Le travail change, la loi devra suivre

Le droit du travail actuel est dépassé. Il répond à une conception industrielle du monde, avec la régularité du travail à l'usine. Il est en total décalage avec un nombre croissant de domaine. Le travail en 3/8 n'existe presque plus et les emplois dans le tertiaire sont majoritaires en Suisse. La rigidité des horaires et de la façon de les comptabiliser ne sert plus à rien. Plus c'est rigide, plus il y a des frustrations du côté des employeurs et des employés. Timbrer ou  marquer ses heures n'est pas une garantie du travail bien fait. Les changements dans l'économie, la digitalisation et le développement du secteur des services impliquent une transformation du management qui passe toujours plus souvent par des objectifs et des horaires libres. L'économie semble évoluer plus vite que la loi dans ce domaine. Même dans l'industrie, il y a de nouvelles manières de travailler pour les ingénieurs, les chercheurs et le personnel administratif.

La loi actuelle oblige les entreprises à tenir des registres des horaires de tous les collaborateurs, quel que soit le domaine d'activité et le niveau hiérarchique. Mais la saisie du temps de travail est difficile à mesurer de façon objective. Les cadres, par exemple, peuvent avoir une présence moins forte dans l'entreprise que certains employés. Cela s'explique par des activités à l'extérieur, par des heures  les soirs et les week-ends. Comment mesurer le temps passé à consulter ses mails chez soi ou à répondre au téléphone ? Il y énormément de domaines où le timbrage est inadapté.

Pour réduire l'écart entre l'obligation légale et la réalité quotidienne des entreprises, le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann a proposé d'assouplir les modalités de saisie de certains collaborateurs. Sont concernés les employés qui jouissent d’une large autonomie en matière d’horaires et dont le salaire brut annuel est d’au moins 120’000 francs par an. Ils ne seront donc plus obligés de saisir leurs heures de travail. Ces modifications, même si elles vont dans le bon sens, ne vont pas assez loin et ne règlent pas le décalage avec la réalité économique. Elles sont soumises à des conditions, dont celle de passer par "des repésentatns des travailleurs au sein d'une entreprise ou d'une branche". Cette notion de "représentants" n'est pas claire. Elle peut être vue comme l'obligation de passer par une représentation élue des travailleur et la majorité des entreprises ne dispose pas de telles structures. La solution proposée n'est pas optimale, mais elle a le mérite de faire un pas dans le sens de l'assouplissement et surtout de mettre en relief les conceptions qu'on peut avoir du suivi des heures de travail.

La question de l'enregistrement du temps de travail est trop vaste et n'est pas réglée avec cette ordonnance. Il sera inévitable d'y revenir et de procéder à une autre révision, plus en adéquation avec notre époque. La saisie rigoureuse des heures qui prévaut encore n'est plus compatible avec une logique de flexibilisation basée sur la confiance et généralement souhaitée autant par les travailleurs que les employeurs. Des horaires trop rigides et sans exceptions n'ont plus rien à faire dans la société actuelle.

Claudine Amstein

Claudine Amstein est la directrice de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie, depuis 2005. Après avoir été juriste et secrétaire générale de la Chambre vaudoise immobilière, elle en reprend la direction en 1993. Elle a été constituante au Grand Conseil vaudois, avant d’en être députée pendant dix ans. Elle est très engagée dans les associations faîtières de l'économie suisse.