Révolution |:| Carte Postale de Montevideo n°3

 

(Version en español a continuación)

Le langage de la pensée

Depuis notre arrivée, une des premières choses à avoir attiré mon attention, c’est ce langage inclusif que j’entends partout. En français, je le voyais principalement par écrit, en espagnol je l’entends. Les “a” et les “o” deviennent “e”, et à l’écrit, on remplace toutes ces lettres par “x”. Par exemple, todas/todos (toutes/tous) devient todxs, prononcé /todés/.

Beaucoup de gens se plaignent, catalogant ce langage émergent comme maniérisme anti-sexiste superflu. Il y a de la résistance dans les rangs, comme d’habitude! Pour ma part, je me suis rendue compte à l’oreille à quel point le langage influence la pensée et remet certaines habitudes en question. Le jour où une femme, prenant la parole devant un collectif mixte a dit: “Nosotras todas” en parlant de nous tous, j’ai eu un sursaut, et puis j’ai compris.

Femmes aux tambours

Parmi les groupes féministes dont j’ai entendu parler, le plus manifeste est celui qui descend dans la rue à chaque fois qu’une femme meurt de violences que l’on dit “de genre”, qui sont pour la plupart des violences domestiques, infligées par un conjoint. Anciennement appelés “drame passionnel”, le terme couvrait assez généreusement le ou la meurtrière, comme si la violence, lorsqu’elle est emballée dans une histoire “d’amour” était excusable à moindre frais.

Je me suis rendue à l’une de ces marches en février, c’était la deuxième, en hommage à la deuxième femme victime de l’année signalée en Uruguay. Nous n’étions pas beaucoup, j’enregistrais les slogans qu’elles scandaient et j’ai été emportée loin, par le sentiment qu’il y avait quelque chose de juste à faire ça comme ça, ensemble à coups de tambours. Tocan a una, tocan a todas (ils touchent à une, ils touchent à toutes).

Quand je suis passée par Buenos Aires, j’ai vu les mêmes mouvements féministes, intensifiés par la densité de population, mais surtout par le fait qu’en Argentine, l’avortement n’est toujours pas un droit acquis. En réalité, l’avortement n’est légal dans aucun pays d’Amérique latine, sauf l’Uruguay, Cuba et le Guyana. Ce qui donne lieu à des aberrations inqualifiables comme cette petite fille de 11 ans qui a dû accoucher par césarienne d’un enfant, produit d’un abus par le conjoint de sa grand-mère, au bout de 23 semaines de gestation, parce que l’administration de la province de Tucumán ne lui accordait pas l’autorisation d’avorter. C’était en 2019, pas au siècle dernier.

Pour pallier à ce non-droit, dans plusieurs pays, les femmes ont créé des réseaux d’entraide à l’avortement. Surtout pour aider les plus démunies, parce qu’il est évident que comme le soulignent quelques tags dans les rues, “Las ricas abortan, las pobres mueren”, les riches avortent, les pauvres meurent.

Et c’est au Salvador que l’on atteint tristement le sommet de l’injustice en condamnant les femmes à la prison ferme pour fausse couche. Le magazine Konbini a fait un reportage accablant sur le sujet.

R-évolution

Oui il serait temps de reprendre la révolution là où nous l’avons laissée.

Même si le mot n’est peut-être pas le plus adéquat. Parce qu’il implique violence et prise de pouvoir. Et que le but n’est certainement pas la vengeance ni le renversement de domination. Mais il semble que nos mécanismes nous poussent à faire un détour par la case radicalité avant d’arriver à un nouveau modèle de cohabitation. Il ne fait pas bon être un homme par les temps qui courent, tristement. Personæ non gratæ, ouvertement ou tacitement, aux marches du 8 mars qui ont eu lieu un peu partout dans le monde, ceux qui soutiennent les femmes dans leur r-évolution sont écartés, malgré que ce soit un changement social qui, je pense, ne peut pas s’opérer chacun de son côté. La tempête doit passer, le temps faire son travail.

Dans le mot révolution, j’entends aussi le mot volonté, le mot évolution, et en espagnol, le mot mélanger (revolver), comme on mélange de la farine et de l’eau pour faire du pain, mélanger du masculin et du féminin pour trouver de nouveaux accords. Et tous ces mots résonnent ensemble dans un grand brouhaha qui demande à être compris.

Mais nous n’en sommes pas encore là. Malheureusement.

L’histoire avec une grande H

Il semblerait que nous soyons tous d’accord pour ce que l’on appelle “l’égalité”, mot devenu vaporeux auquel chacun attribue son sens. De même que nous sommes tous pour la paix dans le monde et la fin de la famine, on veut tous que les femmes aient les mêmes droits, les mêmes salaires, les mêmes avantages et inconvénients que les hommes, et vice-versa, en revanche, dès qu’il s’agit de passer à la pratique, personne ne sait comment faire. Il manque un mode d’emploi, et un dictionnnaire de traduction pour se comprendre. On en revient au langage, et à un mal dont les racines sont profondes.

On sait qu’il faudrait par exemple réécrire tous les manuels scolaires, les problèmes de math ne se résumeraient plus à: si papa plante six clous pour monter l’étagère après le travail et que maman range trois éponges après avoir récuré le sol, combien d’enfants reste-t-il.

Quant aux manuels d’histoire, il y aurait de quoi faire.

La bonne nouvelle c’est que c’est dans l’air du temps de réécrire l’histoire à travers le prisme féminin. Pour ne citer que ces deux exemples, Clara et Julia Kuperberg ont revisité l’histoire de la création de Hollywood et des débuts du cinéma avec leur film documentaire “Et la femme créa Hollywood“. Elles sont allées exhumer les femmes réalisatrices, auteurs, productrices, oubliées de l’histoire qui étaient pourtant là, actives dès le début du XXe siècle. Et au passage, pour information, la moitié des films tournés avant 1925 ont été écrits par des femmes. De leur côté, Laura Cazador et Fernando Perez, eux, sont allés repêcher l’histoire de Enriqueta Faber, médecin suissesse partie exercer à Cuba, et en ont fait “Insumisas” avec Sylvie Testud.

Sans oublier tous les livres sur les sorcières qui se multiplient pour nous remémorer “notre” histoire, laissée sur le bas-côté de l’Histoire, comme le tout frais Sorcières, de Mona Chollet, ou Rêver l’obscur : femmes, magie et politique de Starhawk. Là pour nous rappeler que nous avons des petits pouvoirs magiques qu’il serait bon de réapprendre à utiliser au quotidien. Réenchanter le monde, comme dit Mohamed Taleb, le philosophe qui m’a remis la femme au centre avec sa conférence sur les sorcières et le capitalisme, mais pour cela, sortir de l’amnésie chronique qui pousse chaque génération d’activistes à recommencer depuis zéro, là où du chemin a déjà été fait.

Et le béton dans tout ça?

Je ne l’oublie pas, mais il me semblait important pour cette pleine lune de mars, de mettre l’accent sur ce grand mouvement qui demande un changement, parallèlement aux jeunes qui marchent pour le climat. En avril je reviendrai sur nos projets qui ne restent pas imperméables à la marche du monde et qui au contraire, s’en nourrissent.

 

 

Revolución |:| Postal de Montevideo n°3

 

El lenguaje del pensamiento

Desde que llegamos, una de las cosas que ha llamado mi atención es el lenguaje inclusivo que se oye por todas partes. En francés lo veía principalmente por escrito. En español lo oigo. En lugar de terminar las palabras por “a” u “o”, se les termina en “e”, y por escrito una “x” reemplaza todas esas letras. Por ejemplo, todas/todos se transforma en todxs y se pronuncia todes.
Cierta gente se queja, catalogando ese lenguaje emergente como manierismo anti-sexista innecesario. Resistencia hay, como siempre! Por mi parte, me he dado cuenta por el oído, hasta qué punto el lenguaje influencia el pensamiento y pone ciertos hábitos en tela de juicio. El día que una mujer, tomando la palabra delante de una asamblea mixta, dijo “Nosotras todas” hablando de todos los presentes, tuve un arrebato de inquietud, y después entendí.

Mujeres a los tambores

Entre los grupos feministas de los que he oído hablar, el más visible es el que baja a la calle cada vez que una mujer muere víctima de violencia que llaman “de género”, y que son por lo general violencias domésticas infligidas por un cónyuge. Antiguamente se les llamaba “dramas pasionales”. El término cubría generosamente el o la asesina, como si la violencia cuando se desboca en una historia de “amor” fuera mas fácilmente excusable.

Fuí a una de esas marchas en Febrero, era la segunda, en homenaje a la segunda mujer víctima del año en Uruguay. No éramos muchas. Yo grababa las consignas que ellas gritaban, y me dejé arrastrar lejos, por el sentimiento que era justo hacer eso así, juntas, a golpe de tambores. “Tocan a una, tocan a todas”.
Cuando estuve en Buenos Aires, ví los mismos movimientos feministas, multiplicados por la densidad de la población, pero sobretodo por el hecho de que en Argentina el aborto no es aún un derecho adquirido. En realidad, el aborto no es legal en ningún país de América latina, salvo en Uruguay, Cuba y la Guayana. Esto da lugar a aberraciones incalificables como el caso de la niñita de 11 años que dió a luz por cesárea a un niño, producto de un abuso cometido por el cónyuge de su abuela, al cabo de 23 semanas de gestación, porque la provincia de Tucumán no le daba la autorización de abortar. Era en 2019, no en el siglo pasado.
Para contrarrestar esa negación de derecho, en muchos países se han creado redes de ayuda al aborto. Sobre todo para ayudar a las desfavorecidas, porque como lo subrayan algunas pintadas en las calles “las ricas abortan, las pobres mueren”. Es en El Salvador que tiene el triste record de injusticia, condenando a las mujeres a penas de prisión por aborto espontáneo. La revista Konbini hizo un reportaje sobrecogedor sobre el tema.

R-evolución

Sí, ya es hora de retomar la revolución allí donde la dejamos.


Incluso si el término no es el más adecuado ya que implica violencia y toma del poder.
Y que el objetivo no es ni la venganza ni el reemplazo de la dominación. Pero parecería que nuestros mecanismos nos empujan a dar un rodeo por una cierta radicalidad antes de llegar a un nuevo modelo de cohabitación. No es cómodo ser un hombre en estos tiempos, tristemente. Personae no gratae, abierta o tácitamente, en las marchas del 8 de Marzo, que tuvieron lugares alrededor del mundo, los que sostienen a las mujeres en su r-evolución, son rechazados, a pesar de que es un cambio social, que, pienso, no se puede hacer cada uno por su lado. La tempestad debe pasar y el tiempo hacer su trabajo.

En esta palabra, revolución, me refiero a otras palabras como voluntad, evolución y en español, la palabra revolver, como se revuelve la harina y el agua para hacer pan, masculino y femenino para encontrar nuevos acuerdos. Y todas esas palabras resuenan juntas en un gran alboroto que pide que lo aclaremos.
Pero todavía no estamos allí. Desgraciadamente.

La historia con H(acha) mayúscula

Pareciera que estamos todos de acuerdo con el término “igualdad”, palabra vaporosa a la que cada cual da su propia interpretación. Igual que estamos todos de acuerdo con la paz en el mundo y el fin del hambre, queremos que las mujeres tengan los mismos derechos, los mismos sueldos, las mismas ventajas e inconvenientes que el hombre, y vice-versa. Pero cuando se trata de pasar a la práctica, nadie sabe cómo hacerlo. Falta un libro de instrucciones y un diccionario de traducción para entenderse. Volvemos al lenguaje y a un mal de raíces profundas.
Sabemos por ejemplo que habría que reescribir los manuales escolares, los problemas de matemáticas no se reducirían a: si papá clava 6 clavos para armar la estantería después del trabajo y que mamá guarda tres esponjas después de haber frotado el suelo, cuántos niños quedan.
En cuanto a los manuales de historia, queda aún mucho por hacer.
La buena noticia es que está de moda de reescribir la historia desde un prisma femenino. Por no citar más que estos dos ejemplos, Clara y Julia Kuperberg revisitaron la historia de la creación de Hollywood y de los principios del cine en su película documental “Y la mujer creó Hollywood“. Fueron a recuperar las mujeres directoras, autoras, productoras, olvidadas por la historia, que estaban allí desde el principio del siglo XX. Y dicho sea de paso, la mitad de las películas filmadas antes de 1925 fueron escritas por mujeres. Por su lado, Laura Cazador y Fernando Perez recuperaron la historia de Enriqueta Faber, médica suiza en Cuba, y realizaron “Insumisas”con Sylvie Testud.
Sin olvidar todos los libros de brujas que se multiplican para rememorarnos “nuestra” historia, dejada en la acequia de la Historia, como el reciente Brujas, de Mona Chollet, o Alma de Bruja de Odile Chabrillac, o el más clásico Soñar lo obscuro: mujeres, magia y política de Starhawk. Todos allí para recordarnos que tenemos pequeños poderes mágicos que sería útil para usarlos cotidianamente.
Volver a reencantar el mundo, como dice Mohammed Taleb, el filósofo que me ha puesto la mujer de vuelta en el centro con su conferencia sobre las brujas y el capitalismo, pero para ello, salir de la amnesia crónica que empuja a cada generación de activistas a recomenzar de cero, allí donde parte del camino ya fué hecho.

Y el hormigón en todo esto?

No lo olvido, pero me parecía importante para esta luna llena de Marzo, de poner el acento en ese gran movimiento que exige un cambio, paralelamente a los jóvenes que marchan por el clima. En Abril, volveré a nuestros proyectos que no son impermeables a la marcha del mundo, sino todo lo contrario, se alimentan de ella.

 

3 réponses à “Révolution |:| Carte Postale de Montevideo n°3

  1. Merci/Choukrane pour ce clin d’œil à propos des sorcières et de ma conférence…
    Mohammed Taleb

  2. Génial comme d’hab, ma chère Vania!
    Chanceuse de t’avoir rencontré à Montevideo, de compter avec ton oeil et ta sensibilité pour nous
    re-montrer notre pays et nos gens au clair de la lune.
    Abrazo y hasta muy pronto

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