Convention d’Aarhus: un accord pour la démocratie environnementale peu connu

C’est quoi cette Convention d’Aarhus ? Signée le 25 juin 1998 par trente-neuf États, la Convention d’Aarhus est un accord international visant la « démocratie environnementale ». Entrée en vigueur en Suisse le 1er juin 2014, elle assure 3 éléments essentiels : l’information et la transparence sur l’environnement, la participation du public aux processus décisionnels touchant l’environnement et l’accès à la justice en matière d’environnement. Cette convention est-elle correctement mise en oeuvre en Suisse ?

La Convention prévoit des droits étendus de participation du public par rapport à certaines activités étatiques touchant l’environnement. Pour les processus décisionnels, tels que les procédures d’approbation des plans, la Convention d’Aarhus stipule notamment que « La procédure de participation du public prévoit la possibilité pour le public de soumettre (…) toutes observations, informations, analyses ou opinions qu’il estime pertinentes au regard de l’activité́ proposée » (art. 6, al. 7). Il est aussi précisé que la participation du public doit commencer au début de la procédure, « c’est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence » (art. 6, ch. 4).

J’ai interpellé le Conseil fédéral lors de la dernière session de mars pour savoir s’il considère que la Convention d’Aarhus est correctement mise en œuvre en Suisse.

 

La Convention d’Aarhus pas complètement appliquée

Or, on constate souvent que la possibilité pour le public de participer à la procédure de planification intervient à un stade où les fiches objets se rapportant à des projets concrets ont déjà été élaborées. Une participation de la population à un tel stade ne semble pas obéir aux exigences de la Convention d’Aarhus. En effet, le public ne peut alors que se prononcer sur un projet précis et l’alternative « zéro » (ne rien faire) n’est pas considérée. Concernant la procédure d’approbation des plans, hormis dans le domaine miliaire et celui de l’asile, aucune procédure de participation du public n’est prévue par la législation fédérale sectorielle. Seule une procédure d’opposition réservée aux personnes directement concernées et non pas, conformément à ce qu’exige la Convention, au public en général, est mise en place.

 

Jean-François Collin : « Quand la soif de justice environnementale se retourne contre la protection de l'environnement... » - Le blog de JACQUES BERTHOMEAU

© Chappatte dans The New York Times

Devant le fait accompli ?

En pratique, ces manquements ont une des effets négatifs comme le montrent les exemples de la ligne THT Chamoson-Chippis ou la route de contournement de Bienne, qui vient d’être abandonnée après 20 ans d’études. Ces derniers ont mis en évidence l’importance cruciale de permettre une consultation publique des projets dès leur conception, c’est-à-dire lorsque toutes les alternatives, y compris l’alternative dite « zéro », sont encore ouvertes. Une telle participation de la population à un stade précoce permettrait d’éviter d’importantes mobilisations citoyennes à leur encontre, diminuerait le nombre d’oppositions déposées au stade de la procédure d’approbation des plans et éviterait des dépenses inutiles. Ceci est non seulement souhaitable démocratiquement, mais permet également un processus délibératif beaucoup plus efficient, car ayant lieu très tôt dans la conception du projet. De plus, la durée de la procédure d’approbation des plans, souvent jugée excessive, pourrait être réduite.

Une mise en oeuvre complète de la Convention d’Aarhus n’est  pas qu’une question juridique, loin de là. Il s’agit bien de renforcer la participation de la population dès le début des grands projets afin de s’interroger sur leur opportunité, respectivement sur les meilleures variantes à mettre en œuvre.