Initiative pesticides: mettre fin au monopole inadmissible des multinationales

Dans cette campagne agitée, mettant une nouvelle fois en évidence un clivage ville-campagne, il est nécessaire de rappeler que l’initiative « Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse » a été créée par un groupe de citoyen·ne·s engagé·e·s. Parmi eux, des vigneron·ne·s, des médecins, et des scientifiques.  Des scientifiques qui ont clairement établi le lien entre la perte de la biodiversité et l’usage de produits phytosanitaires via une agriculture ultra-mécanisée et dépendante de multinationales. 

Agriculture suisse pas désavantagée

Cette initiative demande, avec une période de transition de 10 ans, d’interdire les pesticides de synthèse non seulement dans la production agricole et la transformation des produits agricoles, mais aussi dans l’entretien des sols et du paysage par les collectivités publiques, les entreprises et les privés et de les remplacer par des produits phytosanitaires naturels.

Elle entend également interdire l’importation d’aliments contenant des pesticides de synthèse ou produits avec leur aide. Elle crée ainsi des règles équitables pour l’agriculture suisse qui ne sera pas désavantagée par rapport à la concurrence étrangère, bien au contraire.  En effet, puisque seule l’importation de produits ne contenant pas de pesticides de synthèse sera autorisée.

Une agriculture sans pesticide de synthèse est déjà possible aujourd’hui, en témoignent les 7’500 exploitations bio.


Un levier pour repenser notre système agro-alimentaire

La période transitoire de 10 ans offre une véritable chance aux exploitations paysannes et à l’agriculture suisse pour programmer la sortie des pesticides de synthèse. Il s’agit de mettre à profit cette décennie pour intensifier la recherche agricole et lui mettre à disposition les ressources nécessaires. Une agriculture sans pesticide de synthèse est déjà possible aujourd’hui, en témoignent les 7’500 exploitations bio. L’initiative est aussi l’occasion de mettre en place un système agro-alimentaire qui profite véritablement aux paysan.ne.s, la politique actuelle profitant surtout à l’agro-chimie et à la grande distribution.

De nos jours, la production végétale est irrémédiablement associée aux traitements phytosanitaires. L’idée est devenue tout à fait commune qu’une plante cultivée sera fatalement malade ou qu’un ravageur viendra la détruire et qu’un recours aux pesticides est inévitable. Il faudrait “protéger” (avec des pesticides) les plantes pour qu’elles soient “saines”. Ce mécanisme fait les beaux jours de l’industrie agro-chimique qui entretient sournoisement cette pratique dans le but de maintenir son marché.

 

Un monopole inadmissible des multinationales sur la production de plantes

La sélection et la production des plantes et des semences est la chasse gardée de grandes multinationales. Ce secteur est cadenassé par l’industrie qui bénéficie d’un arsenal de lois absurdes pour le protéger. La recherche industrielle crée des plantes hypersensibles dont les semences sont stériles ou non reproductibles. L’agriculteur doit payer une redevance pour l’obtention végétale et doit racheter ses semences ou plants chaque année. Les semences libres de droits, reproductibles, comme les anciennes variétés résistantes ne sont autorisées à être cultivées seulement sur de petites surfaces. Ce monopole inadmissible rend captifs les producteurs et bien souvent ses obtentions industrielles nécessitent un recours massif aux pesticides. C’est un deal “gagnant-gagnant” entre multinationales.

Malgré les apparences, la mécanisation a contribué au gaspillage de terres agricoles

 

Agriculture, Weed Destruction, Pest Control
Image: Pixaby

La mécanisation a provoqué la dissociation des cultures. Ce processus a commencé il y a bien longtemps avec la traction animale. La grandeur des champs est passée d’une taille humaine à une taille animale. C’est la culture des céréales qui en est l’initiatrice. L’arrivée des machines a accéléré le phénomène dans des proportions inimaginables. Le paysage a été remodelé pour permettre cet essor, détruisant au passage les haies, forêts, bocages, marais et autres structures naturelles. De fil en aiguille, toutes les autres cultures ont suivi le même chemin. On aligne la vigne, les arbres, les légumes, qu’on cultive séparément, comme le blé. Si la mécanisation a permis d’augmenter la productivité du travail, elle a abaissé, en dissociant les cultures les rendements à la surface. L’espacement entre les rangs des cultures pour permettre le passage des machines ainsi que celui des outils de travail du sol a diminué la densité des cultures. Autrement dit, et malgré les apparences, la mécanisation a contribué au gaspillage de terres agricoles.

 

Régression continue des milieux naturel de grand valeur

« La biodiversité en Suisse est dans un état insatisfaisant. Rien n’arrête la régression continue de la qualité et de la superficie des milieux naturels de grande valeur. La plupart de ces milieux ne subsistent plus que sous forme de surfaces résiduelles isolées. De nombreux biotopes tendent à s’homogénéiser (p. ex. les prairies). Aujourd’hui, non seulement près de la moitié des milieux naturels en Suisse, mais aussi la moitié de toutes les espèces indigènes évaluées, sont menacés ou potentiellement menacés. Le déclin de la diversité biologique est principalement dû au mitage, à l’utilisation intensive des sols et des eaux, à la dissémination des espèces exotiques envahissantes et aux apports de pesticides et d’azote par l’agriculture. » Ce constat posé par l’OFEV sur son site internet est sans appel: la situation en matière de biodiversité en Suisse est très préoccupante. Et l’agriculture est clairement identifiée comme une des causes principales de cette situation.

La contamination de notre environnement par les pesticides contribue fortement à l’explosion des maladies chroniques


Les évidences scientifiques de contamination de notre environnement (sols, eau, air et organismes vivants) par les pesticides sont bien établies aujourd’hui. Cette contamination contribue aussi fortement à l’explosion des maladies chroniques, y compris chez les enfants, et aux coûts de la santé publique. On sait aussi que les pesticides de synthèse disséminés dans les sols et dans les eaux le restent pour des décennies, faisant peser une menace à long terme. Comme pour le climat, il est temps de prendre au sérieux le travail des scientifiques. De nombreuses études soulignent la dangerosité des pesticides de synthèse et leurs effets nocifs tant sur la biodiversité que sur notre santé.

Dire oui à l’initiative « Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse » le 13 juin, c’est non seulement préserver nos sols, nos eaux, notre biodiversité et notre santé. Mais c’est aussi donner un signal fort en faveur d’un système agro-alimentaire repensé, où l’argent public finit dans la poche des agriculteurs.trices et pas dans celle des vendeurs de pesticides et de la grande distribution.