13 novembre 2015

Entre récupérations de l’événement – morbides argumentaires, plus ou moins bien-pensants, plus ou moins fascisants, visant à démontrer ce qu’il aurait fallu faire ou ne pas faire – et démonstration de solidarité, l’Occident et ses alliés se retrouvent à nouveau unis derrière le rempart de la civilisation qui vient d’être une fois de plus baigné par le sang des innocents. Encore faudrait-il définir le terme de civilisation dans toute son acception.

Quoi qu’il en soit, la paix semble de plus en plus relative, remise en question par des criminels formatés par des idéologies de suprématie autant que par des intérêts politiques et économiques. L’Institut de recherche internationale sur les conflits d’Heidelberg recense pour l’année 2014 « 424 conflits, parmi lesquels 46 ont pu être qualifiés de «très violents» suite à des affrontements d’une violence organisée et massive. 21 de ces conflits ont atteint le plus haut niveau d’intensité, celui d’une guerre. En comparaison avec les 20 guerres observées en 2013, ces conflits se répartissent en 2014 sur un nombre plus important d’États »[1], des guerres dont la plupart sont « oubliées ».

Les attentats dans le monde qui se succèdent à un rythme infernal, ourdis par des groupuscules politiques ou religieux, ou encore par des réseaux d’influence puissants comme l’État islamique qui n’ont d’autre volonté que l’avènement de leur réalité et de leurs dogmes, sont une manifestation de ce que le maintien de la paix a de relatif, écho sanglant de ces guerres.

Une relativité qui s’applique également aux impacts de ces actes terroristes. Si le 11 septembre fut un événement historique en raison du nombre de victimes, du lieu particulièrement médiatique et de sa dimension spectaculaire, il n’en va pas de même de la plupart des attentats. Nous souvenons-nous encore des bains de sang de ces dernières années qui ont endeuillé le monde ?

99 attentats en 2008,

48 en 2009,

35 en 2010,

20 en 2011,

22 en 2012,

22 en 2013,

33 en 2014,

92 en 2015 !

Avec l’attaque sur la rédaction de Charlie Hebdo en janvier de cette année, nous avions eu le sentiment, au-delà du drame humain, que c’était la liberté d’expression qui était remise en question. Quel va être l’impact des attentats de Paris de ce 13 novembre ? Ce qu’il y a de certain, c’est que le terrorisme fait perdre un peu plus de liberté à notre monde chaque jour, à Karachi ou à Paris, à Beyrouth ou à New-York. L’état d’urgence déclaré en France préfigure-t-il un futur de plus en plus placé sous la lumière blafarde de lois plus ou moins martiales destinées à garantir notre sécurité mais ô combien liberticides et dangereuses pour nos démocraties ?


[1] Institut de Heidelberg pour la recherche sur les conflits internationaux (HIIK), 2015, http://www.hiik.de/de/presse/pdf/HIIK_communique%CC%81_de_presse_CoBa_2014.pdf

 

Christophe Vuilleumier

Christophe Vuilleumier est un historien suisse, actif dans le domaine éditorial, et membre de plusieurs comités de sociétés savantes, notamment de la Société suisse d'histoire. On lui doit plusieurs contributions sur l’histoire helvétique du XVIIème siècle et du XXème siècle, dont certaines sont devenues des références.