Le moindre mal… vraiment?

Imaginons qu’en cette nuit des longs couteaux tous les partis se soient réunis à l’insu de l’UDC. Imaginons que ceux-ci aient décidé de se révolter contre le «tricket» proposé par le parti d’extrême droite et qu’ils aient décidé de lancer un quatrième candidat. Imaginons alors qu’en ce mercredi 9 décembre 2015, 11h45, ce soit un candidat du centre – comme Roger Nordmann l’a souhaité dans son discours en tant que président du groupe socialiste – qui ait été élu. Imaginons enfin que nos parlementaires aient osé casser l’image bien lisse et bien propre de la concordance helvétique et aller à l’encontre de la clause d’exclusion de l’UDC que chacun dénonce pourtant comme antidémocratique. Si tout cela s’était réalisé, alors nous aurions pu – peut-être – envisager une législature dans laquelle nos représentants auraient été en mesure de proposer des solutions novatrices et porteuses d’avenir dans les nombreux défis qui nous attendent ces quatre prochaines années.

Au lieu de cela, tout s’est déroulé exactement comme attendu et le fade Guy Parmelin, certes annoncé comme un moindre mal face à ses deux concurrents, a été élu pour remplacer la dynamique et efficace Eveline Widmer-Schlumpf. Malgré ce «moindre mal», nous sommes en droit de nous faire du souci en ce qui concerne les prochaines échéances du dossier européen avec l’élection du Vaudois.

En effet, en consultant son site internet[1], on constate vite que Guy Parmelin souhaite continuer à se «battre contre tout accord institutionnel avec l’UE qui mettrait à mal nos positions économiques et politiques» afin de rester «libre de toute tutelle extérieure». Par ailleurs, on lit également qu’il fait partie du Comité de l’initiative contre l’immigration de masse et qu’il a déjà dénoncé la «mauvaise volonté du Conseil fédéral»[2] sur la question de sa mise en œuvre à plusieurs reprises. Comment imaginer dans ces conditions qu’une solution solide et pérenne pour nos relations avec l’Union européenne sera trouvée dans le cadre de l’application de l’article 121a?

Enfin, l'autre danger qui guette l’avenir de la Suisse en tant qu’Etat de droit et pays ouvert au centre de l’Europe est celui de la votation du 28 février prochain sur l’initiative de mise en œuvre lancée, elle aussi, par l’UDC. Car sous un nom aux consonances anodines se cache en fait une violation de la Convention européenne des droits de l'homme, du droit international et de la libre circulation des personnes entre autres joyeusetés. Comment ne pas craindre désormais une acceptation populaire de l’initiative lancée par le premier parti de Suisse alors que deux de ses représentants siègent au gouvernement et 74 dans les deux Chambres?

Alors oui, on peut certes se féliciter que ce soit le candidat «le moins pire» qui ait été élu, que celui-ci ait déclaré se sentir «plus proche d’Alain Juppé que de Marine Le Pen»[3], mais ce que l’on doit surtout espérer, c’est que les autres partis s’unissent dans la lutte pour la sauvegarde de nos relations avec l’Union européenne, l’ouverture de la Suisse et le maintien de sa prospérité.

 

[1] Cf. http://www.guyparmelin.ch/ (consulté le 09.12.15)

[2] Cf. http://lesobservateurs.ch/2015/06/01/on-sent-une-mauvaise-volonte-du-conseil-federal/ (consulté le 09.12.15)

[3] Cf. http://www.letemps.ch/suisse/2015/12/08/udc-front-national-jeu-differences (consulté le 09.12.15)

Caroline Iberg

Caroline Iberg a travaillé entre 2013 et 2017 au Nouveau mouvement européen Suisse (Nomes). Elle est désormais chargée de communication à Strasbourg.