Sortir du mythe destructeur de la croissance linéaire

L’urgence climatique et environnementale à laquelle est confrontée notre société nous impose de repenser notre modèle économique, afin de tendre au plus vite à la neutralité carbone et à la fin de la destruction de notre environnement. L’économie circulaire offre des opportunités majeures pour que cette transition ne rime pas avec un effondrement social.

L’économie circulaire: un modèle économique à vision systémique

Génératrice d’emplois locaux et de richesse, l’économie circulaire nous permet de sortir du mythe destructeur de la croissance linéaire et de nous poser les questions suivantes : si le développement d’une société implique la destruction de son environnement, alors ce développement fait-il encore sens ? Et quelles seraient les alternatives soutenables ?

Définie comme un nouveau modèle économique à vision systémique, l’économie circulaire a pour but de sortir du schéma linéaire de l’économie traditionnelle (extraction –> fabrication –> consommation –> élimination) pour tendre vers des modèles axés sur la réutilisation, la réparation et le recyclage, minimisant ainsi l’impact environnemental du développement économique. Elle se caractérise par une utilisation des matières premières efficace et sur une durée aussi longue que possible. Ces dernières sont ainsi complètement réutilisées dans le processus de production. Non seulement ce principe peut être appliqué pour limiter l’utilisation des ressources naturelles, mais il peut aussi s’avérer rentable.

Sortir du schéma linéaire de l’économie traditionnelle pour tendre vers des modèles axés sur la réutilisation, la réparation et le recyclage.

La Suisse a pris du retard

La Suisse a trop longtemps limité sa vision de l’économie circulaire à la seule question du recyclage des déchets. Cependant l’économie circulaire va bien au delà de la question du recyclage et implique de prendre en compte l’ensemble du cycle d’un produit, dès sa conception. De nombreux produits conçus avec trop de matériaux composites ne sont pas ou peu recyclables. Les enjeux apparaissent donc dès le choix des matériaux utilisés, ainsi que des possibilités de réparation et réutilisation de ces produits, sans oublier non plus la question de leur durabilité et obsolescence. Par conséquent, en limitant sa vision de l’économie circulaire au simple recyclage, la Suisse a pris du retard, notamment vis à vis de l’Union Européenne et il est maintenant urgent et nécessaire qu’elle le rattrape. Car l’enjeu est crucial : nous sommes parmi les pays générant le plus de déchets urbains par habitant au monde.

Nouveaux outils de mesure indispensables

Afin de sortir de la simple logique de gestion des déchets et s’intéresser à l’économie circulaire dans son ensemble, il est nécessaire de créer de nouveaux outils de mesure et le Conseil national a dans ce sens accepté lors de la dernière session de septembre mon postulat « Mesurer la durabilité environnementale de l’économie circulaire à l’aide de l’indicateur “Retained Environmental Value” ».

De même il faut renforcer la recherche et le développement dans ce domaine, à l’instar du Programme national de recherche 73 sur l’économie durable qui se termine en 2023, ainsi que favoriser la collaboration entre organisations publiques et entreprises privées afin que la circularité devienne la norme dans l’ensemble de l’économie suisse.

Sa mise en application à tous les échelons de l’économie nécessite cependant des mesures structurelles et politiques. En Suisse, les quatre domaines de consommation ayant le plus fort impact sur l’environnement sont la nutrition, la mobilité, l’habitat et la santé. Il est donc nécessaire d’agir sur l’ensemble de ces domaines pour rendre nos sociétés et notre économie plus durable. Et le changement est en route. Des associations récentes telles que « Circular Economy Switzerland »  encouragent le développement d’une économie circulaire en mettant en réseau les différents partenaires souhaitant œuvrer pour sa mise en application.

Mettre en place des conditions-cadres réglementaires

En parallèle, des conditions-cadres réglementaires favorables à l’économie circulaire doivent être mises en place. C’est l’objectif de l’initiative parlementaire « Développer l’économie circulaire en Suisse » qui fait suite notamment à l’initiative populaire « Pour une économie verte » lancée par les Verts en 2015. Cette initiative parlementaire est aujourd’hui en cours d’examen par la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil national, dans laquelle je siège. Le parlement aura ainsi l’occasion, via une modification de la loi sur la protection de l’environnement, d’adopter les bases légales nécessaires pour inciter les entreprises à orienter leur production selon les principes de l’économie circulaire.

Il faut sensibiliser dès le plus jeune âge à la consommation durable et aux vertus de l’économie circulaire

De plus, d’autres pistes sont envisageables au niveau politique pour renforcer le soutien à l’économie circulaire, tels qu’une adaptation de la TVA à la circularité et durabilité d’un produit. Ceci offrirait un avantage concurrentiel aux entreprises qui font l’effort de tendre vers un modèle économique compatible avec les objectifs de l’économie circulaire. La création d’un système d’étiquetage des produits selon leur degré de circularité, à l’instar de la consommation énergétique, informerait mieux le consommateur qui serait dès lors en mesure de faire un choix éclairé sur les biens qu’il souhaite acquérir et encouragerait ainsi les achats durables.

Enfin, un élément essentiel pour influencer la demande est l’éducation et la formation. Et là aussi, le chantier est vaste pour sensibiliser dès le plus jeune âge à la consommation durable et aux vertus de l’économie circulaire. Un travail doit aussi être fait auprès des écoles qui forment les futurs entrepreneurs afin de repenser certains programmes de formation, notamment dans les grandes écoles d’économie, afin qu’ils soient plus compatibles avec les principes de l’économie circulaire.

Des milliards pour une menace non identifiée

En 2014, les Suisse.sse.s ont dit non à l’achat de Gripens pour 3,1 milliards de francs. Le Conseil fédéral et le parlement proposent aujourd’hui l’achat de nouveau avions de combat pour 6 milliards de francs.  L’enveloppe pourrait même se monter à 24 milliards, d’après plusieurs experts, avec les frais d’exploitation, d’entretien et de modernisation des avions. Y aurait-il aujourd’hui une raison pour que le peuple change d’avis et opte pour un achat aussi démesuré? Quelle est la menace?


« Attaque peu probable » selon le Conseil Fédéral

En Suisse, par définition, les avions de combats sont destinés à défendre notre territoire ou collaborer avec les forces aériennes des pays voisins, en cas d’attaque militaire. Or, Le Conseil fédéral reconnaît lui-même, dans son dernier Rapport sur la sécurité de la suisse de 2016, que la probabilité d’une telle attaque est quasi nulle : « Globalement, on peut affirmer qu’il est peu probable que la Suisse soit directement menacée par une attaque armée, que ce soit au sens traditionnel du terme ou sous une forme non conventionnelle, au cours des années à venir. On ne peut identifier aucun État ni aucun groupe qui dispose des capacités pour attaquer la Suisse par des moyens militaires et qui manifeste également l’intention de le faire. » (p. 36).

Par ailleurs, la Suisse est déjà dotée d’une défense aérienne, qui peut encore fonctionner de manière efficace. Elle vient d’ailleurs d’investir près d’un milliard de francs dans la modernisation des FA-18 actuels, qui pourront ainsi être opérationnels jusqu’en 2035 au moins. Elle n’a donc pas besoin de nouveaux avions de luxe.

Le Conseil fédéral le reconnaît lui-même, dans son dernier Rapport sur la sécurité de la suisse de 2016: la probabilité d’une telle attaque est quasi nulle

La preuve, lors de la votation de 2014, on nous disait qu’après 5000 heures de vol, les FA-18 étaient bons pour la casse. Suite au refus du peuple, ces mêmes FA-18 pouvaient tout d’un coup miraculeusement voler jusqu’à 6000 heures. Le Canada, qui a acheté des FA-18 avant la Suisse, prévoit de faire voler ces avions jusqu’à 8000 heures au moins.


Des milliards pour une menace non identifiée

Cet arrêté fédéral pour lequel nous devons voter est de plus un véritable chèque en blanc : la population votera sans connaître ni le nombre, ni le type d’avion et encore moins le nom du constructeur et son pays d’origine. Et le timing n’est vraiment pas le bon.

Est-il logique que la Suisse investisse des milliards pour parer à une menace non identifiée? Ne devrait-elle pas concentrer ses ressources pour répondre aux véritables menaces de ces prochaines décennies? Les cyber-attaques, les épidémies, les black-out énergétiques ou la crise climatique. Il va falloir déployer des moyens pour s’en protéger! Car contrairement à ce que prétendent les partisans de cet achat, ces 6 milliards ne sont pas dévolus au département militaire. Le parlement a le pouvoir de demander une nouvelle répartition du budget.

La Suisse doit concentrer ses ressources pour répondre aux véritables menaces de ces prochaines décennies: les cyber-attaques, les épidémies, les black-out énergétiques ou la crise climatique.

Je le vois tous les jours au Parlement : les demandes de soutien pour des places de travail mises en péril par la crise du COVID-19 viennent de toutes les branches économiques. Et ce alors même que cette crise va fortement impacter les recettes fiscales et donc la capacité des collectivités publiques à soutenir l’économie. La priorité est au sauvetage de la prospérité de la Suisse et à la transition écologique, pas à l’achat d’avions de combat !

L’homme n’est pas maître et seigneur de la nature!

Dans toute la Suisse, une large coalition de partis politiques, d’organisations de protection de la nature et de l’environnement, de chasseurs, de forestiers et d’agriculteurs s’oppose à la réduction de la protection des espèces dans la révision de la Loi sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages. Le peuple suisse se prononcera à ce sujet le 27 septembre 2020. 

 

En Valais, le débat risque de tourner, à tort, pour ou contre le loup.

 

Campagne focalisée sur la loup, à tort

Alors que l’effondrement dramatique des espèces est de la même urgence que la lutte contre le réchauffement climatique, il n’est pas tolérable que la Suisse affaiblisse sur son territoire la protection des espèces menacées. En Valais la campagne risque fort de se focaliser, à tort, sur un débat pour ou contre le loup. Ce n’est en effet pas la raison pour laquelle le référendum a été lancé. Au départ, cette révision de la Loi sur la Chasse avait pour but de demander au Conseil fédéral de créer des bases légales afin de pouvoir réguler les populations de loups, avant que de gros conflits n’éclatent. Sur ce point tous les acteurs sont d’accord qu’il faut trouver des solutions. Le problème, c’est que le parlement a profité de la révision pour diminuer le statut de protection non seulement du loup mais des espèces protégées en général.

 

Le parlement a profité de la révision pour diminuer le statut de protection non seulement du loup mais des espèces protégées en général.

 

Des animaux n’ayant commis aucun dommage pourront être abattus!

La loi actuelle permet déjà la régulation des familles de loups et le tir des individus problématiques. Le principal changement porte sur la manière dont les décisions de régulation et de tir sont prises concernant les espèces protégées. Les tirs pourront être autorisés de façon préventive, ce qui signifie que les animaux appartenant à des espèces protégées pourront être abattus alors qu’ils n’ont commis aucun dommage !

La révision donne aussi la compétence au Conseil fédéral, sans que le parlement ait à s’exprimer ou qu’un référendum soit possible, de modifier la liste des espèces protégées mais régulables. Le castor avait ainsi été ajouté par les deux chambres parlementaires qui ont fini par revenir en arrière face à la menace d’un référendum. Pour le lynx, cela s’est joué à quelques voix près. Pour ces deux espèces, le Conseil fédéral a déjà exprimé sa volonté qu’elles fassent partie de la liste.

 

L’idée que l’homme est maître et seigneur de la nature est exactement le mode de pensée qui nous a amené dans les difficultés climatiques et écologiques actuelles.

 

Le tétra lyre, en voie de disparition, pourra être chassé
Le lièvre brun, la bécasse des bois, le lagopède ou encore le tétra lyre sont sur liste rouge des espèces menacées de disparition et pourtant encore chassables en Suisse.

Espèces en danger à la merci des chasseurs

Avec la loi actuelle, les cantons doivent faire une demande d’autorisation de tir à la Confédération. Avec la révision, les cantons n’auraient plus qu’à informer la Confédération. Les animaux ne s’arrêtent pas aux frontières cantonales et la gestion des espèces protégées ne peut pas être faite correctement avec 26 approches différentes.

Enfin, le Parlement n’a pas saisi l’opportunité de renforcer la protection de certaines espèces en danger. Le lièvre brun, la bécasse des bois, le lagopède ou encore le tétra lyre sont sur liste rouge des espèces menacées de disparition et pourtant encore chassables en Suisse. De même la chasse aux trophées de bouquetins est toujours possible, même si le Conseil d’Etat valaisan vient d’annoncer la fin de cette pratique dès 2021 pour les étrangers. Sur ces points, cette révision de la loi est clairement une occasion manquée.

 

Un mode de pensée égocentrique 

Cette révision s’inscrit dans l’idée que l’homme est maître et seigneur de la nature et qu’il doit la dominer. Exactement le mode de pensée qui nous a amené dans les difficultés climatiques et écologiques actuelles. Il est temps de comprendre que nous faisons partie de la nature et que tout affaiblissement de la biodiversité nous est préjudiciable. Refusons cette révision qui facilite l’abattage d’animaux protégés afin que le parlement reprenne le dossier et trouve des solutions pour une meilleure cohabitation entre les animaux de rente et le loup tout en ne diminuant pas le statut de protection de la faune sauvage.