L’avis du FMI sur les finances publiques suisses : il y a de la marge

The IMF’s view on Swiss public finances: plenty of space.

Le récent rapport du FMI sur la Suisse souligne qu’il est temps d’adopter une attitude plus ambitieuse quant aux finances de la Confédération. Rembourser la dette n’apporte rien et le temps n’est pas à l’austérité.

Moins de dépenses et de dette ? Une vision trop simpliste

Dans le cadre de son mandat de veille le FMI évalue régulièrement la situation économique des pays membres en y envoyant un groupe d’experts dans le cadre des missions dites « article IV ». Le rapport qui en découle fournit un examen détaillé et critique de la situation par une équipe de spécialistes.

L’évaluation de la Suisse publiée au début du mois souligne le besoin de rééquilibrer la politique macroéconomique. Comme la politique monétaire fait tout ce qu’elle peut, il serait adéquat que la politique budgétaire la soutienne.

Dans un contexte où la Confédération peut emprunter à des taux historiquement bas (- 0.26 pourcent à un horizon de dix ans) réduire la dette n’apporte que des gains minimaux. L’analyse du FMI montre que l’excédent actuel des comptes publics est plus que suffisant, ce qui autorise une hausse des dépenses sans remettre le frein à l’endettement en question – pour autant qu’on veuille bien se donner la peine de gérer ce frein de manière non-biaisée.

La grande marge de manœuvre dans les finances publiques ne se limite pas à la Confédération. Une récente étude de Ramon Christen et Nils Soguel parue dans la Revue Suisse d’Economie et de Statistique montre que les Cantons pourraient substantiellement profiter des faibles taux d’intérêt sur leurs dettes.

Un aspect particulièrement intéressant est que le FMI recommande que la politique budgétaire ne se contente pas de réduire les impôts, mais comprenne également une hausse de dépenses pour couvrir les frais du vieillissement de la population et de formation des gens pour aborder au mieux la numérisation.

Voilà un conseil pour le moins inhabituel venant d’une institution plus connue pour prôner la rigueur budgétaire. Non, le FMI ne s’est pas converti à une vision bizarre de la politique économique. Les recommandations reflètent une lecture technique et factuelle de ce que les modèles macroéconomiques standards préconisent pour une économie où le taux d’intérêt est très bas. Comme quoi une gestion responsable des deniers publics ne doit pas être synonyme d’attitude frileuse.

Cédric Tille

Cédric Tille est professeur d'économie à l'Institut des IHEID de Genève depuis 2007. Il a auparavant travaillé pendant neuf ans comme économiste chercheur à la Federal Reserve Bank of New York. Il est spécialiste des questions macroéconomiques, en particulier des politiques monétaires et budgétaires et des dimensions internationales comme les flux financiers.

4 réponses à “L’avis du FMI sur les finances publiques suisses : il y a de la marge

  1. Il est insupportable que ce genre d’institution internationale sans aucune légitimité se permette de seulement donner son avis sur la politique financière de notre pays!
    Si nous ne vivions pas dans un monde à l’envers, le Conseil fédéral et tous les corps constitués devraient protester officiellement. Je ne sais pas si le FMI a une représentation en Suisse. Mais si c’est le cas, il y aurait lieu de la fermer et d’expulser immédiatement ces diplomates d’une entité coupable d’ingérence dans les affaires intérieures d’un état souverain.

    1. Cher Monsieur Martin,
      Le FMI a la légitimité que lui confère le fait que les pays membres y ont adhéré de plein gré (avec votation populaire à la clef pour le cas de la Suisse).
      Les activités de surveillance de la situation économique des pays membres font partie de ses tâches clefs, et cela s’applique à tout le monde, pas seulement aux pays émergents.
      Meilleures salutations
      Cédric Tille

  2. Voilà une prise de position étrange. Il y a dix ans, nous parlions déjà de taux d’intérêts bas et on sait aujourd’hui comment ils ont évolué.
    Se positionner uniquement sur un niveau de taux pour emprunter ou rembourser sans considérer les coûts d’opportunité d’une part et d’autre part les autres composantes de son budget dépendantes du taux d’intérêt n’est pas digne d’une gestion professionnelle et responsable.
    Une telle attitude est assimilable à celle de l’emprunteur hypothécaire moyen qui croit se comporter de façon rationnelle en renonçant à rembourser sa dette sous prétexte que les taux sont bas. Une douce illusion.

    1. Bonjour,
      La situation de l’Etat est fondamentalement différente de celle d’un emprunteur privé (hypothécaire ou autre), car le privé ira un jour à la retraite, avec la baisse de revenu que cela implique.
      Meilleures salutations
      Cédric Tille

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