciales, la Suisse peut-elle échapper à la contagion ?

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L’accord institutionnel bénéficie d’un soutien toujours plus large

Selon un sondage représentatif à l’échelle suisse, près de 60% de la population appuie l’accord-cadre avec l’Union européenne (UE). Un signal fort qui plaide en faveur de relations stables et profitables avec notre principal partenaire économique.

Le vent semble avoir clairement tourné pour l’accord institutionnel, qui doit permettre de poursuivre et de développer la voie bilatérale avec notre puissant voisin européen. Accueilli pour le moins fraîchement de toutes parts lors de sa publication à la fin de l’an dernier, ce qui a poussé le Conseil fédéral à lancer une vaste procédure de consultation dans la foulée, ce traité semble renaître avec le printemps. La plupart des partis politiques, à l’exception notable de l’UDC, apportent leur soutien à ce texte, même si quelques formations attendent encore des précisions sur certains points. Restait encore à sonder la population. C’est ce que vient de faire l’institut gfs.bern auprès de 2000 citoyens, sur mandat de l’Association des entreprises pharmaceutiques suisses pratiquant la recherche, Interpharma.

Avec près de 60% de personnes favorables à l’accord-cadre, ce coup de sonde constitue une agréable surprise, tant le scepticisme des Suisses à l’égard de l’Union européenne peut parfois sembler grand. Pour gfs.bern, ce résultat montre que «la population établit un lien clair entre des relations stables avec l’UE et la prospérité de la Suisse». Chose remarquable, le soutien s’élève à 69% pour la Suisse romande et à 58% pour la Suisse alémanique. Pour l’institut de sondage, les raisons qui poussent les personnes interrogées à se prononcer pour ou contre l’accord reposent sur une analyse économique de la situation.

Le bon sens l’emporte: la majorité de la population a compris qu’entretenir de bonnes relations avec un partenaire vers lequel partent 53% de nos exportations est une bonne option. Ainsi, près de sept personnes sur dix estiment que ce texte apportera la sécurité juridique nécessaire à l’économie suisse pour planifier ses activités. Elles sont en outre près de deux tiers à avoir constaté «l’érosion des accords actuels d’accès au marché». Les auteurs du sondage relèvent en outre que, pour la première fois depuis 2015, une majorité de la population estime que les accords bilatéraux apportent plutôt des avantages à notre pays.

«Un travail de conviction permanent»

Cette prise de conscience est réjouissante. Mais comme le souligne René Buholzer, directeur d’Interpharma, «un travail de conviction permanent est nécessaire pour souligner l’importance de relations stables avec notre principal partenaire économique». L’opinion publique est versatile, car le moindre sursaut conjoncturel peut engendrer de funestes réflexes de repli. C’est pourquoi il est indispensable de rappeler qu’un accord institutionnel vaut infiniment mieux que pas d’accord du tout. Les avantages que procurerait ce traité sont nombreux: possibilité de conclure de nouveaux accords d’accès à ce grand marché, adaptation possible des traités existants, participation au programme-cadre de recherche ou encore reconnaissance possible d’équivalence boursière.

A contrario, un rejet de l’accord-cadre aurait de lourdes conséquences pour notre pays: pas de nouveaux accords donnant accès au marché intérieur européen, pas de modifications de traités existants, pas de reconnaissance d’équivalence boursière (dès juillet 2019) ou encore rétrogradation de la Suisse dans le programme-cadre de recherche. Sans oublier l’absence d’un accord sur l’électricité avec les 27.

Dans le domaine bilatéral, le pragmatisme semble l’emporter. Le travail d’explication de ces enjeux doit toutefois se poursuivre. Et c’est notamment à cette mission que la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie s’attelle sans relâche.

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RFFA: champ du possible et vieux épouvantails

Le projet de réforme fiscale et de financement de l’AVS (RFFA), sur lequel nous votons en mai prochain, est un champ du possible, qui repose sur trois éléments fondamentaux: la prise en compte des messages délivrés par le souverain lors des votations de 2017 (refus de la RIE III et de Prévoyance 2020), l’observation de solutions adoubées par le peuple – l’exemple vaudois -, et l’intégration de mesures d’équilibrage, simples à comprendre et à mettre en œuvre, qui donnent à l’ensemble un effet de dynamisme pour l’économie, et de pérennité pour l’AVS.

Dans ce champ fertile qui permettra à nos entreprises de faire fleurir investissements, emplois et bénéfices, et à notre filet social de consolider son enracinement, les opposants plantent des épouvantails fatigués, maintes fois servis.

Le premier s’appelle pertes fiscales. Première observation, l’adoption de la RFFA aurait pour effet de hausser le niveau d’impôts des grandes entreprises étrangères actuellement au bénéfice d’un statut fiscal cantonal spécial… Il y a là une source de revenus fiscaux, et non de pertes. Parmi les mesures contenues dans le paquet, une hausse de l’imposition fédérale des dividendes (à 70%) et la restriction du principe de l’apport en capital (exonération des remboursements de réserves) contribuent elles aussi à une augmentation des revenus fiscaux. Donc, sans même intégrer l’effet dynamique – calculé par l’Administration fédérale des contributions – que la RFFA aura à terme sur l’activité économique et donc les recettes fiscales, les fameuses «pertes» se limitent, pour la Confédération, à quelque 585 millions de francs annuels, déjà intégrés au budget pour les années 2020 à 2022.

Un mécanisme d’équilibres

Ce chiffre trouve du reste son origine dans les 990 millions que la Berne fédérale va reverser aux cantons à travers la hausse de la quote-part cantonale à l’impôt fédéral direct (IFD, de 17% à 21,2%). Pour Vaud, les recettes supplémentaires doivent se chiffrer à 113 millions par an. Nous sommes donc bien dans un mécanisme d’équilibres, qui permet une transition vers une situation plus dynamique, plus équitable aussi pour nos entreprises.

Le deuxième épouvantail a pour trait le creusement de la dette (pour autant qu’il soit effectif, ce qui, nous l’avons vu plus haut, serait très surprenant). Au passage, observons avec un certain amusement des milieux d’ordinaire peu regardant avec le niveau d’endettement public se mettre à pousser de hauts cris devant la perspective d’alourdir ce fardeau.

Deux réponses à cela. Tout d’abord, le niveau d’endettement public en Suisse reste, de manière générale, très maîtrisé et, en comparaison internationale, particulièrement bas. Deuxième observation: même si, par principe, le creusement de la dette n’est pas une solution, son fardeau s’est notablement allégé depuis une dizaine d’années, avec la faiblesse constante du loyer de l’argent. Les taux d’intérêts durablement bas ont modifié en profondeur les règles du jeu. Pour beaucoup, la charge de la dette a décru en comparaison avec la croissance réelle – un phénomène nouveau mais durable.

En tous les cas, les taux d’intérêt très bas ont redonné aux pouvoirs publics des marges de manœuvre. Celles-ci doivent naturellement être utilisées à bon escient, dans un esprit novateur, afin de préparer les conditions de la réussite économique future. C’est exactement le principe du paquet RFFA: il intervient dans un contexte où l’on peut adapter ses mécanismes de redistribution (fiscalité et compensations sociales), sans craindre des effets de bord toxiques.

Le projet AVS-fiscalité est aussi favorable aux collectivités

La loi relative à la réforme fiscale et au financement de l’AVS (RFFA), soumise au vote le 19 mai prochain, fait l’objet d’un consensus assez large dans le canton de Vaud, même si certaines communes peinent à adhérer au projet. Ce dernier est pourtant indispensable.

L’importance du projet AVS-fiscalité pour nos rentes et notre économie n’est plus à démontrer. Ce paquet hétéroclite, assez largement soutenu, constitue une solution consensuelle pour résoudre deux problèmes urgents: le financement de l’assurance-vieillesse et la fiscalité des entreprises. Le volet social du projet prévoit une somme de 2 milliards de francs, financée majoritairement par une hausse paritaire des cotisations salariales de 0,3% (0,15% à charge de l’employé, 0,15% à charge de l’employeur). Elle rapportera 1,2 milliard de francs en 2020, le solde provenant de la Confédération. Le volet fiscal, lui, permet l’abandon des statuts spéciaux pour les entreprises internationales, ainsi qu’une égalité de traitement de toutes les firmes face au fisc.

Le canton de Vaud a pris de l’avance avec cette réforme en plébiscitant, en 2016, la RIE III cantonale, qui établit un taux d’imposition unique pour toutes les entreprises à 13,79% et des mesures de compensation sociale. La réforme est en vigueur depuis cette année même si, formellement, il est nécessaire de dire oui au projet fédéral AVS-fiscalité pour supprimer les statuts spéciaux. La mise en œuvre différée des volets cantonal et fédéral de cette refonte fiscale a mis à mal provisoirement les recettes communales. C’est pour cette raison que les communes et le canton ont signé, l’automne dernier, une convention pour en compenser les effets financiers. L’État a ainsi versé 50 millions de francs aux collectivités locales.

Inquiétudes infondées

A l’heure de se prononcer sur la RFFA, le 19 mai prochain, certaines communes éprouvent également des craintes pour leurs recettes. Ces inquiétudes sont infondées: les pertes fiscales des cantons seront compensées notamment par le relèvement de 17% à 21,2% de la part des cantons au produit de l’impôt fédéral direct. Globalement, ces derniers recevront ainsi 990 millions de francs supplémentaires, le canton de Vaud encaissant, pour sa part, un peu plus de 110 millions dès 2020, dont le tiers ira aux communes. Rappelons qu’avec l’entrée en vigueur du projet AVS-fiscalité, les sociétés internationales paieront davantage d’impôts.

Les chiffres le disent: la RFFA n’impliquera pas de pertes fiscales significatives pour les communes. On estime ainsi qu’une vingtaine d’entre elles subissent des baisses de recettes de plus d’un million de francs avec la RIE III, et non avec la RFFA. Des pertes globalement compensées, comme on l’a vu. En réalité, c’est la modification des règles de calcul de la péréquation intercommunale, liée à cette même RIE III, qui a induit une charge plus importante pour les collectivités locales disposant d’un point d’impôt élevé, et cela dès 2017. Il faut aussi pointer du doigt le poids de la facture sociale, soit plus de 780 millions à la charge des communes en 2018. Et le budget 2019 prévoit des dépenses de 822 millions…

En un mot comme en cent, la loi relative à la réforme fiscale et au financement de l’AVS n’est en rien responsable des tourments budgétaires que rencontrent les communes. Voilà une bonne raison pour leurs élus de glisser un oui déterminé dans les urnes le 19 mai prochain.

Viser l’excellence seul dans son coin est illusoire

La Suisse se place en troisième position des meilleurs systèmes de hautes écoles internationaux selon le classement d’un institut britannique. Cette position flatteuse tient autant au génie helvétique qu’à son ouverture sur le monde.

La richesse d’un pays se mesure à l’aune de son PIB et donc à la performance de ses entreprises. Mais elle s’apprécie aussi par sa capacité à dispenser des formations de qualité pour assurer la pérennité et le développement de son économie. Dans une récente publication, Avenir Suisse relevait que «la haute qualité du système de formation tertiaire, avec des hautes écoles bien connectées à l’étranger, est d’une grande importance pour la place économique suisse. Elle attire du personnel hautement qualifié et renforce la force d’innovation de notre pays dans son ensemble. La réussite économique de la Suisse dépend donc dans une large mesure des compétences développées dans notre système de formation et d’innovation.»

De ce point du vue, la Suisse fait bonne figure depuis de nombreuses années au plan international. Le dernier classement établi par QS World University Ranking, institut britannique de conseil, vient confirmer cette réjouissante constance. Selon l’échelle de Quacqarelli Symonds (QS), qui tient compte de différents indicateurs, notre pays se place en troisième position des meilleurs systèmes de hautes écoles au niveau mondial en 2018. Elle n’est devancée que par les États-Unis et par la Grande-Bretagne. Cinq établissements figurent dans le top 100: l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) au 19e rang, l’Uni de Zurich au 54e, l’Uni de Genève au 59e, l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) au 81e et l’Uni de Bâle au 96e rang. L’Université de Lausanne (Unil) progresse dans ce palmarès et se trouve aux portes des 100 meilleures. Elle a probablement bénéficié de la renommée du professeur Jacques Dubochet, prix Nobel de chimie en 2017, comme l’a dit dans la presse Nouria Hernandez, rectrice de l’Unil.

Mieux encore, dans deux branches, les Hautes écoles helvétiques sont même les meilleures du monde: l’École hôtelière de Lausanne (EHL) est passée du 2e au 1er rang. Quant à l’EPFZ, elle conserve la position de tête qu’elle détient depuis plusieurs années dans le domaine des biosciences. Dans le domaine «Computer Science & Information Systems», l’EPFL passe du 18e rang au 8e (l’EPFZ est 9e) et dans le domaine «Engineering – Electrical & Electronic», l’école lausannoise progresse du 16e au 9e rang. Le ranking de QS prend également en considération la prestation scientifique, à savoir notamment le nombre de publications ou le nombre d’études citées par d’autres études. Cette année, ces critères ont contribué de manière significative au succès des Hautes écoles suisses.

Indispensable ouverture

Ces performances enviables ne tombent évidemment pas du ciel. Elles résultent de la volonté des autorités d’investir dans l’une des rares matières premières que notre pays possède, à savoir la matière grise. Le génie suisse ne se suffit cependant pas à lui-même: il dépend aussi des échanges avec l’étranger. L’ouverture au monde reste primordiale. À la veille de s’exprimer sur deux objets touchant nos relations avec l’Union européenne (RFFA et loi sur les armes, le 19 mai prochain), la population serait bien avisée de se souvenir des effets désastreux de l’acceptation, le 9 février 2014, de l’initiative «Contre l’immigration de masse». L’automne dernier, le Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation a publié un rapport qui fait état de ces dégâts, chiffres à l’appui. Ainsi, de 2014 à 2016, notre pays n’a eu que partiellement accès au 8e programme-cadre européen de recherche, nommé Horizon 2020. Il s’agissait clairement d’une mesure de rétorsion découlant de ce scrutin. L’estimation fédérale est frappante: de 2014 à aujourd’hui, l’enveloppe globale a fondu à 1,1 milliard par rapport à celle allant de 2007 à 2013, qui s’élevait à 2,5 milliards de francs. Le scrutin du 9 février a donc coûté 1,4 milliard à la recherche suisse.

Viser l’excellence seul dans son coin est illusoire. Le partage d’expériences et les échanges restent des conditions de base pour y parvenir.

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Après le Brexit, le CHexit ?


Sourires, poignées de mains, à deux et même à trois : le 11 février dernier, Berne a vécu l’une de ces signatures qui ravissent les ministres, où les paraphes concrétisent d’intenses négociations et portent de belles promesses.
La Suisse et le Royaume-Uni ont signé un accord commercial qui reprend (presque) toutes les conditions de libre-échange fixées dans les accords bilatéraux avec l’Union européenne, garantissant une continuité des transactions économiques entre les deux pays même dans l’éventualité d’un « Brexit dur », c’est-à-dire d’une absence de ratification par le parlement britannique de l’accord de sortie négocié par la Première ministre Theresa May. Pour rappel, la date butoir, sur laquelle l’UE a exclu de revenir, est le 29 mars, soit demain.

L’accord Suisse – Royaume-Uni est le plus important du genre signé par Londres depuis que les sujets de Sa Très Gracieuse Majesté ont décidé de quitter l’Union européenne. Il a même été étendu par convention au Liechtenstein – ce qui explique l’effusion à trois devant les caméras. On ironise, mais ce texte ne représente pas rien. Quelques chiffres pour s’en convaincre :  en 2017, le Royaume-Uni représentait le 6e marché d’exportation (11,4 milliards de francs) et le 8e marché d’importation (6 milliards de francs) pour la Suisse. Pour les Britanniques, la Suisse est le 5e pays hors UE qui achète le plus ses biens. Valeur totale des échanges commerciaux en 2017 : plus de 41 milliards de francs. Et les investissements directs réciproques se montent à plus de 110 milliards de francs, très légèrement en faveur de Britanniques.

Des risques pour la Suisse
En résumé, un accord qui pérennise les conditions actuelles d’échange entre deux pays aussi imbriqués économiquement ne peut être que salutaire. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Car c’est en se penchant sur les commentaires outre-Manche que l’on mesure ce que la Suisse risque dans cette affaire. Pour les observateurs de la politique économique britannique, l’étape « suisse » est un bien maigre butin, les pays-clés pour l’économie du Royaume-Uni n’ayant pour l’heure même pas daigné discuter d’un texte similaire. Personne ne semble croire à un Brexit dur… ou alors, chacun cache bien son jeu et attend pour voir quelles opportunités s’offriront si d’aventure il faut négocier pied à pied avec Londres de nouveaux cadres bilatéraux.

Un cas de figure qui pourrait bien pendre au nez de la Suisse. A force de repousser sans cesse les limites d’un accord cadre avec l’Union européenne, le Conseil fédéral prend le risque majeur de voir sa cause assimilée à celle du déserteur britannique. Après le Brexit, le CHexit ? Bien sûr, la Suisse n’est pas membre de l’UE. Mais elle a construit avec celle qui compte pour 60% de ses exportations une relation politico-économique équilibrée, patiemment ajustée, qui nécessite aujourd’hui une nouvelle base pour prolonger ce lien bilatéral à succès. L’Union européenne pourrait drastiquement revoir les conditions de ces « bilatérales » qui semblent aller de soi pour nous, à tel point que certains ne se rendent plus vraiment compte de leur importance, et s’imaginent qu’elles sont gravées dans le granit des Alpes.

L’accord-cadre institutionnel négocié avec l’UE, présenté en décembre dernier par le gouvernement, comporte surtout des avantages pour la Suisse. Cessons de les minimiser et prenons plutôt conscience de leur caractère essentiel pour la santé de notre tissu économique. Imaginons un instant devoir renégocier « à la britannique » avec l’Europe… ce serait lâcher la proie pour l’ombre.

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