La tyrannie de l’intensité

Pas à pas, l’intensité s’est glissée dans notre quotidien, au travail comme en dehors. Vous en doutez ?

Au travail, elle se traduit par les injonctions de performance. Une petite pause-café pour garder le rythme ? Certes, mais assortie d’un breuvage à l’arôme intense. Une pause déjeuner ? Le plat à l’emporter se décline en version « booster » (à grand renfort de graines, baies, pousses, etc) ou «détox», éliminant, brûlant … quoi au juste ?

Pour avoir l’air d’un(e) gagnant(e), les produits de soins ne sont pas en reste. Ils sont assortis de super pouvoirs, parfois déclinés en triple action protectrice « effet 48 heures » dont l’intérêt m’échappe. Tels des super héros, ces potions font un effet bouclier qui combat les forces du mal (l’âge en premier lieu !) et autres menaces imminentes qui nous guetteraient .

Champions de l’intensité et du vocabulaire guerrier, les produits de nettoyage sortent l’artillerie lourde. Dopés de particules ultra puissantes ils promettent d’exterminer la poussière. Et que dire de l’aspirateur ressemblant à un engin de l’espace, qui permet de mesurer sur écran notre score d’acariens pulvérisés?

Plus le produit promet une action fulgurante, plus il est solidement protégé par un indestructible emballage, empaqueté dans des capsules invincibles. Un peu comme nous, quand nous fendons l’air sur nos skis, vélos, trottinettes, promettant toujours plus (de quoi au juste?). Nous voici, à notre tour, empaquetés dans des protections, carapaces, avertisseurs annonçant au monde notre présence. Pendant ce temps, les voitures dotées de technologie quasi spatiale, rampent à 30 km/h.

Je peux me tromper mais qu’avons-nous vraiment gagné avec toutes ces promesses ? Le café est-il distinctement meilleur ? Equipés pour la guerre des étoiles, avons-nous pour autant cessé de faire le ménage ? Le charabia survolté des produits de beauté a-t-il pulvérisé les signes de l’âge ? Nos armoires débordent juste un peu plus. Et en pensant à ce qui se passe «dans la vraie vie», on se prend à espérer plus de retenue, pour ne pas dire de bon sens.

Crédit: Pixabay/Prettysleepy1

Carla Hilber del Pozzo

Carla Hilber del Pozzo est consultante et formatrice en communication, leadership et développement de carrière, après un parcours de direction dans le secteur privé.

3 réponses à “La tyrannie de l’intensité

  1. Si-si, dites- le, ce mot qui semble avoir disparu du dictionnaire de la novlangue: bon sens… ça me ferait un tel bien!

  2. Bonjour Madame,

    Merci votre propos.

    Nous sommes dans une période qui aime l’emphase dans les mots. Tout est “magique” de nos jours. Tout est surtout marketing, com et baratin.

    Mon maraîcher a coutûme de dire que “le marketing, c’est maintenant vendre des salades, au sens propre comme au sens figuré”.

    Les mots perdent leurs places et leurs sens. Ancien officier et maintenant aussi ancien entrepreneur, j’avoue mon agacement lorsque j’entendais ceux qui me parlaient de “tuer la concurrence” et qui ne savaient pas ce que représentait le fait d’enlever…une vie.
    La subtilité de la langue française , qui permet nuances et précisions, est à plaindre.

    Quant au bon sens, cette belle valeur, elle ne permet pas de vendre, donc elle est tenue à bonne distance par le monde des affaires.

    Merci de votre sujet Madame. Vraiment !

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