«Accueillir les réfugiés, c’est respecter les valeurs du continent»

Le couple franco-allemand fait beaucoup parler de lui, et ce depuis de nombreuses années. Mais qu’en est-il du couple franco-suisse dont la flamme a été ravivée par la venue en terres helvétiques de François Hollande au printemps dernier? Serait-il uni dans son désamour de l’Europe? Cette dernière devrait-elle changer radicalement pour (re)conquérir le cœur des deux voisins? C’est sur ces questions qu’ont débattu François Cherix et Jean-Marie Cavada, respectivement co-président du Nomes et président du Mouvement européen France (MEF), hier soir à Besançon. Au détour des discussions, trois points centraux ont été mis en avant au sujet des trois puissances, parfois ennemies, parfois amies, mais toujours unies: la France, la Suisse et l’Union européenne.

Le premier concerne la démocratie. Si la Suisse ne cesse de vanter les mérites de sa démocratie directe, ce système ouvre toutefois tout grand «la porte aux dérives nationalistes», selon les termes de François Cherix. En outre, bien que «la Suisse [soit] une sorte de maquette européenne, elle déteste l’Europe. C’est donc à se demander si elle s’aime elle-même». Côté français, Jean-Marie Cavada martèle: «La France n’est pas une démocratie. C’est une république libertaire certes, mais elle manque cruellement de contre-pouvoirs.» Et quid de la démocratie européenne? «Il est temps de passer à des structures fédéralistes, suggère le co-président du Nomes. Les Etats sont appelés à devenir l’enveloppe historique de régions qui coopèrent».

Le second point concerne les valeurs. «Il manque un récit européen, estime François Cherix. Comme la démocratie s’est construite sur la nation, il est difficile de faire imaginer au citoyen qu’il peut exister une démocratie supranationale». Et Cavada de rêver tout haut : «Il était une fois un continent aspirant aux mêmes choses, aux mêmes valeurs. Toutefois, ayant été élevés par des nurses différentes, les peuples parlaient des langues différentes». Selon les deux hommes, il est désormais temps que les Européens acceptent le fait qu’ils partagent un seul et même patrimoine, celui d’un continent, de leur continent. 

Enfin le dernier point, et le sujet me brûle les doigts tant il est actuel, est évidemment l’immigration. En Suisse, bien sûr, remis sur le devant de la scène politique après l’acceptation de l’initiative de l’UDC en février 2014, mais aussi en France, où le Front National n’a de cesse de vouloir «rendre la France aux Français», et enfin – surtout ! –  au sein de l’UE, qui fait face à des vagues de migrants venus principalement de Syrie et d’Irak. «Je n’aime pas le terme de migrants, se révolte Jean-Marie Cavada. Ce ne sont pas des oiseaux! Ce sont soit des réfugiés qui fuient la guerre ou alors des immigrants qui viennent pour des raisons économiques. L’Europe est une terre de réfugiés, elle sait ce que cela veut dire, car il n’y a presque aucun pays européen dont une partie des habitants n’a dû fuir à cause de la situation dans son pays.» Et de conclure: «Nous faisons l’Europe car les gens cherchent la paix et le respect des valeurs sur un même continent. Accueillir les réfugiés, c’est respecter les valeurs du continent». Que faire d’autre sinon applaudir ces paroles, la main sur le cœur et la larme à l’œil?1

 

1J’entends déjà les mauvaises langues me traiter d’utopiste. Ce n’est pas de l’utopie, c’est une vision optimiste de l’avenir. 

Caroline Iberg

Caroline Iberg a travaillé entre 2013 et 2017 au Nouveau mouvement européen Suisse (Nomes). Elle est désormais chargée de communication à Strasbourg.