Une visite « historique » au musée de la paix d’Hiroshima

Le Japon a qualifié l’événement d’« historique ». A l’occasion d’une réunion des ministres des affaires étrangères du G7 qui se tenait le week-end dernier à Hiroshima, ces derniers ont visité le musée du Mémorial de la paix et ont déposé des couronnes de fleurs devant le cénotaphe honorant la mémoire des victimes du bombardement atomique de la ville le 6 août 1945.

En effet, John Kerry, le Secrétaire d’Etat américain, est devenu le plus haut représentant de son gouvernement à visiter le Mémorial qui évoque avec force la dévastation causée il y a plus de 60 ans par les Etats-Unis. Il était accompagné de ses homologues français et anglais, notamment, deux autres puissances nucléaires.

 

Mémorial aux horreurs de la guerre

Qu’ont-ils donc pu voir dans le musée en question ? Visiter celui-ci est indubitablement une expérience bouleversante. Nul ne peut rester insensible devant les horribles conséquences du bombardement atomique, qui sont dépeintes de façon douloureusement vive. Deux maquettes représentant la ville d’Hiroshima avant/après l’explosion illustrent puissamment l’ampleur de la dévastation causée, et les panneaux d’informations racontent le sort des innombrables victimes (dont une majorité de civils, plusieurs milliers de travailleurs forcés d’origine coréenne et plusieurs prisonniers de guerre américains) et les souffrances indicibles des survivants.

Le musée ne s’étend par contre pas outre mesure sur les raisons du bombardement, ni sur le déroulement de la guerre entre le Japon et les Etats-Unis. Cela n’a rien d’étonnant dans un musée dédié d’abord et avant tout à la mémoire des victimes de la bombe, mais cela reflète également la nature de l’empreinte laissée par la Seconde Guerre Mondiale sur la psyché japonaise.

 

Plus jamais ça

Le Japon a été totalement dévasté par les bombardements américains de la fin du conflit. Au-delà d’Hiroshima et de Nagasaki, toutes les grandes villes japonaises furent réduites en cendre, et le bombardement de Tokyo fit plus de victimes que les deux bombes atomiques. Cette souffrance et cette destruction ont inculqué aux Japonais un sentiment de révulsion face à la guerre qui reste très vif jusqu’à ce jour et est la source de l’antimilitarisme du pays.

Le travail de mémoire sur la responsabilité pour la guerre fut cependant beaucoup moins important. Le public japonais, les élites politiques conservatrices et les Etats-Unis – désireux de reconstruire le Japon au plus vite et de l’enrôler dans la lutte contre le communisme – s’accordèrent à blâmer la folie criminelle d’une clique militariste pour avoir perverti le pays et l’avoir lancé dans une politique expansionniste si désastreuse. Les Japonais promirent donc avec joie de ne plus jamais se lancer dans la guerre, mais il n’y eu que peu de réflexion publique sur les raisons pour lesquelles le pays entier s’était laissé enivré par un nationalisme agressif et destructeur.

 

Promouvoir la paix internationale

La grande majorité des Japonais reconnaissent les terribles crimes commis par leur pays envers les autres peuples d’Asie, mais voient dans le rejet de la violence, la promotion des idéaux de paix internationale et la transformation du Japon en citoyen modèle de la communauté des états comme le principal moyen d’honorer toutes les souffrances causées et endurées durant la guerre.

Le gouvernement du Premier Ministre Shinzo Abe s’inscrit pleinement dans ce courant de pensée avec sa promotion d’une politique de « pacifisme proactif », qui vise à présenter le Japon comme un défenseur actif du pacifisme sur la scène internationale. C’est pour cette raison que la visite des ministres des affaires étrangères du G7 au Mémorial de la paix est considérée comme tellement importante.

Voir M. Kerry écrire dans le livre d’or du musée que celui-ci « nous rappelle avec force et dureté que nous avons non seulement l'obligation de mettre un terme à la menace des armes nucléaires, mais que nous devons aussi tout faire pour éviter la guerre » est une victoire diplomatique et le moyen pour Hiroshima, et pour le Japon, de tirer quelque chose de positif des horreurs de la Seconde Guerre Mondiale. Beaucoup espèrent maintenant que Président Barack Obama emboîtera le pas à M. Kerry lors du sommet du G7 le mois prochain.

 

Antoine Roth

Antoine Roth est professeur assistant à l'Université du Tohoku à Sendai, au Japon. Genevois d'origine, il a obtenu un Master en Etudes Asiatiques à l’Université George Washington, et un Doctorat en Politique Internationale à l'Université de Tokyo. Il a également effectué un stage de six mois à l'Ambassade de Suisse au Japon. Il se passionne pour les questions sociales et politiques qui touchent le Japon et l’Asie de l’Est en général.