La peur aux commandes?

Où aller pour les vacances ? La question est de saison. Vaut-il mieux éviter les destinations exposées au terrorisme, aux grèves, aux virus finissant en « a »: tourista, chikungunya, zika, ebola…?

Au-delà de la prudence élémentaire, la peur pourrait aisément, si nous n’y veillons pas, conditionner une part considérable de nos choixPeur d’être malade, d’être laissé sur le carreau, de mourir…

Réservez un billet d’avion que déjà on vous demande si vous voulez une assurance contre toute éventualité peu réjouissante. Et si on optait pour une destination plus sereine, atteignable en voiture ? Là encore, la peur est du voyage car plus le véhicule est récent, plus il distillera des peurs au nom de notre confort et sécurité : biiip on roule trop vite, biiip un radar approche, biiip un véhicule nous frôle de trop près, biiip un embouteillage arrive, biiip un passager s’est détaché… 

A quand un véhicule réellement bienveillant qui alternerait les messages de danger avec les félicitations (« Bravo pour votre choix de parcours !»), l’apaisement («Vivez l’instant présent!»), voire les encouragements («Hop, hop, hop, vous serez bientôt à destination. Continuez à rouler comme vous le faites!»)? 

La peur a pour fonction première de nous alerter pour assurer notre survie, pas celle de régir notre existence. Or, à mesure que nous gagnons en connaissance, en technologie, la peur, amplifiée par le flux ininterrompu de (mauvaises) nouvelles, envahit tous les pans de notre vie. Peur des extrémismes, des guerres, des conséquences du prochain caprice de tel chef d’Etat, de la crise économique, de la destruction de l’environnement, du chômage, de vieillir, de développer une maladie dégénérative, du cancer, de grossir, de la viande rouge, du gluten … La liste est infinie, aussi longue que les alternatives pour se prémunir contre tout, les assurances pour nous protéger de tout, les multiples variantes pour accéder à la zénitude.

Je peux me tromper mais je préfère penser comme dans Astérix chez les Normands, que la peur donne des ailes, qu’elle nous informe mais ne définit pas notre vie, notre horizon. Un petit pas dans ce sens? Reprendre les commandes, au propre comme au figuré, en faisant le tri entre les peurs. 

 Photo : Alexa_Fotos Creative Commons Pixabay

Quel expert êtes-vous ?

Jamais le monde n’a compté autant d’experts. Quel que soit le sujet, Google vous trouvera un(e) expert(e) dispensant les :

  • 5 conseils pour …
  • 3 erreurs à ne pas commettre si…
  • 10 astuces pour réussir sa…

Le statut d’expert, traditionnellement acquis par l’expérience, les diplômes, les publications, la reconnaissance des pairs, vit une démocratisation grâce au web. En effet, la production sans précédent de contenu permet au plus grand nombre de dispenser la connaissance, tandis que la reconnaissance arrive sous la forme de « likes », d’abonnés, de partages, etc.

Le Littré définit l’expert comme celui qui a, par l’expérience, acquis une grande habileté dans un métier, dans quelque chose. A ce titre, Youtube est la plateforme incontournable où des experts informels permettent de résoudre une foule de problèmes pratiques. Utilisatrice régulière de tutoriels techniques, je salue la pédagogie, l’inventivité et la générosité de leurs auteurs, qui très souvent ne cherchent pas à se mettre en avant.

C’est ainsi que des savoirs traditionnels se perpétuent tandis que de nouvelles idées sont diffusées, en une myriade infinie de tutoriels. C’est également le moyen pour que des personnes hors du monde du travail quelle qu’en soit la raison (« juniors » et « seniors », mères au foyer, etc) mettent en valeur leurs compétences, manient la technologie et soient en lien avec le monde.

Je peux me tromper mais… avec une telle profusion d’experts formels et informels, il est grand temps que le monde se porte mieux.

Photo: ColiNOOB Creative Commons Pixabay

Auto mariage ne signifie pas épouser son auto

Les places sont chères pour célébrer des noces à la belle saison mais tout n’est pas perdu si vous êtes intéressé(e)s par un mariage avec vous-même: une cérémonie collective d’auto mariages est, en effet, prévue le 8 juin prochain, tel qu’annoncé sur le site de la mairie de Bilbao . Un cours de préparation au mariage est même prévu par l’organisatrice, l’artiste May Serrano, mariée de longue date à elle-même.

Acte de narcissisme ou de liberté ?

A en croire quelques auto mariées médiatiques (où sont les hommes?), la sologamie attire principalement des femmes entre 30 et 40 ans. Principales motivations ?

  • Refuser de conditionner son bonheur personnel à LA rencontre (qui se fait attendre longtemps).
  • Prendre sa vie en main face au stigmate du célibat, qui touche davantage les femmes.
  • Faire librement un acte d’amour propre et de fidélité envers soi pour l’éternité.

Des voix s’élèvent pour dire que c’est la preuve ultime de tout ce qui va de travers en termes de relations humaines, de solitude, d’individualisme.

Et s’il s’agissait d’un acte de narcissisme suprême? Je laisse à quiconque n’a jamais fait de selfies le soin de leur jeter la première pierre. En revanche, le besoin de faire du mariage  un « happening» à diffuser sur les réseaux sociaux, ressemblerait à s’y méprendre à une nouvelle forme de faire la fête…

Autre paradoxe de notre époque : et si cet acte d’affranchissement côtoyait leur rêve de princesse en robe blanche?

Pour répondre à ces questions et bien d’autres, l’auto mariage est assorti de spécialistes qui font autorité: une coach dispense des conseils et stages en la matière, tandis qu’un site vante ses coffrets d’auto mariage incluant une unique alliance (et une figurine solitaire pour couronner la pièce montée ?).

Je peux me tromper mais… une fois auto marié, que fait-on en cas de rencontre avec l’âme sœur ? Divorcer de soi-même ? Même si l’auto mariage n’est pas reconnu, l’adultère envers soi reste un sujet à part entière!

Photo: Pixabay, Creative Commons, Alexas_Fotos

« Mémé va au travail » : le hub créatif où les seniors marquent la tendance

Elles créent des objets de mode et de décoration, font des défilés, prennent la pose et postent des photos sur Instagram. Agées de 60 ans… et pour certaines de plus de 90 ans, elles rayonnent et s’activent dans la bonne humeur. Voilà ce que je découvre en franchissant le seuil de l’atelier de création et espace coworking « Mémé va au travail »* créé à Lisbonne en 2014, sur fond de crise économique.

Les fondateurs, une designer et un psychologue, avaient observé l’isolement croissant des “seniors”, accentué par la réduction de leurs retraites. Autre constat, la tradition portugaise de travaux d’aiguille et de créations manuelles reculait silencieusement face à la culture des créations « low cost », des enseignes mondialisées… sans oublier l’absence de transmission des traditions entre générations.

« Mémé va au travail » est également un incubateur de talents et une boutique, animés par un essaim de dames aux doigts de fées. Grâce au savoir-faire des unes et à la médiation des fondateurs, le crochet traditionnel se réinvente en couleurs audacieuses, pour apporter la touche « mode » à de magnifiques plaids et coussins. Quant à la sage broderie, elle ose les couleurs fluo pour personnaliser des sacs et coussins créés à partir de photos anciennes imprimées sur tissu.

La transmission de ce savoir se fait sous la forme d’ateliers pour élèves créatifs de 9 à 99 ans, épris comme moi d’artisanat en péril. Au sein de cette ruche, s’activent des «seniors» pleinement insérées, épanouies, qui grâce aux échanges quotidiens avec d’autres générations, par aiguilles interposées,  sont devenues des utilisatrices averties des réseaux sociaux.

Vers 16h30, certaines jettent un œil inquiet sur leur montre : il est temps d’aller s’occuper d’un mari atteint d’Alzheimer, des devoirs des petits-enfants, etc.

Dans un avenir proche, les fondateurs espèrent convaincre quelques messieurs de décliner ce format au masculin, à travers des traditions liées au bois, au cuir, etc.

Cette initiative dément bien des stéréotypes associés à l’âge. Elle illustre ce que nous avons à gagner à veiller activement à la diversité générationnelle dans tous les secteurs de la vie et de l’économie. Elle démontre que si l’âge est une donnée, il ne définit pas une personne ni ses capacités.

* “A avó veio trabalhar”

Photo Pixabay KRiemer