Lettre du Chili

J’avais l’intention de clore le projet Yann Marussich en Uruguay, d’abord et passer à la suite après. Une certaine idée de l’ordre que j’ai dû intégrer par inadvertance. J’avais même une petite idée de ce qui viendrait après avoir fini le film. Mais la vie c’est pas comme ça. Elle fait comme elle veut. C’est parfois une sorte d’ouragan qui souffle que l’ordre, ça n’a pas d’importance, ou peut-être même, que ce que l’on avait prévu n’était pas sur la carte du menu.
J’ai voulu croire qu’en 2019, on pouvait travailler à distance, dans notre monde moderne. C’est sans doute vrai pour un tas de choses, mais pas pour faire un film. S’asseoir ensemble face aux images, prendre de grandes décisions en échangeant un regard déterminé, ça ne peut pas se faire sur skype, malgré l’illusion. Alors je suis revenue en Uruguay travailler avec ma monteuse et musicienne Cecilia, cet automne.
Nous avancions dans la construction de ce film qui se rallongeait chaque jour un peu plus. Je cherchais l’histoire universelle qui se cachait dans mes images. Comme cet homme qui sculpte un immense bloc de pierre et finit par trouver la forme qui se trouvait à l’intérieur. Comment à partir du travail d’un seul artiste, parler de l’ensemble de nos problèmes métaphysiques en tant qu’humains… C’est délicat. Je suis une marionnettistes qui par ses choix peut faire dire ce qu’elle veut à ses personnages. Les limites de mon champ de liberté sont toutes estompées. Mon travail consiste à donner du sens à une histoire inventée à partir de bribes de réalité. J’en arrive à me demander si le documentaire n’est pas une invention conceptuelle mal rangée. Bref, j’étais là, tranquillement dans mon élément en train de fabriquer un film.
Et puis la mi-octobre est arrivée et tout ce petit équilibre a basculé. La crise sociale a explosé au Chili. J’ai commencé à écouter la radio, à suivre des inconnus sur les réseaux sociaux, et je n’en ai plus décollé. Je suivais les manifestations, les slogans sur les murs, les chants du peuple, la répression policière, l’inaction du gouvernement, le coeur tout serré.
Quelque chose d’étrange a commencé à m’envahir, j’ai mis du temps à comprendre ce que c’était. J’avais un billet de retour pour Genève le 23 novembre et j’allais avoir du mal à monter dans cet avion et rentrer comme si de rien n’était. J’ai fini par traduire mon implosion intérieure. Ce qui était en train de se passer dans le pays d’origine de mes parents ressemblait de plus en plus à une répétition du scénario de 1973 qui les avait amené à devoir s’exiler. C’était comme si je voyais se dérouler sous mes yeux la raison pour laquelle je suis née en Suisse. Et il fallait que j’aille étudier cette raison de près.
Je suis allée au bout de ce premier montage. Il dure 1h17, ce qui fait 77 minutes, une longueur de bonne augure. Je savais qu’il fallait laisser passer du temps avant de le revoir avec un regard neuf et savoir si ce que nous avions fait avec Cecilia tenait la route. Le 23 novembre, je me suis rendue à l’aéroport comme prévu, et je me suis envolée dans l’autre sens, direction le Chili. Mon père était là-bas, il avait tout fait pour me convaincre de ne pas y aller. Un vrai papa comme on n’en fait plus. Je ne suis pas restée à Santiago pour pouvoir voir de mes propres yeux ces échos du passé. Lui, il se retrouvait à une place qui devait ressembler à celle de son propre père il y a 46 ans. C’était mignon, il m’a défendu d’aller à des marches de protestations. Et effectivement, il n’y avait sans doute personne de mieux placé que lui autour de moi pour savoir de quoi étaient capables les Carabineros. Depuis l’Uruguay, j’avais pu voir sur mon petit écran la violence des forces du désordre de ce pays qui part en lambeaux. Une violence qui paraît inconcevable en 2019, quand on a grandi à Genève.
La cordillère des Andes m’a toujours semblé être comme un mur entre le Chili et le reste du monde, un mur qui vous fait vous sentir loin de tout, et lorsqu’une crise comme celle-ci éclate, la sensation que vous pourrez crier aussi fort que vous le voudrez, personne ne vous entendra.

 

 

(Versión español)

Tenía primero la intención de finalizar el proyecto Yann Marussich en Uruguay , y pasar después al siguiente. Una cierta idea del orden que debí asimilar por descuido. Tenía una ligera idea de lo que venía después de haber terminado
la película. Pero la vida no es así de simple. Hace lo que se le antoja. Es una especie de huracán que sopla que el orden no tiene importancia, o tal vez incluso, que lo que habíamos previsto no estaba en la carta del menú.

En 2019 quise creer que se podía trabajar a distancia. Sin duda, esto es cierto para un montón de cosas, pero no para hacer una película. Sentarse juntas frente a las imágenes y tomar grandes decisiones intercambiando una mirada determinada no se puede hacer por Skype a pesar de la ilusión. Así que volví a Uruguay en el otoño para trabajar con Cecilia, mi editora y autora de la música. Avanzábamos bien en la construcción de esa película que se alargaba cada día un poco más. Buscaba la historia universal que se escondía en mis imágenes. Como ese hombre que esculpe un inmenso bloque de piedra y termina por encontrar la forma que se escondía en su interior.

Como a partir del trabajo de un solo artista, hablar del conjunto de nuestros problemas metafísicos en tanto seres humanos…porque, claro, es hacia allá que me quiero dirigir. Es delicado, soy una marionetista que, por sus elecciones ,hace decir lo que quiere a sus personajes. Los límites de mi campo de libertad se van borrando. Mi trabajo consiste a dar un sentido a una historia inventada a partit de fragmentos de realidad. Llego a preguntarme si el documental no es una invención conceptual mal ordenada. En resumen, estaba allí tranquilamente en mi elemento fabricando una película.

Y poco después de mediados de octubre, este equilibrio se derrumbo. El estallido social empezó en Chile. Comencé a escuchar la radio compulsivamente, a seguir desconocidos en las redes sociales, y en ello me quedé. Seguía las manifestaciones, los eslóganes en los muros, los cantos del pueblo, la represión policial y la inacción del gobierno con el corazón acongojado.

Algo extraño comenzó a invadirme. Tenía un pasaje de vuelta a Ginebra para el 23 de Noviembre, supe bastante rápido que me costaría mucho subir a ese avión y volver como si no ocurriese nada.
Finalmente logré traducir mi implosión interior. Lo que estaba ocurriendo en el país de origen de mis padres se parecía cada vez más a una repetición del escenario de 1973 que los había llevado al exilio. Era como si viera ante mis ojos la razón por la cual nací en Suiza. Y tenía que ir a ver esta razón de cerca.
Llegué al final de ese primer montaje. Dura 1h17, lo que hace 77 minutos, es una duración de buen augurio. Sabía que había que dejar pasar el tiempo antes verlo nuevamente con una mirada fresca para saber si lo que habíamos hecho con Cecilia
mantenía su vigencia. El 23 de Noviembre fui al aeropuerto como estaba previsto , y partí en el otro sentido, a Chile. Mi padre estaba allí, había hecho todo lo posible para convencerme de no ir. Un verdadero papá como ya no se hacen. Así las cosas, no me quedé en Santiago, debía ver estos ecos del pasado con mis propios ojos. Él se encontró en un lugar que debía parecerse al de su propio padre, hace 46 años.
Era gracioso, no quería que fuera a las manifestaciones. Y efectivamente, no había nadie mejor que él, a mi alrededor, para saber de lo que eran capaces los carabineros. Desde Uruguay había visto por internet la violencia de las fuerzas de desorden de ese país que se desgarra. Una violencia que parece inconcebible en 2019, para alguien que creció en Ginebra.

La cordillera de los Andes siempre me ha parecido ser un muro entre Chile y el resto del mundo, un muro que te hace sentir lejos de todo, y cuando una crisis así explota, la sensación de que puedes gritar tanto como quieras, nadie te oirá.

 

 

Montage slash Nostalgie

(versión española mas abajo)

Je n’ai jamais fait d’album photo. Mais j’imagine que ça doit se passer comme ça:

On ressort de la cave le carton sur lequel il est écrit “photos”. Il est rempli de pochettes contenant les clichés joliment imprimés sur papier mat ou brillant dans un format carte postale. On se met à une grande table, ou directement parterre, juste là où un grand trou spatio-temporel nous attend à coeur ouvert. On sort la première, on sourit, on repense à ce moment tout droit revenu du passé. Une émotion émerge, on sort la deuxième, pressé de re-vivre un autre moment labile mais finalement indélébile. On se retrouve à contempler des images peuplées de souvenirs, de sons, d’odeurs, de ressentis, tous ces hors-champs que notre mémoire a retenus avec ses imprécisions, son désordre et ses réarrangements. Et puis on procède à ce choix draconien qui vise l’essentiel, celui que l’on veut garder et regarder. Le reste retournera à la cave.

“La photographie, c’est la vérité et le cinéma, c’est vingt-quatre fois la vérité par seconde”, dixit Godard.

Il vaut mieux ne pas être nostalgique pour faire ce métier. Faire un film prend du temps, on passe des mois, pour certains parfois des années, à “ressasser” des images du passé. C’est un intense travail de ressassement que de construire une histoire à partir d’images prises à un moment qui n’est plus maintenant. Et ce phénomène devient d’autant plus vrai avec le documentaire, pour sa proximité avec la “réalité”. Une tranche de vie que l’on a, par miracle, réussi à garder pour la reproduire dans le futur.

“Le montage est le seul moment où l’on peut exercer un contrôle sur le film”, dixit Orson Welles.

“Exercer le contrôle” me paraît un peu excessif, mais oui, c’est le moment où jamais de triturer, essayer, modeler, démodeler et surtout, d’élaguer. Il y a toujours plusieurs films possibles parmi les images qui ont été prises, il y a mille manières de raconter la même histoire. Il s’agit de choisir, c’est-à-dire de sacrifier toutes les autres. Comme pour l’album photo.

Si je devais résumer l’état d’esprit, en gros je me balade entre ma pensée présente et ma pensée au moment du tournage et je deviens anachronique.

 

Montaje slash Nostalgia

 

Nunca hice un album de fotos. Pero imagino que es así:

Se va a buscar la gran caja en la que está  escrito « fotos » en el sótano. Está llena de sobres que contienen las fotografías graciosamente impresas sobre papel mate o brillante, en formato “tarjeta postal” 10x15cm. Nos instalamos en una gran mesa, o directamente en el suelo, justo ahí donde un gran agujero espacio-temporal nos espera a corazón abierto. Sacamos la primera, sonreímos, pensamos en ese momento directamente salido del pasado. Una emoción emerge, sacamos le segunda, impaciente por revivir otro momento inestable pero finalmente indeleble. Nos encontramos contemplando imágenes pobladas de recuerdos, de sonidos, de olores, de sentimientos, todos esos fuera del campo de visión de la cámara que nuestra memoria ha retenido, con sus imprecisiones, su desorden y sus reorganizaciones.

Ahi empieza la selección drástica que pretende ir a lo esencial, lo que uno quiere guardar y ojear de vez en cuando.

“La fotografía es la verdad y el cine, es la verdad veinticuatro veces por segundo”, dixit Godard.

Es mejor no ser nostálgico para ejercer esta profesión. Hacer una película toma tiempo, se pasan meses, algunas veces años, repitiendo imágenes del pasado para construir una historia en el presente.

Y ese fenómeno es aún más cierto en un documental, por causa de su proximidad con la «  realidad ». Un tramo de vida que milagrosamente se pudo grabar para reproducirlo una quantidad de veces indefinida.

” El montaje es el único momento en donde se puede ejercer un control sobre la película”, dixit Orson Welles.

“Ejercer el control” me parece algo excesivo, pero sí, es el momento o nunca de triturar, probar, modelar, desenredar y  sobre todo tirar. Siempre hay varias películas posibles entre las imágenes tomadas, y mil maneras de contar la misma historia. Se trata de elegir, o digamos mas bien, sacrificar todas las otras. Igual que para el album de fotos.

Si tuviera que resumir el estado de ánimo, en general me paseo entre mi pensamiento presente, y mi

pensamiento en el momento de la filmación, y esas idas y vueltas me hacen sentir anacrónica.

 

L’Homme Béton || Vidéo-Performance #6

Lune noire d’août

C’était la fin du mois d’avril, l’automne à Montevideo. Il était 6 ou 7h du matin, nous étions seuls sur la playa Ramirez, juste en-dessous du Parque Rodó. L’homme-béton a commencé à marcher vers l’horizon, nous tournait le dos.

Il était déjà loin quand la police est arrivée. L’un des hommes en uniforme m’a demandé inquiet: “Va-t-il mourir?”

 

Luna nueva de agosto

Era el final del mes de abril, el otoño en Montevideo. Hacía un poco de frío. Eran las 6 o las 7 de la madrugada, no había nadie en la playa Ramirez, justo abajo del parque Rodó. El Hombre hormigón empezó a caminar hacia el horizonte.

Ya estaba lejos cuando la policía llego. Uno de los hombres en uniforme me pregunto asustado: “Se va a morir?”

LE CUBE |:| Carte Postale de Montevideo n°5

The End

 

Voilà, c’est fini Montevideo.

Ces quelques mois auront été intenses en travail, mais pas seulement. Le film que je prépare donnera à voir quelques épisodes vécus ici, en résidence entre les murs de l’ex-prison Miguelete transformée en Espace d’art contemporain. Le recyclage n’a pas de limite. Même l’emplacement des fusillés, encore habité de ses fantômes, a été transformé le temps d’une soirée en lieu de performance, vous pouvez en avoir un aperçu dans la Carte Postale de Montevideo n°4: Les Audacieuses.

 

La performance finale de Yann a eu lieu mercredi dernier dans le cadre du festival FIDCU pour clore cette aventure. Il s’est immergé jusqu’au cou dans un cube de béton et j’aurai appris que c’est le propre d’une performance d’avoir lieu, mais pas forcément de se passer comme prévu. Je ne vous en dis pas plus.

 

E.T. Téléphone Maison

 

A l’heure où j’écris ces lignes, Yann est dans l’avion de retour à la maison.

“Rentrer à la maison.”

Comme E.T. ou le Petit Prince, index pointé vers le ciel.

Pour ma part, j’ai surtout gardé le souvenir angoissant de ce dessin animé, Ulysse 31. A chaque épisode, j’espérais qu’il allait enfin arriver chez lui, mais non, il finissait toujours par échouer ailleurs, avant d’échapper in extremis à des méchants sur son vaisseau et se retrouver perdu dans l’espace. Et la semaine suivante, rebelotte.

J’ai décidé de faire comme lui, ne pas me précipiter…

Rester encore un peu pour continuer à travailler sur la structure du documentaire avec ma merveilleuse monteuse Cecilia, qui vit ici, mais aussi pour dire au revoir en douceur à ce joli pays qui m’a rendu le mien.

J’ai toujours trouvé que les gens qui vivaient là où il vivaient avec le sentiment d’être “à la maison” étaient chanceux. Connaître la maison de ses grands-parents. Sentir des racines quelque part, et bénéficier d’une identité claire et irréfutable.

Tout le contraire d’une âme gitane et agitée qui se sent invitée partout, chez elle nulle part et qui cherche inlassablement, sans savoir quoi.

Ce lundi aura lieu “la Marche du silence” dans les rues de Montevideo. Une marche qui rassemble une fois par année une foule d’uruguayens qui réclament justice pour les crimes commis pendant la dictature militaire (1973-1985) et demandent à savoir où sont leurs disparus. Chaque dictature latino-américaine a laissé des disparus dans son empreinte. La sinistre opération Condor a fait des ravages à travers tout le continent tout au long des années 70 et 80 et des centaines de milliers de personnes ont dû quitter leur pays, leurs amis et leur famille pour s’exiler et parfois ne jamais revenir.

J’ai découvert ici ce que j’ai appelé le syndrome de l’enfant d’exilé. Des êtres issus d’un ou de deux parents qui ont dû couper leurs racines ici et tenter de les replanter là-bas, dans un ailleurs inconnu et incertain.

J’ai pu observer chez d’autres, la blessure invisible et pourtant si oppressante de ceux qui ne savent pas d’où ils sont, ni où se mettre et qui au final ont le sentiment de ne cadrer avec aucun décor.

Je suis moi-même issue de l’un de ces exils, mon père a été expulsé du Chili en 1974 avec interdiction de retourner “chez lui” pendant plusieurs années. Ma mère l’a suivi peu après.

J’aurai vécu ici, grâce à la distance, un de ces instants précieux où nous, petits êtres humains, pouvons lire enfin un fragment infime du mystère insondable de nos vies. Et si je retrace le chemin intérieur parcouru pendant ce séjour, je revois les petites pierres qui ont été posées devant moi et qui m’ont guidées jusque-là, à dissiper le nuage.

Pour la première fois, je sens que je rentre à la maison, en Suisse, “mi paísito”. Et ce n’est pas un happy end, mais un happy recommencement.

J’aimerais partager une pensée pour tous ceux qui doivent quitter leur terre natale pour une raison ou une autre, et doivent aller se reconstruire ailleurs et pour leurs enfants qui devront apprendre à se sentir chez eux et construire leur identité propre.

L’Amérique latine est un amalgame de gens venus d’à peu près partout dans le monde pour se mélanger ici. Une des choses qui, il me semble réunit ou disons, adoucit les frontières, c’est la musique. J’ai profité de ce séjour pour me pencher sur les folklores locaux si beaux et vous ai préparé une playlist de chansons majoritairement uruguayennes.

(Versión en Español)

EL CUBO |:| Postal de Montevideo n°5

 

 

The End

Eso es todo. Montevideo se acaba.

Estos meses han sido intensos, en trabajo, pero no solamente. La película que preparo mostrará algunos episodios vividos aquí, en residencia entre los muros de la ex-cárcel Miguelete, transformada en Espacio de Arte Contemporáneo. El reciclaje no tiene límites. Incluso el paredón de los fusilados, aún habitado por sus fantasmas, se transformó durante una velada en lugar de performance. Pueden tener una idea en la Postal N°4 : Las Atrevidas, aquí mismo mas abajo, en el post del 19 de abril.

 

El performance final de Yann tuvo lugar el miércoles pasado en el marco del festival FIDCU para cerrar esta aventura. Se sumergió hasta el cuello en un cubo de hormigón, y con ello habré constatado que lo propio de un performance es tener lugar, pero no necesariamente de resultar como estaba previsto. No les digo más, guardemos sorpresas para la peli.

 

E.T. Teléfono Casa

 

A la hora en que escribo estas líneas Yann está en el avión de vuelta a casa.

« Volver a casa »

Como E.T. o el Principito, con el índice mostrando el cielo.

Por mi parte, he guardado sobre todo el recuerdo angustiante de un dibujo animado, Ulises 31. En cada  episodio yo esperaba que él llegaría por fin a su casa, pero no, terminaba siempre cayendo en otro planeta parecido, antes de escapar en su nave in extremis de los malos, y encontrarse de nuevo perdido en el espacio. Y la semana siguiente, vuelta a comenzar.

Decidí hacer como el, y no precipitarme…

Quedarme todavía un poco más, para seguir trabajando sobre la estructura del documental con mi maravillosa editora Cecilia, que vive aquí, pero también para despedirme despacito de este maravilloso país, que me ha devuelto el mío.

Siempre me ha parecido que la gente que vive donde vive con el sentimiento de estar “en su casa » son unos suertudos. Conocer la casa de sus abuelos. Sentir que tenemos unas raíces en alguna parte y una identidad clara e irrefutable.

Todo lo contrario de un alma gitana y errante, que se siente invitada siempre, en su casa nunca y que busca incansablemente  sin saber qué exactamente.

Este lunes tendrá lugar la “Marcha del silencio” en las calles de Montevideo. Una marcha que junta una vez al año una multitud de uruguayos que reclaman justicia por los crímenes cometidos durante la dictadura militar (1973-1985) y exigen saber dónde están sus seres queridos desaparecidos.

Cada dictadura latino-americana dejó su cantidad de desaparecidos. La siniestra operación Cóndor tuvo efectos devastadores a través de todo el continente durante los años 70 y 80, y cientos miles de personas debieron dejar sus países, sus familias y sus amigos para exilarse y a menudo nunca más volver.

Descubrí aquí lo que he llamado el síndrome del hijo del exilado. Seres nacidos de uno o ambos de padres que se vieron obligados a cortar sus raíces, e intentar replantarlas en un allá desconocido e incierto. He podido observar en otros la herida invisible y sin embargo oprimente de aquellos que no saben de dónde son ni donde colocarse en esta vida, y que al final, no se hallan en ninguna parte.

Yo misma procedo de uno de aquellos exilios, mi padre fué expulsado de Chile en 1974 con la prohibición de volver a su país durante muchos años. Mi madre lo siguió tiempo después.

He vivido aquí uno de esos momento preciosos en los que nosotros, pequeños humanos, podemos leer por fin un ínfimo fragmento del misterio insondable de nuestras vidas. Y si evoco el camino interior recorrido durante esta estadía, veo las piedrecitas que fueron depositadas antes de mí y que me ayudaron a disipar esa bruma. Por primera vez, siento que vuelvo a casa, en Suiza, “mi paísito ».Y no es un happy end, sino un happy volver a empezar.

Quisiera compartir un pensamiento con todos aquellos que deben abandonar su tierra natal por uno u otro motivo, e ir a reconstruirse en otro lugar, y por sus niños que deberán aprender a sentirse en casa y construir su propia identidad.

América latina es un puzzle de gente llegada de muchos lugares lejanos del mundo, que se mezcló aca. Y una cosa que me parece reunir toda esta gente o por lo menos suavizar las fronteras, es la música. Aproveche de mi estadía para acercarme a los folklores locales tan bellos, y les preparé una playlist mayoritarmente uruguaya.

Les Audacieuses / Las Atrevidas |:| Carte Postale de Montevidéo n°4

 

LES AUDACIEUSES

Prenez 8 femmes ajoutez quelques 10aines de kilos de béton, mettez-les dans une prison et mélangez le tout. Le résultat est là.

8 solos performatifs qui viennent remuer les tréfonds de notre inconscient collectif. Elles montrent ce que la société cache, elles dénoncent ce que la collectivité tente d’oublier, elles se jouent de ce qu’on leur a appris à être.

Yann Marussich n’est pas loin. Le rôle qu’il a endossé est encore mystérieux. Il était là, il écoutait, il donnait le rythme, deux heures de chi-kong, une heure de tour de table, une heure de pause, encore une ou deux heures de tour de table et du travail concret, de la pratique. Chacune a fait ce dont elle avait besoin. Se préparer mentalement, faire des recherches historiques, écrire, se préparer physiquement, éventuellement s’entraîner à demeurer dans une immobilité choisie.

Pendant ces six semaines d’immersion réparties sur 6 mois, chacune a frayé son chemin. Avec audace, chacune a empoigné à bras-le-corps ce qu’elle avait à dire. De toutes ces réflexions politiques, sociales et féministes sont nées les images qu’elles ont donné à voir.

Le béton, dans ce laboratoire, est devenu médium pour dénoncer, entraver, immobiliser, révéler, fusiller, construire, détruire, séparer.

Chacune parle de sa performance

 

 

Maria Heller:  “Mon acte sauvage de repos”

C’est une pratique, une manière d’être, un besoin de me laisser tomber en moi-même et de rompre avec le simulacre de continuer à vivre comme ça.

 

 

Luna Anaïs : “Insilio (exil intérieur) – ou rester sans être là”

avec la collaboration de Juan Manuel Ruétalo pour la bande sonore

L’”insilio” est le contraire de l’exil; (…) c’est une manière de partir sans bouger (…) ou de rester sans être vraiment là. C’est l’enfermement/déterrement de soi-même” / Si j’avais pu dessiner ma pensée, ça aurait été une ligne droite profonde qui caresserait tout ce que nous n’avons pas pu oublier. / Elle se divise, se perd, congèle, allume, traverse et n’arrête pas d’apparaître. / Comme aller à vélo en direction de Quinta Normal, sachant que sur le chemin il y a tant de choses à voir que l’on ne peut faire autre chose que laisser passer.

Paula Giuria Bianchi: “Ciudad Vulva”

Un lieu de passage, un rituel d’entrée dans une nouvelle étape liminale entre la fécondité et la mort, entre le féminin et le masculin.

Une déclaration d’identité.

Un acte indécent.

Leticia Sarante: “Animal du béton”

Bête absurde tu répètes ta maladroite déambulation tu es fatiguée parce qu’avant d’aimer tu as appris à user de la force. Exilée dans des labyrinthes de béton sans issue tu as fabriqué une prothèse pour le plaisir fuyant la solitude détruisant irrémédiablement cherchant à l’aveugle une raison d’exister tu as fouillé les décombres de ton bonheur. Qu’est-ce qui te pousse à continuer malgré la douleur? Qu’est-ce qui dégorge sous la sueur et la poussière que couvre ta peau? Tu ne peux pas résister à la faim d’autres corps, à ce qui nécessairement se passe au-delà de ta volonté, à ton désir de forêts de terres et de rivières dans lesquelles attend dans une pierre le magnifique secret de ta liberté.

Nastassja Roca: “Évasion, tout ce qui n’est pas éphémère”

Germer pour combattre l’oubli / proliférer entre les fissures / fleurir sans nom ni gloire, là où personne ne veux -ni ne doit- / ne pas laisser plus de traces que le sillon de la présence dans le sol / être mauvaise herbe, cardon, n’exister qu’en passant, en respirant haut et fort pour hâter le temps / persister, s’adhérer, se défaire / La mauvaise herbe ne meurt jamais: nous sommes cels que personne ne voit. Les oublié.es, caché.es.

Corps liminaux, décolonisés, déviés (es plantes ne connaissent ni douleurs ni enfermements.)

Inés Rocca: “Les rivières naissent du néant”

Le béton est ma maison poussiéreuseet dure. Indestructible. / C’est la limite concrète qui structure ce bouillon de culture. / Il n’est pas dans mon sang, ni dans mes os / c’est ma deuxième peau. / Je suis fille du ciment. /et mère aussi. / Mon utérus ensevelit la terre mais habille les lumières et les rues. / Là se trouvent mes souvenirs les plus chers. / Les bêtes de ma poitrine mâchent. Exclues et indifférentes, leurs corps dérangent. / Le ciment est lourd sur mon bras, sur mes cervicales. / Le ciment fait mal aussi / Il fissure /

Comme l’eau souterraine ou la viscère déchirée. / Cours d’haut / Les rivières naissent du néant.

 

Ihasa Ticono: “Tripalium”

Travail: dérivé du latin tripalium, élément de torture. Le onzième commandement dit: tu ne pourras pas.

Sainte Tête de Ciment dicte, sur la loi d’un dieu quelconque: Tu mangeras le pain avec la sueur de ton front. Six jours tu travailleras, et tu n’auras rien de ton oeuvre, rappelle-toi du samedi pour le sacrifier. Tu ne convoiteras pas la maison de ton patron, tu la construiras et la verras tomber. Tu seras la force de travail et tu ne pourras pas. Tu enfanteras dans la douleur, tes enfants travailleront avec douleur. Ils têteront de tes seins sales, jour après jour, ils suffoqueront de ciment, riront ciment. Tu l’absorberas, vivras de ta torture et poussière deviendras.

 

Paola Pilatti: “Les fusillé.es du ciment”

En 2015 Godin y Lugano, héros nationaux contemporains, ont acheté une entreprise de fabrication et d’importation de ciment. / Ils l’ont appelée Cemento Charrúa*. / Ce corps qui simule un geste ironique, ne fait qu’un geste inutile. L’ironie révèle la littéralité de l’horreur. Le désert de ciment s’étend devant nous et en nous. / Fissure-le.

*Charrúa est le nom du peuple indien qui vivait et a été exterminé sur les terres devenues l’Uruguay après la colonisation.

Yann Marussich sur le laboratoire

“Il y a quelque chose de très politique sous jacent à ces performances je leur ai demandé sans cesse de trouver quelque chose d’à la fois très personnel et universel dans une mise en scène minimaliste le corps / un objet / du béton / un espace Nous sommes dans une prison ce lieu est chargé d’oubliés et de fantômes et chargé d’une histoire peu glorieuse une histoire de dictature mais les dictatures ont pris d’autres formes aujourd’hui elles sont économiques aujourd’hui le béton est en guerre il est même ce qu’on appelle un colonisateur il rend cet élément indispensable à notre société hygiéniste et emploie par tous les moyens jusqu’aux plus délirants mensonges que les Etats ne font que confondre en ignorant le fond du problème la préservation de notre planète contre cette machinerie mondiale qui asphyxie la terre le ciel pie le sable et l’eau sans parler de l’érosion galopante des côtes qui s’en suive huit femmes s’y sont plongé pendant six mois ce n’est pas facile de plonger dans un élément si agressif et si familier à la fois parce qu’au fond nous sommes tous responsables ça fait mal d’être responsable ça pique ces huit femmes doivent trouver des limites pour ne pas se perdre   repousser des limites physiques et psychologiques pour grandir encore dans ce chemin d’humains et comprendre que nous sommes un ensemble et que chacun est chacun l’autre en même temps   miroir étourdissant que le présent nous tend minute après minute visage après visage corps après corps     ces huit femmes combattent avec leurs corps libres et prisonniers à la fois nous vivons dans des prisons successives le corps est une possible prison tout en étant la clé de la libération de l’esprit ces huit femmes combattent Inès Paula Leticia Luna Nataja Ihassa Paola et Maria des prénoms qui finissent sept fois par a aaaaaaa un cri des cris que le s du prénom sans a à la fin rajoute   des cris éphémères incrustés dans le vent si présent à Montevideo     le vent refuge des cris perdus”

 

 

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(VERSION ESPAÑOL)

 

LAS ATREVIDAS

Tome 8 mujeres, agregue algunas decenas de kilos de hormigón, ponga todo ello en una prisión y mezcle. El resultado está aquí.

8 solos performativos que viene a remover lo más recóndito de nuestro inconsciente colectivo.
Ellas muestran lo que la sociedad esconde, denuncian lo que la colectividad intenta olvidar, se burlan de lo que se les ha enseñado.

Yann Marussich no está lejos. El papel que ha asumido es aún un misterio. Estaba allí, escuchaba, daba el ritmo, dos horas de chi-kun, una hora de discusión, una hora de pausa, otra hora o dos de discusión y de trabajo concreto, de práctica. Cada una hizo lo que necesitaba. Prepararse mentalmente, hacer investigaciones históricas, escribir, prepararse físicamente, eventualmente entrenarse a permanecer en una inmovilidad escogida.

Durante esas seis semanas de inmersión repartidas en seis meses, cada una hizo su propio camino. Audazmente, cada una asumió con determinación lo que tenía que decir. De todas esas reflexiones políticas, sociales y feministas nacieron las imágenes que nos mostraron.

El hormigón, en ese laboratorio, se convirtió en un medio para denunciar, obstaculizar,inmobilizar,revelar,fusilar, construir, destruir , separar.

 

Cada una habla de su performance

 

Maria Heller: “MI ACTO SALVAJE DE DESCANSAR”

Es una práctica, una forma de estar, una necesidad de caerme hacia mí misma de romper con el simulacro de seguir viviendo en esto.

 

Luna Anaïs: ” INSILIO – O QUEDARME SIN ESTAR- “

Asistencia y diseño sonoro: Juan Manuel Ruétalo

“El insilio es lo contrario al exilio; (…) es una forma de irse sin moverse (…) o de quedarse sin en realidad estar. Es el encierro/destierro de unx mismx”  /  Si hubiese podido dibujar mi pensamiento, este era como una línea recta profunda que acariciaba todo lo que no pudimos olvidar.   /   Se divide, se pierde, congela, enciende, atraviesa y no deja de aparecer.   /   Como andar en bicicleta en dirección a Quinta Normal, sabiendo que en el camino ves tanto que no puedes hacer otra cosa que dejar pasar.

 

Paula Giuria Bianchi : “CIUDAD VULVA”

Un lugar de paso, un rito de entrada a una nueva etapa liminal  entre la fecundidad  y la muerte, entre lo femenino y lo masculino. / Una declaración de identidad. / Un acto indecente.

 

 

 

 

 

Leticia Sarante: “ANIMAL DEL CEMENTO”

Bestia absurda repites  tu torpe deambular estás cansada porque antes de amar aprendiste a usar la fuerza. Exiliada en laberintos de cemento sin salida fabricaste prótesis para el placer huyendo de la soledad destruyendo irremediablemente buscando a ciegas un motivo para existir hurgaste en los escombros de tu felicidad. Qué te anima a seguir a pesar del dolor? Qué escurre por debajo del sudor y del polvo que cubren tu piel?  Sin embargo no puedes resistirte al hambre de otros cuerpos, a lo que necesariamente sucede más allá de tu voluntad, a tu deseo de selvas de tierras y de ríos en los que aguarda adentro de una piedra el hermoso secreto de tu libertad.

Nastassja Roca: “EVASIÓN // TODO LO QUE NO ES EFÍMERO”

Brotar para combatir el olvido / proliferar entre grietas / florecer sinnombrenigloria, ahí donde nadie quiere -ni debe- / no dejar más huellas que el surco de la presencia en el suelo / ser yuyo, cardo, existir solo de paso, respirando alto y fuerte para apurar el tiempo /persistir.adherirseodeshacerse/ 

Hierba mala nunca muere: somos lxs que nadie ve. Lxs olvidadxs, escondidxs. Cuerpas liminales, descolonizadas, desviadas. (Las plantas no saben de dolores ni de encierros)

Inés Rocca: “LOS RÍOS NACEN DE LA NADA”

El cemento es mi casa polvorienta y dura. Indestructible. / Es el límite concreto que ordena este caldo de cultivo. / No está en mi sangre, ni en mis huesos /  es  mi segunda piel. / Soy hija del cemento./ Y madre también. / Mi útero sepulta la tierra pero abriga luces y  calles. / Ahí están mis recuerdos más preciados./Mastican las bestias de mi pecho. Excluídas e indiferentes, molestan sus cuerpos./El cemento pesa en mi brazo, en mis cervicales. / El cemento también duele./  Agrieta  /  Como agua subterránea o víscera rota. / Curso alto / Los ríos nacen de la nada

 

Ihasa Ticono: “TRIPALIUM”

Trabajo: deriva del latín tripalium, elemento de tortura. El onceavo mandamiento dice: No podrás.

Santa Cabeza de Cemento dicta, sobre la ley de cualquier dios: Comerás el pan con el sudor de tu frente. Seis días trabajarás y no tendrás nada de tu obra, acuérdate del día sábado para sacrificarlo. No codiciarás la casa de tu patrón, la construirás y la verás caer. Serás la fuerza de trabajo y no podrás. Parirás con dolor, tus hijos trabajarán con dolor. Mamarán de tus tetas sucias, día a día, jadearán cemento, reirán cemento. Lo absorverás, vivirás de tu tortura  y en polvo te convertirás.

Paola Pilatti: “LXS FUSILADXS DEL CEMENTO”

En el año 2015 Godín y Lugano, héroes nacionales contemporáneos, compraron una empresa de fabricación e importación  de cemento.   /  La llamaron cemento charrúa.  /  Este cuerpo que simula un gesto irónico no hace más que un gesto inútil. La ironía revela la literalidad del horror.  /  El desierto de cemento se expande ante nosotxs y en nosotrxs.  /   Agrietalo.

 

Yann Marussich sobre el Laboratorio de cemento

Hay algo muy político subyacente en estas performances     les pedí todo el tiempo encontrar algo muy personal y universal a la vez en una puesta en escena minimalista / el cuerpo / un objeto / el cemento / un espacio   estamos en una cárcel este lugar está repleto de olvidados y de fantasmas cargados de una historia poco victoriosa una historia de dictaduras pero las dictaduras tomaron otras formas hoy son económicas   hoy el hormigón está en guerra hasta es los que llamamos un colonizador éste elemento se ha vuelto indispensable para nuestra sociedad higiénica y utiliza todos sus medios hasta las más delirantes mentiras los estados cómplices no afrontan el fondo del problema la conservación de nuestro planeta contra esta máquina económica mundial que asfixia la tierra el cielo saquea la arena y el agua sin hablar de la erosión salvaje de las costas que a esto le sigue         ocho mujeres se sumergieron durante seis meses no es fácil sumergirse en un elemento tan agresivo pero a la vez tan familiar porque en el fondo todos somos responsables duele ser responsable   pica   estas ocho mujeres deben encontrar límites para no perderse ampliar sus límites físicos y psicológicos para seguir creciendo en este camino de humanos y entender que somos un todo y que cada uno es uno y el otro al mismo tiempo     espejo vertiginoso que el presente nos ofrece minuto a minuto rostro tras rostro cuerpo tras cuerpo   estas ocho mujeres luchan con sus cuerpos libres y a la vez prisioneros vivimos en cárceles sucesivas   el cuerpo es una posible cárcel pero también es la clave de la liberación del espíritu     estas ocho mujeres luchan Inés Paula Leticia Luna Nastassja Ihasa Paola y María nombres que terminan siete veces con la a aaaaaaa un grito gritos que la s del nombre sin la a al final Inès agrega           gritos efímeros incrustados en el viento tan presente en Montevideo                       el viento   refugio de los gritos perdidos

Révolution |:| Carte Postale de Montevideo n°3

 

(Version en español a continuación)

Le langage de la pensée

Depuis notre arrivée, une des premières choses à avoir attiré mon attention, c’est ce langage inclusif que j’entends partout. En français, je le voyais principalement par écrit, en espagnol je l’entends. Les “a” et les “o” deviennent “e”, et à l’écrit, on remplace toutes ces lettres par “x”. Par exemple, todas/todos (toutes/tous) devient todxs, prononcé /todés/.

Beaucoup de gens se plaignent, catalogant ce langage émergent comme maniérisme anti-sexiste superflu. Il y a de la résistance dans les rangs, comme d’habitude! Pour ma part, je me suis rendue compte à l’oreille à quel point le langage influence la pensée et remet certaines habitudes en question. Le jour où une femme, prenant la parole devant un collectif mixte a dit: “Nosotras todas” en parlant de nous tous, j’ai eu un sursaut, et puis j’ai compris.

Femmes aux tambours

Parmi les groupes féministes dont j’ai entendu parler, le plus manifeste est celui qui descend dans la rue à chaque fois qu’une femme meurt de violences que l’on dit “de genre”, qui sont pour la plupart des violences domestiques, infligées par un conjoint. Anciennement appelés “drame passionnel”, le terme couvrait assez généreusement le ou la meurtrière, comme si la violence, lorsqu’elle est emballée dans une histoire “d’amour” était excusable à moindre frais.

Je me suis rendue à l’une de ces marches en février, c’était la deuxième, en hommage à la deuxième femme victime de l’année signalée en Uruguay. Nous n’étions pas beaucoup, j’enregistrais les slogans qu’elles scandaient et j’ai été emportée loin, par le sentiment qu’il y avait quelque chose de juste à faire ça comme ça, ensemble à coups de tambours. Tocan a una, tocan a todas (ils touchent à une, ils touchent à toutes).

Quand je suis passée par Buenos Aires, j’ai vu les mêmes mouvements féministes, intensifiés par la densité de population, mais surtout par le fait qu’en Argentine, l’avortement n’est toujours pas un droit acquis. En réalité, l’avortement n’est légal dans aucun pays d’Amérique latine, sauf l’Uruguay, Cuba et le Guyana. Ce qui donne lieu à des aberrations inqualifiables comme cette petite fille de 11 ans qui a dû accoucher par césarienne d’un enfant, produit d’un abus par le conjoint de sa grand-mère, au bout de 23 semaines de gestation, parce que l’administration de la province de Tucumán ne lui accordait pas l’autorisation d’avorter. C’était en 2019, pas au siècle dernier.

Pour pallier à ce non-droit, dans plusieurs pays, les femmes ont créé des réseaux d’entraide à l’avortement. Surtout pour aider les plus démunies, parce qu’il est évident que comme le soulignent quelques tags dans les rues, “Las ricas abortan, las pobres mueren”, les riches avortent, les pauvres meurent.

Et c’est au Salvador que l’on atteint tristement le sommet de l’injustice en condamnant les femmes à la prison ferme pour fausse couche. Le magazine Konbini a fait un reportage accablant sur le sujet.

R-évolution

Oui il serait temps de reprendre la révolution là où nous l’avons laissée.

Même si le mot n’est peut-être pas le plus adéquat. Parce qu’il implique violence et prise de pouvoir. Et que le but n’est certainement pas la vengeance ni le renversement de domination. Mais il semble que nos mécanismes nous poussent à faire un détour par la case radicalité avant d’arriver à un nouveau modèle de cohabitation. Il ne fait pas bon être un homme par les temps qui courent, tristement. Personæ non gratæ, ouvertement ou tacitement, aux marches du 8 mars qui ont eu lieu un peu partout dans le monde, ceux qui soutiennent les femmes dans leur r-évolution sont écartés, malgré que ce soit un changement social qui, je pense, ne peut pas s’opérer chacun de son côté. La tempête doit passer, le temps faire son travail.

Dans le mot révolution, j’entends aussi le mot volonté, le mot évolution, et en espagnol, le mot mélanger (revolver), comme on mélange de la farine et de l’eau pour faire du pain, mélanger du masculin et du féminin pour trouver de nouveaux accords. Et tous ces mots résonnent ensemble dans un grand brouhaha qui demande à être compris.

Mais nous n’en sommes pas encore là. Malheureusement.

L’histoire avec une grande H

Il semblerait que nous soyons tous d’accord pour ce que l’on appelle “l’égalité”, mot devenu vaporeux auquel chacun attribue son sens. De même que nous sommes tous pour la paix dans le monde et la fin de la famine, on veut tous que les femmes aient les mêmes droits, les mêmes salaires, les mêmes avantages et inconvénients que les hommes, et vice-versa, en revanche, dès qu’il s’agit de passer à la pratique, personne ne sait comment faire. Il manque un mode d’emploi, et un dictionnnaire de traduction pour se comprendre. On en revient au langage, et à un mal dont les racines sont profondes.

On sait qu’il faudrait par exemple réécrire tous les manuels scolaires, les problèmes de math ne se résumeraient plus à: si papa plante six clous pour monter l’étagère après le travail et que maman range trois éponges après avoir récuré le sol, combien d’enfants reste-t-il.

Quant aux manuels d’histoire, il y aurait de quoi faire.

La bonne nouvelle c’est que c’est dans l’air du temps de réécrire l’histoire à travers le prisme féminin. Pour ne citer que ces deux exemples, Clara et Julia Kuperberg ont revisité l’histoire de la création de Hollywood et des débuts du cinéma avec leur film documentaire “Et la femme créa Hollywood“. Elles sont allées exhumer les femmes réalisatrices, auteurs, productrices, oubliées de l’histoire qui étaient pourtant là, actives dès le début du XXe siècle. Et au passage, pour information, la moitié des films tournés avant 1925 ont été écrits par des femmes. De leur côté, Laura Cazador et Fernando Perez, eux, sont allés repêcher l’histoire de Enriqueta Faber, médecin suissesse partie exercer à Cuba, et en ont fait “Insumisas” avec Sylvie Testud.

Sans oublier tous les livres sur les sorcières qui se multiplient pour nous remémorer “notre” histoire, laissée sur le bas-côté de l’Histoire, comme le tout frais Sorcières, de Mona Chollet, ou Rêver l’obscur : femmes, magie et politique de Starhawk. Là pour nous rappeler que nous avons des petits pouvoirs magiques qu’il serait bon de réapprendre à utiliser au quotidien. Réenchanter le monde, comme dit Mohamed Taleb, le philosophe qui m’a remis la femme au centre avec sa conférence sur les sorcières et le capitalisme, mais pour cela, sortir de l’amnésie chronique qui pousse chaque génération d’activistes à recommencer depuis zéro, là où du chemin a déjà été fait.

Et le béton dans tout ça?

Je ne l’oublie pas, mais il me semblait important pour cette pleine lune de mars, de mettre l’accent sur ce grand mouvement qui demande un changement, parallèlement aux jeunes qui marchent pour le climat. En avril je reviendrai sur nos projets qui ne restent pas imperméables à la marche du monde et qui au contraire, s’en nourrissent.

 

 

Revolución |:| Postal de Montevideo n°3

 

El lenguaje del pensamiento

Desde que llegamos, una de las cosas que ha llamado mi atención es el lenguaje inclusivo que se oye por todas partes. En francés lo veía principalmente por escrito. En español lo oigo. En lugar de terminar las palabras por “a” u “o”, se les termina en “e”, y por escrito una “x” reemplaza todas esas letras. Por ejemplo, todas/todos se transforma en todxs y se pronuncia todes.
Cierta gente se queja, catalogando ese lenguaje emergente como manierismo anti-sexista innecesario. Resistencia hay, como siempre! Por mi parte, me he dado cuenta por el oído, hasta qué punto el lenguaje influencia el pensamiento y pone ciertos hábitos en tela de juicio. El día que una mujer, tomando la palabra delante de una asamblea mixta, dijo “Nosotras todas” hablando de todos los presentes, tuve un arrebato de inquietud, y después entendí.

Mujeres a los tambores

Entre los grupos feministas de los que he oído hablar, el más visible es el que baja a la calle cada vez que una mujer muere víctima de violencia que llaman “de género”, y que son por lo general violencias domésticas infligidas por un cónyuge. Antiguamente se les llamaba “dramas pasionales”. El término cubría generosamente el o la asesina, como si la violencia cuando se desboca en una historia de “amor” fuera mas fácilmente excusable.

Fuí a una de esas marchas en Febrero, era la segunda, en homenaje a la segunda mujer víctima del año en Uruguay. No éramos muchas. Yo grababa las consignas que ellas gritaban, y me dejé arrastrar lejos, por el sentimiento que era justo hacer eso así, juntas, a golpe de tambores. “Tocan a una, tocan a todas”.
Cuando estuve en Buenos Aires, ví los mismos movimientos feministas, multiplicados por la densidad de la población, pero sobretodo por el hecho de que en Argentina el aborto no es aún un derecho adquirido. En realidad, el aborto no es legal en ningún país de América latina, salvo en Uruguay, Cuba y la Guayana. Esto da lugar a aberraciones incalificables como el caso de la niñita de 11 años que dió a luz por cesárea a un niño, producto de un abuso cometido por el cónyuge de su abuela, al cabo de 23 semanas de gestación, porque la provincia de Tucumán no le daba la autorización de abortar. Era en 2019, no en el siglo pasado.
Para contrarrestar esa negación de derecho, en muchos países se han creado redes de ayuda al aborto. Sobre todo para ayudar a las desfavorecidas, porque como lo subrayan algunas pintadas en las calles “las ricas abortan, las pobres mueren”. Es en El Salvador que tiene el triste record de injusticia, condenando a las mujeres a penas de prisión por aborto espontáneo. La revista Konbini hizo un reportaje sobrecogedor sobre el tema.

R-evolución

Sí, ya es hora de retomar la revolución allí donde la dejamos.


Incluso si el término no es el más adecuado ya que implica violencia y toma del poder.
Y que el objetivo no es ni la venganza ni el reemplazo de la dominación. Pero parecería que nuestros mecanismos nos empujan a dar un rodeo por una cierta radicalidad antes de llegar a un nuevo modelo de cohabitación. No es cómodo ser un hombre en estos tiempos, tristemente. Personae no gratae, abierta o tácitamente, en las marchas del 8 de Marzo, que tuvieron lugares alrededor del mundo, los que sostienen a las mujeres en su r-evolución, son rechazados, a pesar de que es un cambio social, que, pienso, no se puede hacer cada uno por su lado. La tempestad debe pasar y el tiempo hacer su trabajo.

En esta palabra, revolución, me refiero a otras palabras como voluntad, evolución y en español, la palabra revolver, como se revuelve la harina y el agua para hacer pan, masculino y femenino para encontrar nuevos acuerdos. Y todas esas palabras resuenan juntas en un gran alboroto que pide que lo aclaremos.
Pero todavía no estamos allí. Desgraciadamente.

La historia con H(acha) mayúscula

Pareciera que estamos todos de acuerdo con el término “igualdad”, palabra vaporosa a la que cada cual da su propia interpretación. Igual que estamos todos de acuerdo con la paz en el mundo y el fin del hambre, queremos que las mujeres tengan los mismos derechos, los mismos sueldos, las mismas ventajas e inconvenientes que el hombre, y vice-versa. Pero cuando se trata de pasar a la práctica, nadie sabe cómo hacerlo. Falta un libro de instrucciones y un diccionario de traducción para entenderse. Volvemos al lenguaje y a un mal de raíces profundas.
Sabemos por ejemplo que habría que reescribir los manuales escolares, los problemas de matemáticas no se reducirían a: si papá clava 6 clavos para armar la estantería después del trabajo y que mamá guarda tres esponjas después de haber frotado el suelo, cuántos niños quedan.
En cuanto a los manuales de historia, queda aún mucho por hacer.
La buena noticia es que está de moda de reescribir la historia desde un prisma femenino. Por no citar más que estos dos ejemplos, Clara y Julia Kuperberg revisitaron la historia de la creación de Hollywood y de los principios del cine en su película documental “Y la mujer creó Hollywood“. Fueron a recuperar las mujeres directoras, autoras, productoras, olvidadas por la historia, que estaban allí desde el principio del siglo XX. Y dicho sea de paso, la mitad de las películas filmadas antes de 1925 fueron escritas por mujeres. Por su lado, Laura Cazador y Fernando Perez recuperaron la historia de Enriqueta Faber, médica suiza en Cuba, y realizaron “Insumisas”con Sylvie Testud.
Sin olvidar todos los libros de brujas que se multiplican para rememorarnos “nuestra” historia, dejada en la acequia de la Historia, como el reciente Brujas, de Mona Chollet, o Alma de Bruja de Odile Chabrillac, o el más clásico Soñar lo obscuro: mujeres, magia y política de Starhawk. Todos allí para recordarnos que tenemos pequeños poderes mágicos que sería útil para usarlos cotidianamente.
Volver a reencantar el mundo, como dice Mohammed Taleb, el filósofo que me ha puesto la mujer de vuelta en el centro con su conferencia sobre las brujas y el capitalismo, pero para ello, salir de la amnesia crónica que empuja a cada generación de activistas a recomenzar de cero, allí donde parte del camino ya fué hecho.

Y el hormigón en todo esto?

No lo olvido, pero me parecía importante para esta luna llena de Marzo, de poner el acento en ese gran movimiento que exige un cambio, paralelamente a los jóvenes que marchan por el clima. En Abril, volveré a nuestros proyectos que no son impermeables a la marcha del mundo, sino todo lo contrario, se alimentan de ella.