Plus de vacances pour une retraite différée ?

More holidays as a compensation for retiring later?

La proposition d’une hausse de l’âge de la retraite, compensée par des congés payés supplémentaires est intéressante. Il est un peu surprenant qu’elle vienne d’une personne de droite car le coût supplémentaire pour les entreprises était, en d’autres circonstances, présenté comme prohibitif.

L’arithmétique implacable du financement des retraites

Il est bien connu que les paramètres du premier pilier devront être ajustés. La hausse régulière de l’espérance de vie, et donc les montants de rentes à verser, doit être compensée. Il n’y a pas 36 solutions: une hausse des cotisations ou de la TVA, une baisse des prestations, ou une hausse de l’âge de la retraite (ou un panachage des trois).

La hausse de l’âge de la retraite ne passe pas la rampe politiquement si elle n’est pas accompagnée d’une compensation. La proposition de M. Noser est de compenser la retraite à 67 ans avec deux semaines de congés payés de plus par années. Le montant travaillé demeure ainsi inchangé pour une personne travaillant durant 45 ans.

Cette idée peut paraître surprenante à première vue : si les vacances étaient prises en bloc entre 65 et 67 ans, ne retournons-nous pas à la case départ ? En fait non car le salaire, et les cotisation AVS, sont payées durant ces congés. Au final, ce sont les années cotisées qui importent.

Le coût pour l’économie

Si la proposition est favorable aux finances de l’AVS, elle représente un coût pour les entreprises. Celles-ci vont en effet devoir verser le même salaire annuel pour moins de semaine travaillée, soit une hausse de 4,2% du coût du travail (2 semaines sur 48). Cela représente 17.3 milliards de francs par année, sur base de la compensation des salariés en 2019 (414,9 milliards).

Tant mieux si ce coût est considéré comme acceptable. Mais permettez-moi d’être un peu étonné. Lorsque nous avons voté pour deux semaines de congés supplémentaires en 2012, les opposants affirmaient que cela serait un fardeau financier insurmontable. Certes, ce n’était lié à une réforme des retraites, mais quand même.

Plus largement, il conviendrait d’avoir la même appréciation des coûts dans d’autres discussions. Par exemple, le passage à un taux de cotisation unique au deuxième pilier – qui rendrait le système plus efficace – entraînerait un coût de 1 milliard par année pendant vingt ans. Or ce montant est présenté comme un fardeau excessif pour les entreprises dans le débat. Autre exemple : le modique congé paternité de deux semaines sur lequel nous voterons le 27 septembre devrait coûter autour de 250 millions par an. Autant dire que nous pouvons largement nous offrir ce congé, et même être bien plus ambitieux.

Cédric Tille

Cédric Tille est professeur d'économie à l'Institut des IHEID de Genève depuis 2007. Il a auparavant travaillé pendant neuf ans comme économiste chercheur à la Federal Reserve Bank of New York. Il est spécialiste des questions macroéconomiques, en particulier des politiques monétaires et budgétaires et des dimensions internationales comme les flux financiers.

6 réponses à “Plus de vacances pour une retraite différée ?

  1. vu que les enfants commencent l’école plus tôt , on pourrait aussi envisager de faire entrer les jeunes dans le monde du travail une année plus tôt et ainsi gagner un an de cotisations sans changer l’âge de la retraite ou éventuellement ne la repousser que d’un an à 66 ans , mais avec flexibilité, parce que ceux qui entrent dans leur activité professionnelle à 18 ans doivent travailler plus longtemps que les diplômés universitaires qui n’y entrent qu’à 24 ans et dont la pénibilité est aussi plus faible !
    2 semaines de vacances supplémentaires ne sont certes pas suffisantes pour compenser l’effort de travailler 2 ans de plus, le stress au travail restant exactement le même !
    Les propositions trop simplistes ne seront jamais acceptées , repousser l’âge de la retraite sans distinction de l’environnement de travail est juste absurde .

    1. Bonjour,
      Je suis d’accord qu’un élément clef des réformes de retraite doit être de permettre une série de variantes permettant aux gens de choisir celle qui leur convient le mieux. Dommage que la population ait rejeté la proposition de retraite 2020 qui incluait cet aspect dans un paquet varié.
      Meilleures salutations
      Cédric Tille

  2. Il ne faut pas tourner autour du pot et aller chercher midi à 14 heures. Le problème est le chômage. Votons OUI le 27 septembre à l’initiative de l’UDC, bien que ce parti fait tout contre sa propre initiative, et tout ira automatiquement très bien après.

    1. Bonjour Monsieur Hanna,
      C’est là un sujet différend. Notez que le besoin de recalibrer le système de retraite se pose depuis longtemps, malgré la très bonne santé du marché du travail suisse. En outre, je vois mal comment se mettre notre plus grand partenaire commercial à dos nous aiderait.
      Meilleures salutations
      Cédric Tille

  3. Toujours la même solution: faire passer une hausse de l’âge de la retraite et reporter le problème dans l’assurance chômage (déjà mise à mal par le Covid) et l’aide sociale…

    Beaucoup de travailleurs qui souhaiteraient continuer à travailler ne le peuvent pas car il se font mettre à la porte bien avant. La retraite anticipée est une solution simple en cas de restructuration pour limiter la casse..

    De plus, avec la “révolution” numérique, l’étiquette “senior” est souvent délivrée dès 50 ans et, en cas de chômage, difficile de touver un job car les processus de recrutement, souvent robotisés, éliminent tout simplement les candidatures des plus de 55 ans…

    Les chiffres du chômage sont d’ailleurs un mauvais indicateur: beaucoup de chômeurs n’apparaîssent pas car ils ne sont pas éligibles… il faudrait mesurer la proportion d’actifs par rapport aux inactifs dans la tranche 55-65… la situation est alors très différente. Sans compter qu’un moratoire pour mieux évaluer l’impact dû à la recession PostCovid sur le chômage paraît opportun dans un contexte où la productivité augmente rapidement et continuellement grâce aux technologies et notamment l’automatisation, rendant ainsi le travail plus rare.

    Certes, il est question d’une rente-pont pour les chômeurs de longue durée: on va donc remplacer deux ans d’AVS par une prestation chômage pour un coût finalement peut-être supérieur ? A moins que la rente-pont soit finalement suprimée quand il faudra “assainir” l’assurance chômage ?

    Il serait donc peut-être temps de faire preuve de créativité et d’explorer des pistes autres que le fameux: “y a pas d’autre solution. C’est à cause de la démographie et des taux négatifs qui impactent les rendements”.

    Quand il s’agit de trouver des fonds pour des achats importants (armée) ou de financer des entreprises en grande difficulté (aviation), les choses se résolvent en un temps record: l’argent surgit comme par miracle !

    L’AVS prévoit 40 ans d’activité pour une rente pleine: deux ans c’est 5 %… il doit être possible de trouver ce financement ailleurs en redistribuant, notamment, une partie des gains gains importants de productivité qui ont fait flamber la bourse et de l’immobilier ces 20 dernières annèes.

    Quid du temps partiel ? Quid des fonds de la BNS ? Faut-il reverser les montants des taux négatifs à l’AVS ?

    Il est temps de sortir des idées reçues pour éviter d’amorcer une bombe sociale.

    1. Chère Madame,
      Merci pour votre commentaire. Je partage votre avis que la situation des personnes aux delà de 50 ans sur le marché du travail est problématique. Si leur taux de chômage n’est pas plus élevé que le reste, leurs perspectives de retrouver un emploi une fois au chômage sont nettement plus difficiles, et elles sont donc plus exposées au chômage de longue durée. La proposition d’avoir un taux de cotisation au 2ème pilier qui n’augmenterait pas avec l’âge irait dans le bon sens en évitant la situation actuelle où les personnes plus âgées coûtent plus cher (en outre il vaut mieux épargner en début de carrière qu’en fin).
      Les faibles taux de rendements sont un problème pour les systèmes de retraite. Si l’on pointe souvent les banques centrales du doigt, le problème est nettement plus profond comme discuté dans mon blog du 20 janvier 2020.
      Si on peut critiquer le soutien accordé à certaines compagnies aériennes sans contrepartie (par exemple en termes de pollution), il s’agit là de prêts. La problématique est donc différente que celle d’un coût année après année. En outre le montant (1.25 milliard pour Swiss et Edelweiss) est bien plus faible que le coût des semaines de vacances.
      Je serais ravi qu’il y ait des gains de productivité substantiels à distribuer. Mais ce n’est pas le cas, au contraire car la productivité suisse stagne depuis 10 ans (voir mon billet du 11 janvier 2018). En outre, la part des profits des entreprises au PIB est à un niveau très bas depuis plusieurs années.
      Meilleures salutations
      Cédric Tille

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