Revenu de base en Finlande : l’art de se compliquer la vie

Les partisans du revenu de base inconditionnel soulignent que la Finlande compte adopter cet instrument très prochainement. En fait, il s’agit plus exactement d’une expérience limitée dans le temps et à un nombre ciblé d’individus.    

Un récent reportage montre que l’argument principal dans le cas finlandais est un problème « de seuil » dans les prestations sociales. Une personne au chômage bénéficie en effet de prestations qu’elle perd lorsqu’elle retrouve un emploi. Ceci représente de fait une taxe substantielle qui décourage les gens d’accepter un travail. Comme un revenu de base s’appliquerait aussi bien si la personne a un emploi ou non, l’effet disparaitrait.

Si le problème est l’effet de seuil dans les prestations, pourquoi alors ne pas s’y attaquer directement ? Après tout le barème des prestations ne tombe pas du ciel et peut être ajusté par l’état. Concrètement, il faut tout d’abord s’assurer que les prestations sont fournies aux personnes à bas revenu, que ce revenu provienne des allocations chômage ou d’un salaire. Ceci évite un décalage qui pénalise l’activité salariée. Deuxièmement, la réduction des prestations lorsque le revenu augmente doit se faire graduellement. Les personnes perdent alors des prestations à mesure qu’elles accroissent leur revenu, mais cela se fait en douceur sans décourager l’ambition des gens.

Le problème peut donc être réglé directement. Ceci serait plus efficace que de rajouter encore une couche de prestations publiques par le biais d’un revenu de base dont l’effet n’est qu’indirect. Le projet pilote finlandais est en fait trop étroit. En plus du groupe qui touchera le revenu minimum, il serait intéressant d’avoir un groupe avec une réduction graduelle des prestations sociales. On pourrait alors clairement comparer les effets de deux approches.

Pour finir, notons que les problèmes de seuil ne sont pas une particularité finlandaise. Il serait très intéressant de les étudier en Suisse, car les multiples prestations des communes, cantons et de la Confédération ne sont pas toujours coordonnées.

Cédric Tille

Cédric Tille est professeur d'économie à l'Institut des IHEID de Genève depuis 2007. Il a auparavant travaillé pendant neuf ans comme économiste chercheur à la Federal Reserve Bank of New York. Il est spécialiste des questions macroéconomiques, en particulier des politiques monétaires et budgétaires et des dimensions internationales comme les flux financiers.