Trop d’initiatives de mise en oeuvre : quelles solutions?

Référendum et initiatives populaires s'enchaînent depuis quelques années. Jamais, depuis l'introduction du droit d'initiative, les Suisses n’ont autant voté.

Après les initiatives marketing pour occuper l'espace médiatique avant les élections, les initiatives de mise en œuvre apparaissent comme un nouveau type de détournement de ce droit populaire fondamental. Le dernier exemple en date: les Jeunes Verts ont lancé une initiative qui a pour but de limiter la création de nouvelles zones à bâtir, alors même que le débat bat son plein sur l'application des exigences découlant de la première votation sur l'aménagement du territoire (LAT), et que nous ne pouvons pas encore en mesurer totalement les effets.

Le droit d'initiative, initialement prévu pour permettre aux minorités de pouvoir se faire entendre, semble perdre son sens originel. Il est toujours plus utilisé par les partis gouvernementaux, qu'ils soient de gauche ou de droite. Soit pour occuper l'espace médiatique et politique, soit pour forcer le Parlement à élaborer une loi plus accommodante, alors même que le délai d'application de la législation acceptée n'est pas encore échu.

Les partis gouvernementaux ont été élus démocratiquement et, à ce titre, ils doivent assumer leur responsabilité de faire avancer les dossiers en trouvant des compromis. Et ce, avant de lancer des initiatives. L'économie, comme le peuple attend de la visibilité, de la cohérence dans leurs actions, pas des moulinets.

Avec les menaces d'initiative d'application de l'initiative du 9 février sur l'immigration, nous sommes au cœur de cette dérive. Le Parlement doit faire son job, les élus et partis doivent assumer leur responsabilité. A la fin du processus, le recours au référendum reste toujours possible. Brandir le vote avant la discussion – ainsi qu’à tous les stades de la discussion – ne permet pas d’avancer sereinement.

Nous assistons au final à une perte des valeurs qui font pourtant la richesse de nos droits populaires tellement enviés par nos voisins européens. Les initiatives qui ne sont rien d'autre qu'une radicalisation du marketing électoral ne présentent jamais clairement les vrais enjeux et les conséquences d'un "OUI" dans l'urne.

N'a-t-on pas entendu l'UDC faire croire aux citoyens que l'initiative du 9 février ne poserait aucun problème vis-à-vis de l'Europe? Qu'il suffisait à nos diplomates de faire un tour de magie pour que tout rentre dans l'ordre? Ce sont les mêmes qui maintenant mettent en doute l'utilité des accords bilatéraux pour l'économie suisse. Le débat sur notre politique européenne est nécessaire, mais il est irresponsable et malhonnête de prétendre qu'il ne concerne pas l'initiative sur l'immigration de masse.

Encore une fois, la limitation des droits populaires n'est pas une option. Il ne semble pourtant pas exagéré de demander aux initiants d'assumer les textes qu'ils soumettent aux citoyens en expliquant clairement leurs conséquences et aux élus de faire le boulot au Parlement avant de lancer des initiatives. Il s'agit du simple respect du peuple. Cela évitera ainsi que les jeunes ne trouvent pas les partis politiques crédibles, comme le montre le dernier sondage Sophia présenté au Forum des 100.

Claudine Amstein

Claudine Amstein est la directrice de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie, depuis 2005. Après avoir été juriste et secrétaire générale de la Chambre vaudoise immobilière, elle en reprend la direction en 1993. Elle a été constituante au Grand Conseil vaudois, avant d’en être députée pendant dix ans. Elle est très engagée dans les associations faîtières de l'économie suisse.