Un paradoxe contemporain: exister à l’ère de l’indifférenciation

Des toilettes non genrées [1], le mouvement Body positive [2], des quotas stricts hommes/femmes et blancs/noirs: qu’ont ces différents éléments en commun ? Une tendance inclusive qui tend parfois à l’indifférenciation. En effet, à force de vouloir tout mettre sur un pied d’égalité, dans un mouvement d’horizontalité, on abolit parfois des différences qui sont pourtant précieuses et essentielles. Car marquer des différences ne signifie pas les hiérarchiser ! Le problème, selon moi, n’est donc pas qu’il existe des différences de genre, d’ethnie, d’orientation sexuelle, d’opinions politiques,… mais que ces différences soient prises dans un système de valeurs et hiérarchisées les unes par rapport aux autres. Or, au lieu d’abolir ce système de valeurs, on tend à abolir les différences même !

En parallèle, il y a cette volonté de plus en plus fréquente de tout normaliser ou presque, comme si pour accepter un phénomène, il fallait le considérer comme étant normal (dans le sens statistique du terme). Pour exemples: la transsexualité, l’obésité, la maladie mentale, et même l’acné ! [3]. Je n’ai pas besoin que ces phénomènes/identités/éléments soient considérés comme normaux, au sens où ils seraient aussi fréquents et habituels que d’autres, pour pouvoir les accepter !

Il y a de grandes contradictions qui émergent d’une confusion de ces différents éléments. En effet, pourquoi instaurer des quotas en politique si les femmes et les hommes (ou les blancs et les noirs) ne sont pas différents ? Le quota désigne un pourcentage, un contingent, un nombre déterminé dans un ensemble (Dictionnaire Larousse). Afin de pouvoir déterminer une partie dans un tout, il faut bien qu’il y ait des différences qui nous permettent de distinguer ces diverses parties. Si on considère qu’hommes et femmes sont identiques puisqu’il n’y aurait pas de genre, le principe du quota perd ainsi tout son sens…

Nous vivons dans un contexte social d’« indifférenciation grandissante », sous-tendu par un mouvement inverse qui tend à ériger chaque particularité au rang de norme

En 2011 déjà, des psychologues et anthropologues (dont David Le Breton) évoquaient un contexte social d’« indifférenciation grandissante » [4]. Ce contexte nous mènerait à surinvestir des marques corporelles (comme les tatouages, les piercings, voire les scarifications) pour sauvegarder notre narcissisme. A ce propos, le dernier roman d’Hervé Le Tellier, L’Anomalie (que j’ai dans un premier temps écrit L’Anormalie sans faire exprès ;-)) évoque d’une façon indirecte cette tension entre Soi et Autre, entre même et différent.

Nous avons besoin de nous sentir uniques et distincts des autres pour exister, tout en faisant partie d’un tout, d’une communauté de semblables. C’est ce délicat équilibre qui se construit notamment durant la période de l’adolescence, et qui est remanié à différents moments de l’existence. Si nous continuons à lisser toute différence, comment pouvons-nous continuer à exister ? Comment définir notre identité propre ? Certains tendent ainsi vers des positions extrêmes (exclusion, rejet, ultranationalisme,…) en réponse à ce qu’ils perçoivent comme une menace d’indifférenciation…


[1] Toilettes non-genrées

[2] Body positive

[3] Normaliser l’acné

[4] Le Breton, D. (2011). La peau entre signature et biffure: du tatouage et du piercing aux scarifications. Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, 57(2), 79-92.

Aude Bertoli

Psychologue et passionnée d'écriture, Aude Bertoli rédige des articles, des nouvelles et des textes courts qui sont tous en lien, de façon directe ou indirecte, avec des aspects dramatiques de l'existence (deuil, perte, agression, violence,...). Il s'agit non pas d'une optique voyeuriste ou théâtrale, mais bien du besoin de briser le silence autour de sujets sociaux encore tabous. Contact: aude.bertoli[at]bluewin.ch

12 réponses à “Un paradoxe contemporain: exister à l’ère de l’indifférenciation

  1. «Nous vivons dans un contexte social d’« indifférenciation grandissante », sous-tendu par un mouvement inverse qui tend à ériger chaque particularité au rang de norme»

    Je pense qu’un mouvement de fond balaie notre époque : la mondialisation de l’esprit de vengeance. Les noirs veulent se venger des blancs, les femmes des hommes, le homosexuels des hétérosexuels, le musulmans des chrétiens et des juifs, les chinois du reste du monde, les ex-colonisés des anciens colonisateurs, etc.

    De ce point de vue, le maintien de la hiérarchisation des différences n’est donc pas involontaire, le but ultime de ces mouvements étant de créer, derrière un discours égalitariste et une indifférenciation de façade, une contre-hiérarchisation dans laquelle les réprouvés et les perdants d’hier deviendraient idéalement les dominants de demain.

    Ce minoritarisme multiforme et contradictoire, parfois agressif, soutenu par une élite «progressiste» qui expie son sentiment de culpabilité et sa mauvaise conscience par une recherche quasi-mystique de Victimes à défendre et de Damnés de la Terre à sauver, suscite dans une partie de la population un rejet violent qui se manifeste par l’élection de populistes vindicatifs qui pourraient se montrer beaucoup plus brutaux à l’avenir si ce mouvement devait se renforcer.

    Sans une prise de conscience lucide de ces rapports de force, nous allons droit au clash.

    1. Je crois qu’il y a beaucoup de vrai dans la réflexion d’Olivier Caillet. La majorité genrée, et normale,n’est pas homopobe ni sexiste, elle veut justze qu’on lui lâche la grappe. Elle subit l’agression en silence, elle encaisse, mais la moutarde commence à lui monter au nez. Les homsexuels étaient bien mieux acceptés avant qu’on nous impose toute cette police de la pensée, qui cause une hostilité sourede qui pourrait bien exploser un jour. Les frapadingues LGBTQIAXYZ feraient mieux d’arrêter leurs provocations.

      1. Je tiens à préciser que mes propos et mes opinions ne rejoignent absolument pas ce jugement et ce rejet de la communauté LGBTQIA+.
        Il y a d’autres moyens, je crois, d’exprimer son désaccord.

    2. Merci pour votre commentaire. Je dois dire que je ne vous suis pas lorsque vous exprimez votre conviction que les groupes minoritaires ont comme but une contre-hiérarchisation. Ce serait totalement contre-productif et contraire à leur discours. Que cela devienne le cas parce que ces mouvements sont parfois instrumentalisés à mauvais escient, c’est autre chose.

  2. Madame Bertoli,
    Merci pour cet exposé très clair d’un malentendu très semblable à celui provoqué par la peur (surtout en Allemagne, où j’habite) de passer pour un antisémite lorsqu’on critique la politique de l’état d’Israël. Il me semble aussi que la tendance de simplifer les choses au vu de leur complexité se répand dans tous les domaines. J’observe aussi un manque de courage à émettre des opinions hors du mainstream par peur de se voir mettre dans un mauvais tiroir ou de recevoir des applaudissements du mauvais côté. Oui, j’adhère à vos conclusions et je plaide ouvertement pour les différences et les particularités dans l’esprit de: il faut de tout – et de tous – pour faire un monde!

  3. A mon avis tout ce discours idéologique inclusif, non genré, et patati et patata ne concerne qu’une infime pellicule sociale, fugace, dans les milieux intellectuels – mais là la contrainte idéologique est très forte, avec répression à l’appui pour les dissidents. Cela n’a AUCUNE signification dans les profondeurs du corps social, chez les vraies gens qui pensent encore toutes (disons au moins 75-80%) dans l’esprit du magnifique poème en prose de Ramuz qui ornait les Livrets de famille dans le Canton de Vaud.

    Quand un monsieur barbu s’habille en femme et se dit non binaire, il est simplement ridicule. Le monde extérieur le considère avec mépris, horreur, amusement, ou indifférence. Et il en sera toujours ainsi. L’anthropologie est fondée sur la nature et ne changera JAMAIS.

    1. C’est quoi pour vous “s’habiller en femme” ? Sachant qu’anthropologiquement parlant, les femmes et les hommes portaient exactement les mêmes vêtements durant des dizaines de milliers d’années.

      Très belle analyse de Madame Bertoli en passant.

  4. “Je n’ai pas besoin que ces phénomènes/identités/éléments soient considérés comme normaux, au sens où ils seraient aussi fréquents et habituels que d’autres, pour pouvoir les accepter”.

    Je me questionne sur le fait que vous, psychologue, par ailleurs spécialisée notamment en psychotraumatologie, disiez ceci. Vous savez sûrement combien il est important pour une personne qui subit une “situation sociale difficile” (pour ne pas l’appeler “stigmate” social, pouvant causer un important trauma) de pouvoir retrouver une certaine confiance en soi, en son corps, et une place dans la société. Et que cela peut passer, souvent et notamment, par la reconnaissance sociale de leur statut (de victime, de personne trans, etc.).

    Cette reconnaissance sociale ne peut pas tomber du ciel alors que c’est la société même souvent qui a contribué à la stigmatisation de ces personnes et qui donc a une responsabilité dans les souffrances engendrées chez la personne qui vit ledit trauma.

    Une personne trans, obèse, ou ayant une maladie mentale, un ado ayant de l’acné (tiens c’était mon cas), étant victime de harcèlement scolaire durant sa scolarité (c’est aussi mon cas), toutes ces personnes ne seront-elles pas soulagées et mieux accompagnées pour vivre avec leur trauma en vue d’une vie meilleure si, dans la société, ce qui a pu les stigmatiser, devenait “plus normal” ? Ce que vous dénommez “abolir les différences précieuses et essentielles”, s’appelle sans doute pour nombre de victimes de ces traumas, plutôt « une bouffée d’oxygène bienvenue » ! Exemple : le harcèlement scolaire à l’école : cela aide qu’il y ait des statistiques pour montrer qu’1 élève sur 10 en est victimes ! A l’époque figurez-vous, il n’y avait aucune statistiques : en Suisse dans les années 90 on n’en parlait tout simplement même pas, du harcèlement scolaire. On aurait bien aimé que cela soit abordé en termes de statistiques. Mais sachez que même maintenant, malgré ces statistiques pourtant claires, certains établissements/directeurs-trices d’école continuent d’affirmer que « dans leur école, le harcèlement n’existe quasi pas ». Vous voyez donc, les statistiques ne font pas tout. Mais je peux vous dire qu’elles aident énormément les combats pour la reconnaissance des victimes et des traumas subis. C’est valable pour le harcèlement scolaire mais c’est la même chose dans les exemples que vous proposez dans votre billet :

    Enfin, la société reconnaît une souffrance vécue comme stigmate, et elle la normalise :

    Enfin, la société reconnaît qu’être trans, c’est quelque chose de normal qui arrive à beaucoup de monde, et qui a été méconnu jusqu’ici. D’où le fait que nombre de tans ont dû vivre cacher, et donc souffrir, et continûment de l’être. Et ça doit s’arrêter.

    Enfin, la société reconnaît qu’être en situation d’obésité, c’est quelque chose de normal qui arrive à beaucoup de monde, et qui engendre souvent de graves traumatismes. D’où le fait que nombre de personnes dans cette situation ont dû vivre dans la honte, et donc souffrir en silence. Et ça doit s’arrêter.

    Enfin, la société reconnaît qu’être un enfant/ado avec de l’acné, c’est quelque chose de normal qui arrive à beaucoup de monde, et dont on n’a pas assez abordé le fait que cela pouvait engendrer beaucoup de souffrances, comme par exemple l’exclusion sociale, le harcèlement scolaire, la phobie scolaires, etc. D’où le fait que nombre d’enfants/ados ayant de l’acné ont dû vivre avec ce regard stigmatisant, et donc souffrir toute leur adolescence. Et ça doit s’arrêter.

    Enfin, la société reconnaît que souffrir d’une malade mentale, c’est quelque chose de normal qui arrive à beaucoup de monde, et qui a été méconnu jusqu’ici. D’où le fait que nombre de personnes atteint de maladie mentale ont dû vivre cachées, avec la honte de révéler leur maladie, et donc souffrir encore davantage. Et ça doit s’arrêter.

    Enfin, …. on peut continuer bien sûr pour tant et tant de situation : et c’est peut-être cela qui vous fera dire que cette “revendication” de ces « phénomènes/identités/éléments » est en fait un catalogue à l’infini. Soit, en effet, les doléances peuvent être quasi infinies, mais ne sont-elles pas pour autant (la plupart) légitimes ?

    Peut-être que vous n’avez pas directement vécu un tel stigmate – ou que, ayant eu à un moment donné de votre existence à vivre un tel stigmate (est-il possible d’échapper à vie à tout stigmate social ?) vous avez pu rapidement y remédier (grâce peut-être selon vous à vos propres compétences, ou plus sûrement grâce à celles de votre entourage ? – toujours est-il que pour les personnes qui ont vécu de profonds stigmates, nous savons que l’on ne se relève pas aussi facilement. Dès lors nous ne pourrions jamais dire ce que vous affirmez dans votre blog :

    “Je n’ai pas besoin que ces phénomènes/identités/éléments soient considérés comme normaux, au sens où ils seraient aussi fréquents et habituels que d’autres, pour pouvoir les accepter”.

    C’est pourtant tout à fait nécessaire pour ces personnes, pour moi en premier lieu, et votre travail pourrait vous donner beaucoup d’exemples quotidiens de l’importance de cette reconnaissance. Savoir que nous ne relevons pas simplement d’une exception mais que les statistiques montrent que notre situation est vécue par beaucoup d’autres peut apporter beaucoup pour notre estime de soi, qui est un concept clé pour nous aider à relever la tête. Savoir qu’elle a donc un côté « normal » est une immense découverte potentiellement génératrice d’une guérison – en effet, après avoir été éjecté socialement d’un groupe social du fait du stigmate, savoir que ce stigmate-même est en fait plutôt « normal », contribue déjà…
    1. À lui enlever son caractère « anormal » avec toute la stigmatisation qui en découle qui en sera minimisée (si d’autres partagent ce stigmate, je ne suis plus seul)
    2. Change potentiellement le regard de la société qui jusque-là pensait vraiment que les trans, les harclé.e.s, les obèses étaient des « cas marginaux » ayant des tares individuelles « naturelles ».
    3. À plein d’autres choses liées à la réappropriation de son handicap/trauma.

    Mais je pense que peut-être, pour comprendre ce “besoin de normalité” (que vous appellerez plutôt sinistrement “besoin d’indifférenciation”) il faut avoir vécu, subi de l’intérieur le processus de stigmatisation où l’on a été désigné, à un moment donné, plus ou moins long (mais pas 2 jours…), comme déviant, pour comprendre combien ce besoin de normalité est important.
    Donc je vous fais bien sûr grâce de la compréhension de cela, car je ne peux bien entendu pas vous souhaiter de vivre de l’intérieur une stigmatisation sociale. Cela dit, vous devez en avoir devant vous malheureusement en bon nombre lors de vos consultations. Car on ne consulte rarement pour rien. Par contre, j’aimerais qu’on puisse au moins s’entendre sur cela :

    “Si nous continuons à lisser toute différence, comment pouvons-nous continuer à exister ? Comment définir notre identité propre ?”

    Donc pour info, les obèses, trans, harcelé.e.s, on ne “lisse pas toute différence” : on veut simplement être reconnu.e dans la masse crasse des bien-nés et désignés comme « normaux » pour pouvoir simplement être… normalement considéré.e.s et respecté.e.s. Si cela doit passer par un une reconnaissance statistique de lesdites tares, par un mouvement de Body positive, des toilettes non-denrées, des quotas stricts hommes/femmes et blancs/noirs, ou des tatouages ou piercing partout sur le corps, de l’inclusion scolaire où l’on accepte chaque enfant peu importe son handicap, en quoi cela peut-il vraiment finalement vous déranger ?

    Cela vous apportera certes peut-être moins de ces victimes de stigmates sociaux dans votre cabinet (encore que…il y a aura toujours des gens pour en stigmatiser d’autres, non ?), mais cela permettra à ces personnes de se réapproprier leur corps et leur identité propre (cela augmente en effet leur empowerment).

    Et c’est le plus important.

    Cordialement,

    Julien Cart

  5. Bonjour Aude,

    Je t’ai découverte hier à travers la lecture de cet article paru dans le Temps. Il me semble important de partager le malaise que j’ai ressenti.

    En tant que psychothérapeute, enseignant·e d’un cours de « psychopathologie… autrement » et à travers mes implications militantes, je soutiens la vision d’un monde où nous pourrions être « uni·es dans la diversité », à l’instar de Victor Turner. C’est-à-dire que nos identités puissent briller et étinceler de leurs couleurs respectives. Un peu comme le tramage particulier décrit par Amine Malouf dans les Identités Meurtrières.

    Or, pour que cela soit possible, le prérequis devrait être que la diversité soit perçue comme une richesse, « normalisée » (au sens de légitimée) et reconnue.

    C’est malheureusement loin d’être le cas…

    Lorsque les discours dominants taisent, invisibilisent, oppressent certaines manières d’être au monde et en valorisent d’autres, nous assistons quotidiennement à des manifestations de discriminations et d’accès différenciés à des droits fondamentaux en fonction des personnes.

    A mon sens, les mouvements sociaux tentent de mettre en lumière certains rapports de pouvoir afin de les déconstruire et proposer une vision alternative.

    Lorsque chaque couleur sera aussi belle et singulière qu’une autre, alors nous vivrons dans un monde de tolérance envers toutes les « manières d’être vivant » (au sens de Baptiste Morizot) !

    1. Bonjour Charlie,

      La fin d’année a été chargée et j’ai pris du retard dans la gestion des commentaires. Je te prie donc de m’excuser pour le retard avec lequel je te réponds. Merci pour tes remarques, auxquelles je réponds très volontiers.

      Je pense qu’il doit y avoir un certain nombre de malentendus entre ce que j’ai écrit et la façon dont certaines personnes ont interprété mes propos (tu n’es pas la seule, et cela va dans les deux sens !).

      Je suis tout à fait d’accord avec le fait que la/les diversité(s) doivent être reconnues et acceptées ! Là où je me questionne, c’est sur le processus: en effet, est-il nécessaire de normaliser un phénomène X (au sens de la norme) pour qu’il soit légitime et accepté ? C’est une interrogation, pas une affirmation. A travers mon article, je voulais partager mes interrogations, pas prendre un parti quelconque.

      Je souhaitais également mettre en avant une certaine tension que je perçois entre des mouvements sociaux qui peuvent paraître antinomiques (mais qui ne le sont peut-être pas…), notamment la recherche d’une “normalisation” (dans le sens de “rendre normal”, ce qui peut déjà ouvrir des débats) pour à peu près tout (comme je le signale dans l’article, l’acné est concernée) et, dans un même temps, un désir de démarcation/de visibilisation (voire de mise en avant) de toutes les singularités. Comme si, alors même qu’en souhaitant distinguer certaines choses, on les noyait dans une “masse commune”, ce qui aurait l’effet inverse.

      Cela n’ôte en rien ma profonde conviction que chacun-e a le droit fondamental d’exister tel qu’il est, dans son individualité et avec ses particularités.

  6. Chère Aude, pour le coup je ne comprends pas bien le point de cet article… il me semble que nous ne sommes au contraire pas dans un mouvement d’indifférenciation, mais bien “d’identifications” plus précises (une ère des “identités”), avec (si possible et pour le bien de tou-te-x-s) un regard intersectionnel qui permet de voir à différents niveaux comment les pouvoirs s’agencent, comment les récits identitaires se forment, comment certaines personnes sont oppressées/discriminées en fonction de ces caractéristiques et/ou identités, afin de pouvoir rendre la société et le quotidien plus inclusif et sécure pour tout le monde.

    Normaliser ne veut pas dire uniformiser, mais dépathologiser/déstigmatiser ces caractéristiques, ces vécus, ces identités. En ce qui concerne les genres, pour le coup, il faut sortir du paradigme binaire promu par le DSM (et encore trop de professionnel-le-x-s de la santé mentale) et embrasser le paradigme de la diversité (auquel s’est enfin ouvert l’OMS dans sa CIM-11), pour cesser de hiérarchiser et oppresser des corps et des personnes. https://news.un.org/fr/story/2019/05/1044591?fbclid=IwAR338BXfxBRRlGDa0ozckztLH9WWsd2T8RRcCNRQJABZckQScv9VjjuhujA

    Voici un article pour penser une clinique psychodynamique respectueuse sur ces questions: https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2542360620300949?dgcid=author

    Je comprends et crois bien que ton intention n’est pas d’être irrespectueuse, mais pour moi il transparaît, dans ton texte et au travers de certains termes (dont “transsexualité” qui est clairement dépassé et à bannir), certains arguments (comme la sorte de refus des processus de “normalisation” dans un sens de déculpabilisation/dépathologisation des choses), certaines citations (Le Breton et le “SURinvestissement” et la “sauvegarde du narcissisme” qui sous-tend une forme de psychopathologisation du recours aux tatouages/piercings…), une forme de jugement et des amalgames malencontreux… Je comprends et vois le côté paradoxal que tu ressens, mais j’ai l’impression qu’il n’est pas assez “situé”/”contextualisé” dans ce texte, et que ce dernier “s’attaque” aux mauvaises personnes ou mauvais mouvements. Mais on pourrait en reparler de vive voix.

    Bien à toi.

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