Un revenu qui repose sur de mauvaises bases

L'initiative populaire fédérale «Pour un revenu de base inconditionnel» (RBI), sur laquelle le peuple et les cantons sont invités à se prononcer le 5 juin prochain, part d'une idée a priori généreuse: octroyer, via une caisse publique, une rente mensuelle suffisante à chaque personne pour vivre, de sa naissance à sa mort, quels que soient ses autres revenus ou sa fortune. Les initiants n'articulent pas de montant précis mais ils évoquent une somme de 2500 francs par adulte et de 625 francs par enfant mineur. Le RBI remplacerait les prestations financières d’aide sociale. Alloué sans condition, il éradiquerait la pauvreté et l’assistanat selon ses promoteurs.

En dépit de ses atours séduisants, cette initiative s'apparente en réalité à une fausse bonne idée, qu'il convient de combattre résolument. Un avis que partagent d'ailleurs le Conseil fédéral, le parlement, le patronat ainsi que la grande majorité des partis politiques, y compris à gauche.

Plusieurs raisons militent en faveur du rejet de cette initiative. Tout d'abord, elle nie toute valeur au travail et aurait de ce fait un effet dissuasif sur la volonté de travailler. Elle saperait la responsabilité individuelle. La Suisse a bâti sa prospérité sur le labeur et le génie de ses entrepreneurs. Quel message serait ainsi donné à la jeune génération en cas d'acceptation? Que l'on n'a pas besoin de se retrousser les manches pour obtenir un revenu! Accepter ce texte reviendrait en outre à faire fi du facteur intégrateur du travail au sein de la société.
Et s'il est bien connu que tout travail mérite salaire, tout salaire mérite travail!

De surcroît, cette initiative aurait un coût insupportable pour la collectivité, générant des dépenses que la Confédération évalue à plus de 200 milliards de francs par année. Elle induirait des hausses massives d'impôts, mettrait à mal notre système de prévoyance sociale, creuserait un trou béant dans les caisses publiques et menacerait la compétitivité de la place économique suisse. Le Conseil fédéral redoute à juste titre qu'une acceptation de ce texte provoque une diminution de la main-d'œuvre, notamment qualifiée. Avec, à la clé, des risques de délocalisations et, pour corollaire, un accroissement du travail au noir. En clair, l'instauration d'une telle rétribution déséquilibrerait dangereusement le marché de l'emploi.

Ensuite, l'argument selon lequel le plein-emploi serait bientôt une vue de l'esprit en raison du progrès technique ne résiste pas davantage aux faits. Les avancées technologiques qui ont accompagné le développement de l'industrie au fil des décennies ont, bien au contraire, libéré les travailleurs des activités pénibles et répétitives. Le progrès a même accru leur bien-être sans causer pour autant une hausse du chômage.

Et ne soyons pas naïfs: s'il était accepté, ce revenu de base constituerait un appel d'air pour l'immigration à une époque où les flux migratoires sont loin d'être sous contrôle en Europe.

Difficile, enfin, d'imaginer que l'introduction du RBI susciterait des vocations bénévoles dans la mesure où son octroi n'est lié à aucune obligation. Et cela même si l'oisiveté lasse plus promptement que le travail.

Pour toutes ces raisons, il s'agira de glisser un non résolu dans l'urne le 5 juin prochain.

Claudine Amstein

Claudine Amstein est la directrice de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie, depuis 2005. Après avoir été juriste et secrétaire générale de la Chambre vaudoise immobilière, elle en reprend la direction en 1993. Elle a été constituante au Grand Conseil vaudois, avant d’en être députée pendant dix ans. Elle est très engagée dans les associations faîtières de l'économie suisse.