Non, le COVID-19 n’est pas « bon pour le climat » … mais il devrait nous faire réfléchir

La différence flagrante entre les efforts déployés pour combattre l’épidémie de COVID-19 et ceux qui sont consentis pour éviter une catastrophe climatique planétaire n’aura échappé à personne. Les effets des mesures de distanciation sociale sur les émissions de gaz à effet de serre et autres pollutions ont eux aussi été largement couverts dans la presse. Pourtant, même en faisant abstraction un instant des nombreuses tragédies personnelles causées par le nouveau coronavirus, il n’y a pas vraiment de quoi s’en réjouir.

Les émissions de gaz à effet de serre de 2020 vont certes baisser de quelques pourcents des suites de l’épidémie (celles de la Chine ont baissé d’environ 25% durant le mois de février, et la demande en électricité en Italie aurait baissé de 18%) mais cela reste anecdotique par rapport à ce qu’il faudrait faire pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris[1]. Tout au plus cela montre ce que nous savions déjà, à savoir que l’activité économique est aujourd’hui encore très largement dépendante des énergies fossiles.

D’autre part, laisser entendre que la réponse au changement climatique pourrait être similaire à celle apportée au nouveau coronavirus pourrait s’avérer contre-productif. Car en dépit d’un certain nombre de similitudes entre COVID-19 et changement climatique, il existe aussi des différences notable entre les deux problématiques, au sujet desquelles il s’agit de rester lucide. La plus évidente est sans doute leurs temporalités très différentes. Une autre tient au fait que le changement climatique se résoudra par une transformation de nos économies, non par leur arrêt pur et simple.

Au niveau politique enfin, on peut douter que la crise du COVID-19 ait des effets positifs sur le plan climatique. Une fois l’épidémie passée, il est pratiquement certain que la première et unique priorité des gouvernements sera de relancer l’économie. On peut donc craindre non seulement un effet rebond en termes d’émissions de gaz à effet de serre, mais également que le problème climatique redescende considérablement dans l’agenda politique.

Il appartiendra alors aux mouvements de protection du climat de bien faire entendre leur voix afin que l’après-crise et les mesures de revitalisation de l’économie servent de tremplin à une transition énergétique urgente et indispensable. La bataille du changement climatique se gagnera, encore et toujours, dans la rue et dans les urnes, non en comptant sur une soudaine épiphanie de la classe politique devant le péril du COVID-19.

 

Le changement climatique n’est pas une crise

Bien qu’il requière lui aussi une action urgente, changement climatique est une nouvelle réalité à laquelle nous allons devoir nous adapter à très long terme. Contrairement à une épidémie, il ne peut être résolu par des mesures temporaires qui seraient levées une fois la « crise » passée. Et même si les dommages du changement climatique et le nombre de victimes potentielles à long terme sont incommensurablement plus importants que dans le cas du nouveau coronavirus, ces dommages restent pour l’heure encore relativement abstraits par rapport aux victimes quotidiennes causées par le COVID-19.

Il est certes tentant de voir dans l’épidémie une sorte d’allégorie du changement climatique en condensé, comme ramassée dans le temps. Dans les deux cas la capacité à prendre des mesures fermes de manière anticipée est fondamentale pour limiter les dégâts. Dans les deux cas le fait de pouvoir s’appuyer sur les meilleures connaissances scientifiques disponibles est indispensable à la prise de décision. Et dans les deux cas les comportements de millions de personnes doivent être coordonnés et changer en même temps pour espérer venir à bout du problème, ce qui requiert des mesures politiques fortes.

Mais ces similitudes ne doivent pas nous faire oublier le fossé qui sépare la capacité à anticiper de quelques jours la diffusion d’une épidémie (et il semblerait que même face à cela nos démocraties soient parfois relativement démunies), et celle d’anticiper de plusieurs décennies voire siècles une modification fondamentale de notre climat.

Il ne faut pas sous-estimer la différence qu’il y a entre un problème immédiat qui touche de plein fouet les citoyens actuels des pays développés et un problème de long terme qui se manifeste de manière graduelle. L’épidémie de COVID-19 est un problème d’action collective standard, le climat un problème d’action collective intergénérationnel. Car si les conséquences du changement climatique sont déjà bien réelles aujourd’hui, en particulier dans les pays les plus vulnérables, le pire est largement à venir. La temporalité longue du changement climatique rend la tentation de procrastiner pratiquement irrésistible pour des sociétés qui, comme les nôtres, ont développé une addiction à la consommation et aux énergies fossiles. Il ne faut donc pas s’attendre à ce que, forts de leur victoire sur le coronavirus, les États décident soudain de retrousser leurs manches et de s’attaquer avec la même vigueur aux causes du changement climatique.

 

À maux différents, remèdes différents

Si le fait d’arrêter net une économie a sans aucun doute pour effet une réduction des émissions de gaz à effet de serre, ce n’est bien évidemment pas là une solution viable à long terme. Les mesures visant à limiter la diffusion du nouveau coronavirus cherchent à réduire au maximum les contacts sociaux. Elles ont donc en premier lieu un effet sur l’économie de service (culture, lieux de convivialité, restauration, commerce, etc.) en laissant l’infrastructure technique de nos sociétés inchangée. Chacun étant confiné chez soi, les déplacements et le tourisme sont certes limités, mais il n’y a pas à priori de remise en cause fondamentale du modèle énergétique ni du modèle de consommation, qui peut continuer à distance.

Lutter contre le changement climatique demande au contraire des changements structurels et permanents dans nos économies qui les rendent durables à long terme. Décarboner notre société revient avant tout à réduire notre consommation énergétique et à assurer une transition rapide vers les énergies renouvelables. Mais rien ne s’oppose à un maintien, voire à une augmentation, des contacts sociaux si ceux-ci sont entrepris dans un contexte de relative sobriété énergétique. On peut de ce point de vue aisément imaginer que vivre dans une société durable soit nettement plus agréable sur le long terme que de vivre dans une société régulièrement soumise à des risques d’épidémie[2].

Les deux cas de figure sont donc passablement différents. Ce dont nous avons besoin dans le cas du changement climatique est l’invention d’un nouveau modèle économique et énergétique, dimension qui est absente des actions visant à endiguer l’épidémie de COVID-19. Et si certaines mesures contre l’épidémie semblent à première vue aller dans la direction de la protection du climat (p.ex. la réduction des vols en avion, la démocratisation des visioconférences), d’autres semblent plutôt aller en sens contraire (p.ex. éviter les transports publics et donc favoriser la mobilité individuelle). Il n’y a donc pas de transposition immédiate d’un problème à l’autre, et il convient de ne pas se bercer d’illusions sur d’éventuelles retombées positives de cette crise sanitaire en matière de climat, du moins si celles-ci ne sont pas activement revendiquées par la population.

 

Vers un nouveau modèle ?

Cela étant dit, ce que cette crise semble offrir de plus important est un espace de réflexion qui, s’il est bien utilisé, pourrait s’avérer précieux à plus long terme. Nous avons là une occasion sans doute unique de nous arrêter un instant et de questionner le modèle existant et nos pratiques de consommation, mais aussi de nous interroger sur les facteurs de blocage qui rendent l’action contre le changement climatique si timorée. Parmi eux figurent en premier lieu notre relation aux générations futures (pourquoi mériteraient-elles moins d’être protégées que nos contemporains ?) et le rôle des connaissances scientifiques dans nos prises de décision (les climatologues s’époumonent depuis trois décennies pour nous alerter sur les conséquences catastrophiques du changement climatique, mais sans effet politique notable à ce jour). Alors que la nécessité de protéger les plus vulnérables est sur toutes les lèvres, et de manière tout à fait légitime, dans le cadre de l’épidémie de COVID-19, il est intéressant de constater que ce même argument est formulé au sujet du changement climatique depuis les années 1990. Il est maintenant temps de joindre les actes aux paroles dans ce domaine également.

L’épidémie actuelle montre également que ce qui paraît absolument impensable dans un contexte normal peut très vite devenir réalisable lorsque le contexte change. On assiste dans le traitement de cette crise à un spectaculaire retour en force du politique, que l’on pensait irrémédiablement subordonné aux enjeux économiques. La crise du coronavirus montre au contraire que les démocraties sont prêtes à prendre des mesures extrêmement vigoureuses lorsque la protection de leur population est en jeu, et il serait utile de réfléchir à la manière de capitaliser sur cette soudaine démonstration de courage politique dans le domaine du climat.

La crise actuelle permet notamment de mettre en perspective les coûts de la transition vers les énergies renouvelables. Le coût de la transition énergétique a été estimé à un montant allant de 300 et 800 milliards d’euros par année pour le monde entier[3], chiffres qui semblent raisonnables lorsqu’on les mets en regard des sommes de soutien à l’économie débloquées par certains pays dans le cadre de la crise du coronavirus (40 milliards d’euros pour la Suisse, 820 milliards pour l’Allemagne et 1800 milliards pour les USA, et ce n’est probablement pas fini).

Les coûts de la lutte contre le changement climatique sont certes des dépenses annuelles, mais ces dépenses permettraient de sauver des millions de vie, d’éviter une péjoration des conditions d’existence de milliards d’êtres humains (et non-humains) et de réduire le risque d’un emballement climatique irréversible. Elles auront un impact positif sur l’économie et le marché du travail et permettront d’éviter des coûts économiques bien plus importants à court et moyen terme. Pour peu que l’on prenne au sérieux le droit des plus vulnérables et des générations futures à bénéficier d’un environnement leur offrant des conditions de vie décentes, c’est une dépense que les pays industrialisé peuvent se permettre et ont même le devoir moral de mettre en œuvre.

On peut d’ailleurs se demander à cet égard si les vastes plans de relance économique post-coronavirus ne devraient pas s’assortir de conditions dans certains secteurs (transports, énergie, industrie lourde) afin de commencer à infléchir sérieusement la courbe, non de la progression du virus cette fois-ci, mais des émissions de CO2. La semaine dernière, huit sénateurs démocrates des États-Unis ont proposé que toute aide financière aux compagnies aériennes devrait s’accompagner d’une obligation de réduction de leurs émissions de CO2. Faire autrement, écrivent-ils très justement, serait manquer « une occasion majeure de lutter contre le changement climatique ». Cela semble d’autant plus pertinent dans le cas de l’industrie fossile qui, dans certains pays, demande elle aussi des aides gouvernementales face à la chute du prix du pétrole.

Dans tous les cas il appartiendra aux élus et à la société civile de veiller à ce que la relance économique de la sortie de crise ne se fasse pas aux dépends du climat et de l’environnement, car il existe un risque réel que les pays se raccrochent alors à ce qu’ils savent le mieux faire : exploiter les énergies fossiles pour revitaliser la croissance économique.

Il s’agira en particulier pour les milieux de protection du climat de maintenir vivante la belle dynamique de 2019 afin de s’assurer que la lutte contre le changement climatique soit rapidement remise à l’agenda avec l’urgence qui s’impose. En attendant, protégeons les plus vulnérables parmi nous, occupons-nous de nos proches et prenons le temps de la réflexion. Toute crise est porteuse de risques et de difficultés, mais aussi d’opportunités. C’est le moment ou jamais de les saisir.

 

[1] Une baisse permanente des émissions mondiales de 45% d’ici 2030, par rapport à leur niveau en 2010, pour ensuite atteindre zéro émissions nettes en 2050.

[2] Il existe bien-sûr des liens entre la dégradation de l’environnement et l’apparition de nouveaux agents pathogènes, en particulier en ce qui concerne la destruction massive de la biodiversité. https://www.theguardian.com/environment/2020/mar/18/tip-of-the-iceberg-is-our-destruction-of-nature-responsible-for-covid-19-aoe?CMP=share_btn_link

[3] En 2008 l’économiste du changement climatique Nicholas Stern avait estimé le coût de la transition énergétique à environ 2% du PIB par année. Le prix des énergies renouvelables a aujourd’hui chuté, à tel point qu’il ne voit aujourd’hui plus vraiment la réduction des émissions de CO2 comme un coût, mais simplement comme « une bien meilleure manière de faire les choses, même si l’on avait jamais entendu parler de changement climatique ».

Augustin Fragniere

Augustin Fragnière est directeur adjoint du Centre de compétences en durabilité de l'Université de Lausanne. Docteur en sciences de l'environnement et philosophe, il a mené des recherches sur les enjeux éthiques et politiques des problèmes environnementaux globaux en Suisse, en France et aux États-Unis. Ses réflexions portent en particulier sur les questions de justice climatique et environnementale et sur les théories de la durabilité.

23 réponses à “Non, le COVID-19 n’est pas « bon pour le climat » … mais il devrait nous faire réfléchir

  1. Disons, «l’avantage» du covid-19, c’est d’avoir poussé pas mal d’entreprises du tertiaire (et d’organes de l’état) vers le télétravail. Mon seul souhait, une fois la crise passée, est de voir encore plus de monde profiter de cette possibilité.
    Le télétravail, ça apporte des réponses fonctionnelles à 3 problématiques actuelles:
    1. la pollution (pour autant que l’électricité consommée soit clean, évidemment)
    2. la prophylaxie (bah ouais.. raison première de son introduction en masse ces derniers jours)
    3. les bouchons et transports encombrés (et on boucle sur le point 1)

    Si le secteur des services pouvait se passer de bureaux, ça permettrait en outre de libérer de l’espace dans les villes, tant au niveau des voies de circulation que des bâtiments. Ce qui serait bénéfique à la vie en ville : moins de véhicules, moins de pendulaires, moins de bruit, moins de bouchons, moins de stress, moins de pollution – et en contre-partie, une qualité de vie en nette amélioration.

    Ça va faire deux ans que je suis en télétravail. Il faut s’imposer une routine, mais à mon sens les bénéfices au niveau du stress et de la vie “en-dehors du boulot” sont juste incomparables.

    Espérons que cette dynamique-ci sera aussi valorisée, et pousser plus d’employeurs à offrir cette possibilité. Vraiment. Pour le bien de toutes et tous.

  2. « Ce dont nous avons besoin », « Nous avons là une occasion sans doute unique de nous arrêter un instant », etc.

    Pourriez-vous préciser qui est ce « nous » compte tenu de la diversité des cultures, des sensibilités, des priorités, des niveau d’éducation, des régimes politiques, des morales religieuses et philosophiques qui composent la mosaïque des populations du monde ?

    Comment passer du « nous » abstrait du philosophe ou du militant au « nous » concret de l’humanité réelle dans toute sa diversité ?

    Personnellement, je n’ai encore trouvé nulle part de réponse à cette question.

    1. Bonjour, le “nous” concerne ici avant tout les sociétés industrialisées dont l’économie est fondée sur les énergies fossiles et la consommation de masse. Quant à la manière d’organiser la réflexion, chacun peu l’entreprendre à son niveau et du point du vue de sa propre culture. Je pense toutefois qu’il y a des fondements communs qui permettent un dialogue plus large. Je n’ai personnellement pas connaissance de cultures, de religions ou de traditions philosophiques qui seraient totalement indifférentes à un désastre écologique global et à une dégradation des conditions de vie de milliards d’humains.

  3. “Rien ne sert de courir, il faut partir à temps…” C’est immédiatement qu’il faut réagir pour le bien de la planète et “lâcher
    les chevaux” sans tergiverser et argumenter. Pour les politiques: sans penser seulement à la prochaine réélection…
    Question subsidiaire: Combien de promesses de campagnes électorales ont vraiment été tenues, ou ont connu du moins une amorce de mise en pratique? N’oublions pas d’aller voter, et surtout pour les bon/nes candidat/es.

  4. “Il appartiendra alors aux mouvements de protection du climat de bien faire entendre leur voix” hummm, je pense que au contraire, il faut déja la faire entendre, et en faisant bien “porter le chapeau” de la pandémie MONDIALE sur … le trafic aérien !
    en effet, sans celui-ci, l’épidémie ne se serait sans doute pas répandue aussi vite , et aussi loin.
    c’est donc déja le moment d’enfoncer le clou, en le montrant du doigt pour sa pollution climatique (plus proche de 5% que des 2% annoncés par les compagnies) et aussi pour ses conséquences sociales et économiques majeures , alors que ce truc sert surtout à des promeneurs ( que 14% pour du travail, et encore la-dedans ,il y a des foires expositions et des salons …)

    Que fait donc la Greta en ce moment, on ne l’entend pas la dessus…

  5. Le conseil fédéral incorpore ainsi qu’une trés grosse partie des fonctionnaires des offices fédéraux de l’agriculture, du SECO et de l’environnement FAVORISENT la continuation des activités terrifiantes du fabriquant de PESTICIDES Syngenta devenu depuis quelques temps Chinois au nom de la sacro-sainte neutralité Suisse et de la sacro-sainte liberté de commerce !
    Pas facile de dire a cette industrie d’arrêter d’utiliser la Suisse neutre et propre en ordre, on risquerait d’ingérer dans les petites affaires « Chinoise » !
    Il y a une quantité d’exemple comme ça en Suisse, pourquoi ne pas prendre l’opportunité de changer ce mode de fonctionnement de la part de nos élus?
    Devons nous encore leur faire confiance? Non visiblement.
    Laisser votre place au peuple, aux rassemblements populaires ! La raison sera sans doute plus sage que nos sept supposés « sage ».

  6. Bonjour Monsieur, je trouve votre analyse très pertinente,et je partage entièrement votre avis.
    Pour ma part je pense que le corona , les récents incendies, les sécheresses et inondations, tout est lié. C’est la planète qui nous fait un appel du pied, pour nous dire que nous avons suffisamment déconné, et que si on n’y prend pas garde, elle va passer au plan B . Donc pour ceux qui n’auraient pas encore compris (et je sais qu’ils sont nombreux ), si vous avez aimé le covid 19 , vous allez adorer le covid 21 !

    Je crains en effet que dès que la tempête sera passée, notre frénésie de consommation et notre boulimie énergivore reprendra de plus belle. Cette terrifiante pandémie fera certes de nombreuses victimes,mais je prend le pari que dans une année, à la même date, les naissances aurons comblé d’un facteur 10 les personnes disparues. (surtout avec le confinement !….)

    Au final, ne vous inquiétez pas trop , la nature va très bien savoir nous remettre en place , il faut juste un peu de patience.

  7. J’admire toujours les jeunes comme vous, cher Augustin, insultés, mais vaillants sur leur position.

    Bravo et courage

  8. Ce qui est intéressant, outre les effets sur le climat, est l’impact du ralentissement sur les rejets de dioxyde d’azote. D’après la presse scientifique, le nombre de décès liés au smog aurait diminué de 80’000 unités en Chine depuis l’entrée en vigueur des mesures contre la pandémie et l’immoblisation du parc routier chinois . Mais bon, la santé on s’en fout, les asthmatiques on s’en balance, seuls le réchauffement climatique et les ventes de véhicules diesel sont importants (les ventes de PQ aussi d’ailleurs).

  9. Merci pour ton excellent texte, que je me permettrai de diffuser. Ce n’est en effet pas la crise qui est bonne pour quoi que ce soit, mais c’est la façon dont nous en sortirons qui sera déterminante. Et à cela, nous pouvons déjà nous atteler! 🙂

  10. Bonjour Monsieur et félicitations pour votre argumentaire bien construit et très bien écrit. Juste un bémol: solaire, éolien et batteries (absolument nécessaires) ne sont pas et ne seront probablement jamais à la hauteur du problème, car cela n’est pas une question d’argent mais de lois physiques. Aucune analyse sérieuse n’existe quant à la faisabilité réelle de ces alternatives, alors que le contraire a été démontré à plusieurs reprises et depuis des années. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut abandonner cette voie, mais qu’il faut prévoir une baisse sensible du niveau de vie des nantis et un partage plus juste des fruits de la terre. La crise qui nous frappe n’arrive pas par hasard, accompagnées qu’elle est du désastre climatique, de la perte de la biodiversité, de la raréfaction des ressources, etc. Ceux qui ont lu et compris “Limits to Growth” (1973, 2002,..) savent que nous y sommes. Merci

    1. “solaire, éolien et batteries (absolument nécessaires) ne sont pas et ne seront probablement jamais à la hauteur du problème”

      En effet, à ce jour, seule l’énergie nucléaire est adaptée.
      Son seul inconvénient est l’insécurité potentielle des centrales, mais cela est notamment dû à un manque d’entretien par un budget énergétique trop peu porté sur ce type d’énergie.
      En effet, seul le nucléaire répond à la fois aux attentes de consommation (voire même plus : cf la France qui exporte de l’énergie électrique aux pays qui se retrouve face à l’échec de l’éolien et du solaire) et aux priorités environnementale, au vu des rejets extrêmement faibles, si ce n’est que de la simple vapeur d’eau, par rapport à la pollution engendrée par la fabrication l’installation et l’entretien des facteurs d’énergies dites “vertes” (mais qui ne le sont pas) et qui deviennent d’ailleurs rapidement obsolètes.

  11. Bravo! Votre article est lumineux et fait preuve d’une lucidité et d’une largeur de vues remarquables.
    “Ce dont nous avons besoin dans le cas du changement climatique est l’invention d’un nouveau modèle économique et énergétique”, écrivez-vous. Je suis entièrement d’accord avec vous, mais je dois dire que je n’ai pas encore trouvé un économiste – même utopiste – qui décrive de manière complète et concrète les lignes générales d’un tel modèle. Philosophiquement je crois pour ma part détenir les clés d’un modèle qui répondrait non pas à la frénésie de consommation dont a besoin la croissance capitaliste, mais aux vrais besoins l’humanité (voir par exemple J.F. Billeter, “Esquisses”, Allia, 2016). Connaissez-vous de votre côté des auteurs, des économistes, qui vous convainquent en proposant un vrai modèle alternatif? D’avance merci de votre réponse.

    1. Bonjour, merci pour votre commentaire. Il est vrai que la discipline économique n’a pas fait preuve jusqu’ici de beaucoup d’innovation et s’est dans son ensemble particulièrement désintéressée du problème climatique (en environnementaux en général), même si les choses sont lentement en train de changer. Je n’ai personnellement pas connaissance d’auteurs qui proposent des “modèles alternatifs” au sens fort du terme, mais vous trouverez des pistes intéressantes p.ex chez Tim Jackson “Prosperity without Growth: Foundations for the Economy of Tomorrow”, ou chez Kate Raworth:”Doughnut Economics: Seven Ways to Think Like a 21st-Century Economist” (je crois que ces livres ont été traduits en français).

      1. Merci pour ces références. Tout est bon, pour nous désenvoûter de la “sorcellerie capitaliste”, comme disent Stengers et Pignarre!

  12. Bonjour, merci pour ce très bon texte, dont je retiens deux conclusions.
    Un grand risque, que le redémarrage se fasse sur les ‘vieilles recettes’.
    De grandes opportunités pour changer des choses, sur le plan social et politique notamment. Les petits soldats exposés dans la ‘guerre’ actuelle assurent des services, avec des bas salaires; il faudra bien les revaloriser, et au delà on peut espérer améliorer le partage des richesses y compris vers l’économie réelle. Sur le plan politique je pense que l’on vit une jurisprudence d’exception qui va laisser des traces : comment refuser un ‘plan Marshall vert’ et quelques contraintes sociétales au bénéfice des générations futures alors qu’on est capable aujourd’hui d’un tel plan et d’un état d’urgence coercitif pour éviter quelques milliers de morts?
    Soyons optimites !
    Bien cordialement, gd

  13. Je réagis au passage “Car si les conséquences du changement climatique sont déjà bien réelles aujourd’hui, en particulier dans les pays les plus vulnérables, le pire est largement à venir.[…]”. Il me fait me rendre compte qu’il y a une tendance dernièrement à minimiser les impacts actuels et bien réels du changement climatique par rapport à ceux qui viendront plus tard. Oublier la gravité des feux de forêt et orages de l’été dernier ou des ouragans des dernières années au prétexte que “vous verrez bien l’apocalypse” ne me parait pas une bonne manière de nous encourager à changer. À vélo, sans les mains, il est essenciel de regarder où on souhaite aller, pas ce qu’on souhaite éviter!

    Si nous faisons ce qui est nécessaire, beaucoup de souffrances humaines (et du Vivant) pourront toujours quand même être évitées (aussi bas que nous nous laissions aller, le fond du gouffre sera encore loin), il ne faut pas se laisser paralyser par l’anticipation de l’échec. Sans compter que bien des changements sont indispensables, non contre la menace diffuse du climat futur, mais pour éviter des dommages bien plus immédiats sur la santé de nos concitoyens (le lien entre COVID-19 et une certaine forme de développement est là pour le rappeler), l’équilibre d’écosystèmes locaux fragiles (les feux de forêt toujours) et le maintien d’un contrat social qui nous évite de basculer en guerre civile (si les gilets jaunes ont échoué, quelle issue reste-t-il?).
    L’occasion de ressortir une belle image d’humoriste: https://i.cbc.ca/1.5192931.1562703009!/fileImage/httpImage/image.jpg_gen/derivatives/original_780/joel-pett-cartoon.jpg.

  14. Merci pour ce texte Augustin !

    En tant que psychologues sociaux, les parallèles et divergences entre la crise du covid19 et l’urgence climatique nous interpellent également. En effet, il nous paraît nécessaire de mener une réflexion sur les raisons qui poussent actuellement la très grande majorité des individus à accepter des mesures strictes qu’elle n’accepterait très certainement pas pour limiter le dérèglement climatique. Hormis l’aspect temporaire des mesures actuelles, qui a déjà été amplement discuté, il nous semble important de se pencher sur la notion de distance psychologique, qui se définit comme l’espace (temporel, géographique, social et hypothétique) perçu entre un phénomène et soi-même. En début d’année, le covid19 était encore distant psychologiquement ; non seulement car son existence était limitée à un autre continent, mais aussi parce qu’il touchait (sauf dans de très rares cas) des gens que l’on ne connaissait pas et que sa “sortie” d’Asie n’était qu’un scénario parmi ceux possibles. Au fur et à fur que la distance s’amenuisait, grandissait l’acception des mesures proposées, et apparaissaient des voix pour en réclamer de plus strictes.

    Même si les récentes données scientifiques le rapprochent “psychologiquement” de nous (le rapport 2018 du GIEC a sûrement beaucoup servi dans ce sens), le dérèglement climatique reste malgré tout distant, et parfois confus, lorsque plusieurs scénarios concurrents sont présentés au grand public. Lorsqu’il sera perçu comme aussi proche et de manière aussi précise que la perspective de se faire contaminer par le covid19, il sera malheureusement trop tard pour agir! Nous ne pouvons donc pas se reposer sur les mêmes mécanismes qui sous-tendent l’acceptation des mesures actuelles. La recherche suggère que la volonté de lutter contre les atteintes à la biosphère, notamment en acceptant des restrictions importantes de ses libertés individuelles, nécessite un certain niveau d’abstraction dans la manière dont on se représente le dérèglement climatique (comme un phénomène global et polymorphe par exemple) ; ce n’est pas uniquement pour soi, ou ses proches, que l’on doit agir, mais pour les générations futures ici et ailleurs, pour des espèces non-humaines, etc. La crise actuelle nous apprend à limiter nos gestes, à réduire (indirectement) notre empreinte, pour le bien de toutes et tous, même si la probabilité que notre existence soit en danger est limitée. Espérons que ces leçons seront retenues !

    Robert Avery, Valentin Gross, Ocyna Rudmann, Oriane Sarrasin et Cinzia Zanetti

  15. Je viens de commenter que je suis d’accord avec vous, c’est le cas sur l’essentiel, mais j’aimerais nuancer qu’en ce moment les mesures de confinements et d’arrêt des avions provoquent une réduction bienvenue des émissions de carbone.

    1. Bonjour Dorota,

      Le premier problème c’est que ce n’est que temporaire et que la relance économique qui va suivre (et qui est nécessaire) va peut être annuler ces effets, voire créer un pic carbone important par retour d’effet.

      Le second problème est que si ce n’est que ce genre de mesures qui résout les problèmes “écologiques”, alors bienvenue dans la vie impossible. Et comme une population ne supporte pas de s’imposer une vie impossible, ce ne serait que restrictions légales. Autrement dit, la solution la moins utopique est bel et bien une dictature écologique…

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